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Afrique du Sud

Commission d’enquête sur la chute du rand

La dégringolade de la monnaie nationale provoque la polémique. Des spéculateurs s’activent-ils dans les coulisses pour faire baisser les cours ? Une commission d’enquête va tenter d’y voir plus clair.
De notre correspondante à Johannesbourg

Fait sans précédent depuis les sanctions infligées au régime de l’apartheid, le rand a perdu 37% de sa valeur en 2001. La monnaie nationale s’échangeait à un taux de 12,11 rands contre un dollar le 4 janvier dernier, contre 7,58 rands il y a un an ­ loin, très loin des 2,50 rands qui suffisaient à acheter un billet vert en 1990, affirment les nostalgiques d’une devise forte. Si la dépréciation de la monnaie nationale est continue depuis plusieurs années, elle s’est singulièrement précipitée ces deux derniers mois.

D’innombrables raisons ont été évoquées, parmi lesquelles la crise au Zimbabwe voisin, la crise financière de l’Argentine, un autre marché émergent, la lenteur des privatisations en Afrique du Sud et le maintien de mesures de contrôle des changes Ces facteurs n’expliquent pas tout, affirme pour sa part Kevin Wakeford, le PDG de la Chambre de commerce sud-africaine (Sacob). La dégringolade du rand est imputée depuis des mois aux mêmes causes structurelles, estime-t-il, qui ne justifient en rien la soudaine chute des mois de novembre et décembre 2001.

A qui profite la chute du rand?

Kevin Wakeford a accusé, en se gardant bien de les nommer, les spéculateurs à l’oeuvre sur le marché. L’économiste Azar Jammine, directeur du bureau d’études économiques Econometrix, lui a emboîté le pas en se demandant "jusqu’à quel point certains ont voulu faire pression sur le gouvernement pour obtenir la levée du contrôle des changes" Objectif de la manoeuvre : permettre aux investisseurs nationaux, encore majoritairement blancs, d’expatrier en toute liberté leurs capitaux. Et ce, alors qu’une crise de confiance interne a sans doute largement contribué à la dépréciation du rand, depuis l’avènement du Congrès national africain (ANC) au pouvoir, il y a sept ans.

Racisme ou pas ? Dans les cercles du pouvoir, l’on est plus enclin à attribuer ce phénomène à un rapport de force hérité du passé qu’aux doutes provoqués par le gouvernement lui-même sur sa capacité à assurer l’avenir du pays. Personne ne remet en cause la bonne gestion macro-économique de l'ANC, mais les prises de position de Thabo Mbeki sur le sida continuent de ternir l’image de l’Afrique du Sud.

Quoi qu’il en soit, l’alarme sonnée par Kevin Wakeford n’aura pas été vaine. Le président Thabo Mbeki a annoncé le 8 janvier dernier une série de mesures de sauvetage du rand, parmi lesquelles la création d’une commission d’enquête spéciale. Cette nouvelle entité, qui s’est tout de suite mise à pied d’oeuvre, a été confiée à John Myburgh, un magistrat blanc réputé pour son caractère inflexible. Ancien président de la Cour d’appel du travail, John Myburgh remettra des recommandations à Thabo Mbeki une fois son travail terminé.

Pour l’instant, rien n’a filtré des éléments de preuve remis par Kevin Wakeford à Thabo Mbeki sur les "méthodes financières douteuses de certains groupes et individus". Certains économistes doutent encore de l’efficacité des mesures annoncées, parmi lesquelles la cession de 20 % de parts détenues par l’Etat dans la société de télécommunications M-Cell, un ballon d’oxygène de 475 millions de dollars pour les réserves en devises du pays. D’ores et déjà, le rand s’est raffermi à leur annonce. Il est remonté à 11,5 rands contre un dollar, loin de sa baisse record, en décembre dernier, à 15 rands contre un billet vert. Les consommateurs, eux, continuent d’acheter frénétiquement et de rembourser leurs crédits, anticipant sur une hausse des prix et la remontée des taux d’intérêts.



par Sabine  Cessou

Article publié le 10/01/2002