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Zimbabwe

Mugabe trichera sans témoin

A l’approche de l’élection présidentielle, le président zimbabwéen a tout mis en place pour empêcher son adversaire, Morgan Tsvangirai, de lui ravir son siège.
Les semaines qui viennent s’annoncent tendues au Zimbabwe. A l’approche du l’élection présidentielle, prévue pour les 9 et 10 mars prochain, le régime de Robert Mugabe est résolu à tout faire pour empêcher son adversaire, Morgan Tsvangirai, de lui ravir son siège. Et contrairement à la plupart de ses homologues qui s’accrochent au pouvoir, il ne cherche pas à préserver les apparences démocratiques.

L’arsenal législatif que viennent d’adopter les députés du partis au pouvoir, majoritaire au parlement zimbabwéen, ne laisse en effet guère de doutes sur l’issue de la consultation. Parmi les mesures les plus spectaculaires, la loi sur la sécurité rend passible de la peine de mort ou d’emprisonnement quiconque se rendrait coupable d’actes «d’insurrection, de banditisme, de sabotage et de terrorisme», en vue de renverser le gouvernement. Terrorisme ? Entré dans le vocabulaire officiel depuis les attentats du 11 septembre, le terme s’adresse au pire ennemi du camp présidentiel, le Mouvement pour le changement démocratique (MDC) et son leader Morgan Tsvangirai, premier à menacer la suprématie de la ZANU-PF, au pouvoir depuis 20 ans.

La nouvelle loi interdit, d’autre part, tout rassemblement public sans autorisation de la police et prévoit de lourdes peines de prison ainsi que de fortes amendes pour tous ceux, notamment les journalistes, qui «sapent l’autorité du président» et suscitent «l’hostilité à son égard». Le parlement zimbabwéen a, par ailleurs, modifié la loi électorale qui permet désormais d’exiger des électeurs, pour qu’ils votent, les preuves qu’ils résident dans le pays depuis un an. Quant aux centaines de milliers de Zimbabwéens installés à l’étranger, ils ne pourront, pour la plupart, pas remplir leur devoir civique puisqu’il sera réservé aux militaires et aux diplomates.

Témoins gênants

Le gouvernement n’entend pas non plus s’embarrasser de témoins jugés gênants. Alors que son homologue zambien avait au moins accepté la présence de représentants de l’Union européenne lors des élections générales contestées du 27 décembre dernier, la nouvelle mouture de la loi électorale précise qu’aucun organisme zimbabwéen indépendant ne sera autorisé à surveiller l’élection. Cette tâche est réservée à l’administration et à d’éventuels observateurs de pays «amis», dûment choisis par le président, qui a récemment refusé la présence de représentants l’Union européenne.

En clair, tout est en place pour que Robert Mugabe, soit assuré d’une victoire en mars prochain. Selon l’hebdomadaire indépendant Financial Gazette, la paranoïa sécuritaire du président Mugabe est à son comble. Il y a une dizaine d’années déjà, à Harare, les passants étaient sommés de s’immobiliser lors du passage en trombe du cortège présidentiel, toujours suivi de camions bourrés d’hommes en armes. A présent, la «State House», le palais présidentiel, est une véritable forteresse munie de bunkers, au cas où les choses tourneraient mal…

Tout cela ne semble pas suffire à rassurer un chef de l’Etat qui se dit «en guerre». Une loi sur l’information reste à voter, qui devrait achever le verrouillage de la prochaine présidentielle. Elle oblige les journalistes locaux à se conformer à un «code de conduite», dont le non respect pourra entraîner leur suspension, les contraindre à payer de fortes amendes ou les conduire en prison. Et pour limiter les risques que la presse étrangère ne prenne le relais, leurs correspondants sont tenus d’être de nationalité zimbabwéenne.

Dans cet ambiance délétère, alors que l’opposition affirme que cinq de ses membres ont été tués par des membres du parti dirigeant, une délégation menée par le ministre des Affaires étrangères est arrivé à Bruxelles pour s’expliquer devant l’Union européenne. Des «consultations» sont effectivement prévues par la convention de Cotonou liant l’UE aux pays Afrique Caraïbes Pacifique (ACP), lorsqu’un Etat membre ne respecte pas les libertés et les principes démocratiques. Dans le cas du Zimbabwe, elles pourraient aboutir, à terme, à la suspension pure et simple de la coopération avec Harare. Considérée comme l’ennemi numéro un du régime, qui l’accuse de soutenir l’opposition et les fermiers blancs, la Grande-Bretagne monte également au créneau, après plusieurs mois de silence. Il y a deux jours, le ministre des Affaires étrangères, Jack Straw, a menacé le Zimbabwe de suspension du Commonwealth.

En Afrique australe, la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), organisation sous-régionale, a jusqu’à maintenant préféré sauver les apparences en affichant un soutient formel à Harare. Mais l’Afrique du Sud, inquiète des répercussions d’une déstabilisation durable de son voisin, ne cache plus son exaspération en réclamant l’organisation «d’élections libres et équitables». A 77 ans, Robert Mugabe, qui a maintes fois répété qu’il mène son dernier combat, n’en a cure. Selon la presse indépendante locale, il a même décidé d’augmenter de manière très significative les soldes des militaires, aux cas où certains auraient des velléités putschistes.



par Christophe  Champin

Article publié le 11/01/2002