Attentats : la riposte
Les prisonniers d’Al Qaïda divisent l’administration Bush
Le président Bush n’a pas encore tranché la question du statut final des prisonniers de Guantanamo auxquels il refuse par avance les droits des «prisonniers de guerre». Son administration est divisée, entre un département d’Etat favorable à une application de la convention de Genève, et le vice-président, plus réservé.
De notre correspondant à New York
Querelle de spécialistes ? Certainement pas. L’application de la convention de Genève aux prisonniers détenus par l’armée américaine dans la base cubaine de Guantanamo est devenu un enjeu dont découleront toute une série de retombées juridiques et diplomatiques. A tel point que la question est devenue un sujet de discorde au sein de l’administration Bush. Lundi, le Conseil national de sécurité s’est réuni sur ce thème en présence de George Bush, sans parvenir à s’accorder sur le statut des 158 prisonniers, dont des Français et des Britanniques, combattants taliban ou d’Al Quaïda pour la plupart. «Nous n’allons pas les qualifier de prisonniers de guerre», a averti le président Bush. «La raison en est que Al-Qaïda n’est pas une armée reconnue.» Il a toutefois promis d’écouter «toutes les arguties juridiques» avant de prendre une décision finale.
Ces propos sont cohérents avec le raisonnement développé par le secrétaire à la Défense, Donald Rumsfeld. «Ce ne sont pas des prisonniers de guerre, ils ne seront pas considérés comme des prisonniers de guerre», a-t-il martelé au cours de sa visite à Guantanamo Bay ce week-end, tout en promettant qu’ils seraient traités humainement. La convention de Genève prévoit un certain nombre de droits et de garanties pour les prisonniers de guerre (prisonners of war, POW), définis comme des combattants d’une armée régulière ou d’une milice identifiable respectant les lois de la guerre. Un prisonnier de guerre a ainsi droit à des conditions de confort identiques à celles des troupes qui le détiennent. En cas d’accusation de crimes de guerre, il doit être jugé par la même instance que les soldats des troupes qui le détiennent –en l’occurence, une cour martiale américaine, et non les tribunaux militaires spéciaux autorisés par George Bush.
Selon Human Rights Watch, il est probable que les combattants d’Al Qaïda ne puissent pas bénéficier de cette protection, dans la mesure où ils ne portent pas d’uniforme et ne respectent pas les lois de la guerre. En revanche, selon l’organisation, «les soldats taliban, en tant que force armée de l’Afghanistan, pourraient bien avoir droit au statut de POW». Dans tous les cas, c’est un tribunal compétent qui doit faire le tri. Et non l’armée qui détient ces combattants dont le statut est douteux. Dans l’attente d’une décision de justice, le statut de «prisonnier de guerre» doit être accordé.
Des droits pour les «combattants illégaux»
Si l’administration Bush semble l’avoir définitivement et abusivement écarté, une autre question reste débattue. La convention de Genève prévoit une catégorie pour les «combattants illégaux» leur garantissant un minimum (moins avantageux que pour les prisonniers de guerre) en matière de conditions de détention et de procès équitable. Pour le secrétaire d’Etat Colin Powell, sans doute plus sensible aux critiques venues du monde entier sur les conditions de détention à Guantanamo, cette catégorie doit s’appliquer aux 158 prisonniers. Il voudrait également que chaque cas soit examiné par un conseil militaire apte à trancher la question du statut.
Ce raisonnement est loin de faire l’unanimité, notamment du côté de la Justice, de la CIA et du FBI. Le vice-président Dick Cheney estime qu’on peut argumenter que «la Convention de Genève ne s'applique pas aux cas de terrorisme.» L’argument est qu’il ne s’agit pas d’une guerre traditionnelle, on ne peut donc pas calquer les schémas habituels. «Le gouvernement américain ne peut pas choisir de faire la guerre en Afghanistan avec des fusils, des bombes et des soldats, pour ensuite affirmer que les lois de la guerre ne s’appliquent pas», affirme Kenneth Roth, directeur exécutif de Human Rights Watch. Il juge cette réthorique «dangereuse» et de nature à «se retourner contre les forces américaines dans de futurs conflits».
Human Rights Watch réfute les arguments avancés par l’administration Bush selon lesquels octroyer le statut de prisonnier de guerre aux détenus de Guantanamo forcerait les Etats-Unis à les libérer à la fin du conflit. C’est faux, ils peuvent rester en prison s’ils sont poursuivis pour des crimes autres que le fait de prendre les armes contre une armée étrangère (par exemple, complicité de terrorisme). De même, ce statut n’interdit pas de soumettre les prisonniers à des interrogatoires.
En attendant qu’une décision soit prise, le sort des prisonniers de Guantanamo a tendance à occulter des situations plus graves. D’abord, celle des 302 prisonniers détenus par les Etats-Unis sur le sol afghan. Mais surtout, qu’advient-il des quelque 3000 à 3500 hommes détenus sur le territoire afghan par les chefs de guerre locaux et le gouvernement transitoire, dans des conditions de confort et d’hygiène lamentables ? «Beaucoup beaucoup beaucoup de prisonniers sont déjà morts», a fait savoir l’ONG Physicians (médecins) for Human Rights, qui demande aux Etats-Unis de faire quelque chose pour sauver ces prisonniers des épidémies qui les menacent.
