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Madagascar

La grève sous toutes ses formes

Le maire d’Antananarivo semble faire la pluie et le beau temps dans sa ville. Ce lundi, il avait appelé ses partisans à manifestation de masse avenue de l’Indépendance. Mission accomplie. Ce mardi, il avait demandé à la foule de rester à la maison. La foule a obéi.
De notre correspondant à Madagascar

La deuxième semaine de grève générale a commencé sur les chapeaux de roues, avec une manifestation, lundi, d’une ampleur inédite dans la capitale. «Chaque jour, on dit que c’est un record d’affluence, explique cette manifestante, avenue de l’Indépendance. Et là, poursuit-elle, ben c’est un nouveau record !» 1,5 million de personnes, estiment les organisateurs. Un défilé ininterrompu pendant près de 6 heures, sous le soleil puis sous la pluie. Mais la météo n’a aucun effet sur la détermination des manifestants. Visiblement, le mouvement «s’internationalise». Dans le cortège, on peut lire des banderoles en malgache, en français, et maintenant en anglais. Il s’agit en fait de bien se faire comprendre par la presse étrangère.

Une délégation de journalistes internationaux est en effet arrivée dans la capitale malgache le week-end dernier. Aussi, ce lundi Marc Ravalomanana a-t-il voulu démontrer l’ampleur de son mouvement. D’ailleurs, lors de son discours, le maire d’Antananarivo a pris la peine de s’exprimer en français puis en anglais, pour accueillir ces «chers journalistes». «Please, tell the truth around the world» («S’il vous plait, dites la vérité au monde entier»)

Quelque soit la langue, les revendications restent les mêmes sur les banderoles : «Non au 2e tour», «Oui au respect du choix du peuple», «Ravalomanana président». On aperçoit même une banderole qualifiant le maire de la capitale d’«élu de Dieu». Une fois de plus, le meeting se déroule dans le calme. La foule obéit sans broncher au maître de cérémonie. Aussi, quand Marc Ravalomanana décide que ce mardi, personne ne doit descendre dans la rue, les manifestants sont prêts à s’exécuter.

Tana, ville morte

C’est une nouvelle stratégie du maire : continuer la grève générale, mais sans manifestation sur la place publique. Le leader de l’opposition décrète une journée «ville morte» pour ce mardi, et, effectivement, l’appel est entendu.

Il n’y a sur l’Avenue de l’Indépendance, que les enfants des rues qui s’amusent, quelques vendeurs de journaux qui interpellent les rares voitures qui circulent. Les taxis du centre-ville sont quasi-inexistants, et les chauffeurs des transports en commun sont restés à la maison. Tous les commerçants ont baissé leur store. Les rues sont donc sans animation. Seuls quelques restaurants accueillent les touristes en quête d’une table pour manger. Les écoles, les usines, les administrations sont fermées. Il n’y a que dans les quartiers périphériques qu’on trouve un peu plus d’effervescence.

Les petits vendeurs organisent toujours leur commerce informel : vente de fruits et légumes et quelques produits de première nécessité. Derrière son étalage de fortune installé dans les bas-quartiers de la capitale, un vendeur de bananes explique presque gêné: «vous comprenez, nous, il faut bien qu’on vive. Et ce n’est pas facile, puisque les gens n’ont presque plus d’argent liquide». La banque centrale étant en grève, les agences bancaires n’ont plus de quoi s’approvisionner en monnaie. Et de fait, l’argent se fait rare dans les poches des habitants de la capitale. Finalement, cette journée de mardi ressemble un peu à un dimanche en plein milieu de semaine.

En tout cas, Marc Ravalomanana prouve qu’il sait diriger ses troupes. Le chef de l’opposition pourrait appeler ses partisans à redescendre manifester par centaines de milliers, dès ce mercredi.



par Olivier  Péguy

Article publié le 05/02/2002