Timor-oriental
Un pays «fabriqué» par l’ONU
Bâtir un pays et le livrer «clefs en main» à sa population. Telle est la mission de l’ONU au Timor-oriental. Un mandat sans précédent, qui s’achèvera le 20 mai prochain avec la déclaration d’indépendance du pays.
De notre correspondant au Timor-oriental
«Ceux qui croient qu’une administration née des cendres de la précédente peut être créée en deux ans ou deux ans et demi oublient le temps qu’il a fallu pour que leur propre pays se dote d’une administration civile digne de ce nom». Le représentant spécial de Kofi Annan au Timor-Oriental, Sergio Vieira de Mello préfère devancer les critiques. Il sera difficile, en effet, de ne rien trouver à redire à l’action de l’ONU dans ce petit territoire tant sa mission était vaste et singulière.
Après le référendum d’août 1999 qui voit les Timorais se prononcer en faveur de l’indépendance, l’armée et les milices pro-indonésiennes se retirent en dévastant le pays. Bâtiments brûlés, infrastructures détruites, populations déplacées et réfugiées. Les premiers arrivants à Dili, la capitale, trouvent une ville déserte et en ruines. A l’automne débute la mission de l’Administration transitoire des Nations unies au Timor oriental (ATNUTO). C’est un pays qu’il faut reconstruire et un Etat qu’il faut créer.
Premier impératif: rétablir l’ordre et la sécurité, mandat habituel pour les Nations unies. Huit mille casques bleus et un peu plus de mille policiers s’en chargeront sans trop de difficultés, les fauteurs de troubles ayant pour la plupart gagné le Timor-occidental, en Indonésie. Pour tout le reste, en revanche, l’administration onusienne allait devoir avancer dans l’inconnu, rapidement, avec pour l’assister une équipe d’un millier de fonctionnaires venus du monde entier, et une multitude d’ONG.
Donner un toit aux habitants, les nourrir; recruter des enseignants, des juristes, des éboueurs; former des policiers, des fonctionnaires, une armée, mais aussi un gouvernement; bâtir des routes, des ponts; rénover des prisons, des écoles; réhabiliter ou construire les bâtiments administratifs, de la poste aux ministères. La liste est longue, et la mission complexe. «D’un jour à l’autre, nos directives peuvent être opposées reconnaît un fonctionnaire nigérian, on ne sait pas toujours dans quel sens on va, mais je crois que l’on fait quand même du bon travail». En deux ou trois mois les fonctions vitales du pays sont en place. A l’urgence doit maintenant succéder le développement. Un autre défi.
«On subit le processus»
Deux ans ont passé, des experts sont venus, de Nouvelle-Zélande, des Etats-Unis, ou de l’Australie voisine. Ils ont dispensé leur savoir, en droit, en économie ou en diplomatie. Des séminaires ont été organisés, près d’une dizaine de milliers de fonctionnaires ont été recrutés. Des enquêtes ont été lancées et la population a été recensée. Près de 200.000 réfugiés sont rentrés. L’électricité est en partie rétablie. Une radio, une télé, des journaux, ont été développés. L’Assemblée Constituante élue au mois d’août dernier achève en ce moment de rédiger le texte fondateur du futur Timor-oriental. Un second gouvernement de transition, entièrement composé de Timorais siège dans les locaux de l’ATNUTO. Les premiers casques bleus sont partis le mois dernier et, petit à petit, les postes de dirigeants se «timorisent» selon l’expression consacrée ici: les fonctionnaires étrangers qui jusqu’alors travaillaient en binômes avec des Timorais commencent à être remplacés par ces derniers.
A moins de six mois du départ de l’ATNUTO, l’heure est aux interrogations, aux doutes et aux premières critiques. «Tout cela manque un peu de transparence» déplore Quiteria da Costa, jeune députée de l’Assemblée constituante. «On apprend aux gens à être de simples fonctionnaires, mais nous en avions déjà à l’époque indonésienne, poursuit-elle. En revanche, des cadres, des hauts fonctionnaires, personne n’est formé pour ça».
Adriano, professeur d’anglais, était conseiller dans une assemblée locale, faite de fonctionnaires onusiens et de Timorais. «Nous avons dû nommer un administrateur, se souvient-il, quatre noms circulaient, la préférence des Timorais allait à trois d’entre eux. L’ONU a choisi le quatrième. Nous sommes chez nous, et ce sont eux qui ont le dernier mot», regrette-t-il. Napoleon Soares da Silva est membre de l’association nationale des juristes timorais. Son ton est plus virulent encore: «Il y a eu trois fléaux pour le Timor: les Portugais, les Indonésiens et maintenant l’ONU. On devrait théoriquement être intégré au processus, le fait est qu’on le subit!».
«Merci d’être venu… et merci de partir» a-t-on signifié au comité international de la Croix Rouge lorsqu’il a confié aux autorités locales les clefs de l’hôpital de Dili en juin dernier. Une phrase que l’on pourrait entendre à nouveau au mois de mai prochain, lorsque le Timor-oriental aura définitivement largué les amarres.