Querelle de spécialistes ? Certainement pas. L’application de la convention de Genève aux prisonniers détenus par l’armée américaine dans la base cubaine de Guantanamo est devenu un enjeu dont découleront toute une série de retombées juridiques et diplomatiques. A tel point que la question est devenue un sujet de discorde au sein de l’administration Bush. Lundi, le Conseil national de sécurité s’est réuni sur ce thème en présence de George Bush, sans parvenir à s’accorder sur le statut des 158 prisonniers, dont des Français et des Britanniques, combattants taliban ou d’Al Quaïda pour la plupart. «Nous n’allons pas les qualifier de prisonniers de guerre», a averti le président Bush. «La raison en est que Al-Qaïda n’est pas une armée reconnue.» Il a toutefois promis d’écouter «toutes les arguties juridiques» avant de prendre une décision finale.
Ces propos sont cohérents avec le raisonnement développé par le secrétaire à la Défense, Donald Rumsfeld. «Ce ne sont pas des prisonniers de guerre, ils ne seront pas considérés comme des prisonniers de guerre», a-t-il martelé au cours de sa visite à Guantanamo Bay ce week-end, tout en promettant qu’ils seraient traités humainement. La convention de Genève prévoit un certain nombre de droits et de garanties pour les prisonniers de guerre (prisonners of war, POW), définis comme des combattants d’une armée régulière ou d’une milice identifiable respectant les lois de la guerre. Un prisonnier de guerre a ainsi droit à des conditions de confort identiques à celles des troupes qui le détiennent. En cas d’accusation de crimes de guerre, il doit être jugé par la même instance que les soldats des troupes qui le détiennent –en l’occurence, une cour martiale américaine, et non les tribunaux militaires spéciaux autorisés par George Bush.
Selon Human Rights Watch, il est probable que les combattants d’Al Qaïda ne puissent pas bénéficier de cette protection, dans la mesure où ils ne portent pas d’uniforme et ne respectent pas les lois de la guerre. En revanche, selon l’organisation, «les soldats taliban, en tant que force armée de l’Afghanistan, pourraient bien avoir droit au statut de POW». Dans tous les cas, c’est un tribunal compétent qui doit faire le tri. Et non l’armée qui détient ces combattants dont le statut est douteux. Dans l’attente d’une décision de justice, le statut de «prisonnier de guerre» doit être accordé.
Des droits pour les «combattants illégaux»
Si l’administration Bush semble l’avoir définitivement et abusivement écarté, une autre question reste débattue. La convention de Genève prévoit une catégorie pour les «combattants illégaux» leur garantissant un minimum (moins avantageux que pour les prisonniers de guerre) en matière de conditions de détention et de procès équitable. Pour le secrétaire d’Etat Colin Powell, sans doute plus sensible aux critiques venues du monde entier sur les conditions de détention à Guantanamo, cette catégorie doit s’appliquer aux 158 prisonniers. Il voudrait également que chaque cas soit examiné par un conseil militaire apte à trancher la question du statut.
Ce raisonnement est loin de faire l’unanimité, notamment du côté de la Justice, de la CIA et du FBI. Le vice-président Dick Cheney estime qu’on peut argumenter que «la Convention de Genève ne s'applique pas aux cas de terrorisme.» L’argument est qu’il ne s’agit pas d’une guerre traditionnelle, on ne peut donc pas calquer les schémas habituels. «Le gouvernement américain ne peut pas choisir de faire la guerre en Afghanistan avec des fusils, des bombes et des soldats, pour ensuite affirmer que les lois de la guerre ne s’appliquent pas», affirme Kenneth Roth, directeur exécutif de Human Rights Watch. Il juge cette réthorique «dangereuse» et de nature à «se retourner contre les forces américaines dans de futurs conflits».
Human Rights Watch réfute les arguments avancés par l’administration Bush selon lesquels octroyer le statut de prisonnier de guerre aux détenus de Guantanamo forcerait les Etats-Unis à les libérer à la fin du conflit. C’est faux, ils peuvent rester en prison s’ils sont poursuivis pour des crimes autres que le fait de prendre les armes contre une armée étrangère (par exemple, complicité de terrorisme). De même, ce statut n’interdit pas de soumettre les prisonniers à des interrogatoires.
En attendant qu’une décision soit prise, le sort des prisonniers de Guantanamo a tendance à occulter des situations plus graves. D’abord, celle des 302 prisonniers détenus par les Etats-Unis sur le sol afghan. Mais surtout, qu’advient-il des quelque 3000 à 3500 hommes détenus sur le territoire afghan par les chefs de guerre locaux et le gouvernement transitoire, dans des conditions de confort et d’hygiène lamentables ? «Beaucoup beaucoup beaucoup de prisonniers sont déjà morts», a fait savoir l’ONG Physicians (médecins) for Human Rights, qui demande aux Etats-Unis de faire quelque chose pour sauver ces prisonniers des épidémies qui les menacent.
par Philippe Bolopion
Article publié le 29/01/2002