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Mondialisation

Les Etats-Unis au banc des accusés

A New York comme à Porto Alegre les Etats-Unis ont fait l’objet de sévères critiques. La première puissance mondiale est accusée d’abuser de sa position dominante diplomatiquement et économiquement, notamment au sein du FMI et de la Banque mondiale, jugés impuissants à aider les pays pauvres.
De notre correspondant à New York

Le Forum économique mondial a sans doute marqué la fin d’une trêve, pour l’administration Bush. Depuis les attentats, il était très mal vu de critiquer Washington. Les Etats-Unis ont été en première ligne tout au long de la rencontre, qui se déroulait pourtant à domicile. Pour la première fois depuis sa création, le forum de Davos avait quitté la Suisse pour New York. Quelque 2700 participants venus de 106 pays ont échangé leurs vues sur l’avenir de l’économie dans un monde bouleversé par les attentats du 11 septembre. Parmi eux, une trentaine de chefs d’Etat, une centaine de ministres, et les patrons des plus grandes multinationales, repliés dans l’écrin douillet de l’hôtel Waldorf Astoria, protégés des manifestants antimondialisation par un déploiement policier sans précédent.

En public ou dans les couloirs, les Etats-Unis ont été critiqués pour leur protectionnisme économique, leur unilatéralisme ou leur manque d’aide aux pays en développement. Plusieurs responsables se sont élevés contre l’éventualité d’actions militaires contre «l’axe du mal» constitué selon George Bush par l’Iran, l’Irak et la Corée du Nord. Même l’ancienne secrétaire d’Etat, Madelaine Albright, a estimé qu’il faut gérer l’Iran «de manière plus subtile». Dans le même esprit, le chef de la diplomatie de l’Union européenne, Javier Solana, a expliqué que les alliés des Etats-Unis voulaient «partager les responsabilités, mais aussi partager la prise de décision

Le protectionnisme commercial du gouvernement américain a également été brocardé, notamment à travers les subventions nationales sur les céréales ou le soja qui défavorisent des pays comme le Brésil. «Nous n'avons pas pris notre juste part» à certains «défis» de ce monde, tels que la pauvreté, la maladie, ou les droits des femmes, a reconnu Hillary Clinton, sénateur de l'Etat de New York. Même Bill Gates, le PDG de Microsoft, a estimé que les règles du commerce international favorisaient les pays riches au détriment des pays pauvres. Concernant l’aide au développement, les Etats-Unis sont «loin derrière», a souligné l’ancien ministre français de l'Economie, Dominique Strauss-Kahn. La France consacre 0,3 % de son PIB à l’aide au développement, contre seulement 0,1% pour les Etats-Unis.

FMI et BM responsables

De plus, «les Etats-Unis sont l’obstacle le plus important» à un changement d’attitude du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale à l’égard des pays pauvres, a expliqué Jeffrey Sachs, professeur d'Economie à Harvard. «Des gens meurent par millions en silence à cause de la pauvreté» et des pandémies, et «c'est de la responsabilité du FMI et de la Banque mondiale». Selon lui, les corsets économiques imposés aux pays pauvres par ces institutions sont à l’origine de l’extrême pauvreté. «Nous avons les moyens de sauver des millions de personnes dans le monde et nous ne faisons rien», a-t-il martelé. Il a, en revanche, pris la défense du FMI sur la crise argentine en affirmant que l’organisme avait «fait ce qu'il pouvait». Avis non partagé par le président péruvien Alejandro Toledo pour qui «les institutions financières internationales et la mauvaise gestion politique» sont également coupables.

Sur le plan diplomatique, le soutien inconditionnel de la Maison Blanche à Israël et à Ariel Sharon a également soulevé de nombreuses critiques. Pour beaucoup, l’affaiblissement politique de Yasser Arafat est une erreur. Le ministre français des Affaires étrangères Hubert Védrine a estimé qu’il fallait donner une «perspective politique» aux Palestiniens pour les encourager à lutter contre le terrorisme. De l’avis quasi-général, sans solution à la question palestinienne, les Etats-Unis ne peuvent espérer sur le long terme gagner la guerre contre le terrorisme.



par Philippe  Bolopion

Article publié le 05/02/2002