«Ceux qui croient qu’une administration née des cendres de la précédente peut être créée en deux ans ou deux ans et demi oublient le temps qu’il a fallu pour que leur propre pays se dote d’une administration civile digne de ce nom». Le représentant spécial de Kofi Annan au Timor-Oriental, Sergio Vieira de Mello préfère devancer les critiques. Il sera difficile, en effet, de ne rien trouver à redire à l’action de l’ONU dans ce petit territoire tant sa mission était vaste et singulière.
Après le référendum d’août 1999 qui voit les Timorais se prononcer en faveur de l’indépendance, l’armée et les milices pro-indonésiennes se retirent en dévastant le pays. Bâtiments brûlés, infrastructures détruites, populations déplacées et réfugiées. Les premiers arrivants à Dili, la capitale, trouvent une ville déserte et en ruines. A l’automne débute la mission de l’Administration transitoire des Nations unies au Timor oriental (ATNUTO). C’est un pays qu’il faut reconstruire et un Etat qu’il faut créer.
Premier impératif: rétablir l’ordre et la sécurité, mandat habituel pour les Nations unies. Huit mille casques bleus et un peu plus de mille policiers s’en chargeront sans trop de difficultés, les fauteurs de troubles ayant pour la plupart gagné le Timor-occidental, en Indonésie. Pour tout le reste, en revanche, l’administration onusienne allait devoir avancer dans l’inconnu, rapidement, avec pour l’assister une équipe d’un millier de fonctionnaires venus du monde entier, et une multitude d’ONG.
Donner un toit aux habitants, les nourrir; recruter des enseignants, des juristes, des éboueurs; former des policiers, des fonctionnaires, une armée, mais aussi un gouvernement; bâtir des routes, des ponts; rénover des prisons, des écoles; réhabiliter ou construire les bâtiments administratifs, de la poste aux ministères. La liste est longue, et la mission complexe. «D’un jour à l’autre, nos directives peuvent être opposées reconnaît un fonctionnaire nigérian, on ne sait pas toujours dans quel sens on va, mais je crois que l’on fait quand même du bon travail». En deux ou trois mois les fonctions vitales du pays sont en place. A l’urgence doit maintenant succéder le développement. Un autre défi.
«On subit le processus»
Deux ans ont passé, des experts sont venus, de Nouvelle-Zélande, des Etats-Unis, ou de l’Australie voisine. Ils ont dispensé leur savoir, en droit, en économie ou en diplomatie. Des séminaires ont été organisés, près d’une dizaine de milliers de fonctionnaires ont été recrutés. Des enquêtes ont été lancées et la population a été recensée. Près de 200.000 réfugiés sont rentrés. L’électricité est en partie rétablie. Une radio, une télé, des journaux, ont été développés. L’Assemblée Constituante élue au mois d’août dernier achève en ce moment de rédiger le texte fondateur du futur Timor-oriental. Un second gouvernement de transition, entièrement composé de Timorais siège dans les locaux de l’ATNUTO. Les premiers casques bleus sont partis le mois dernier et, petit à petit, les postes de dirigeants se «timorisent» selon l’expression consacrée ici: les fonctionnaires étrangers qui jusqu’alors travaillaient en binômes avec des Timorais commencent à être remplacés par ces derniers.
A moins de six mois du départ de l’ATNUTO, l’heure est aux interrogations, aux doutes et aux premières critiques. «Tout cela manque un peu de transparence» déplore Quiteria da Costa, jeune députée de l’Assemblée constituante. «On apprend aux gens à être de simples fonctionnaires, mais nous en avions déjà à l’époque indonésienne, poursuit-elle. En revanche, des cadres, des hauts fonctionnaires, personne n’est formé pour ça».
Adriano, professeur d’anglais, était conseiller dans une assemblée locale, faite de fonctionnaires onusiens et de Timorais. «Nous avons dû nommer un administrateur, se souvient-il, quatre noms circulaient, la préférence des Timorais allait à trois d’entre eux. L’ONU a choisi le quatrième. Nous sommes chez nous, et ce sont eux qui ont le dernier mot», regrette-t-il. Napoleon Soares da Silva est membre de l’association nationale des juristes timorais. Son ton est plus virulent encore: «Il y a eu trois fléaux pour le Timor: les Portugais, les Indonésiens et maintenant l’ONU. On devrait théoriquement être intégré au processus, le fait est qu’on le subit!».
«Merci d’être venu… et merci de partir» a-t-on signifié au comité international de la Croix Rouge lorsqu’il a confié aux autorités locales les clefs de l’hôpital de Dili en juin dernier. Une phrase que l’on pourrait entendre à nouveau au mois de mai prochain, lorsque le Timor-oriental aura définitivement largué les amarres.
par Cyril Bousquet
Article publié le 05/01/2002