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Congo démocratique

Mort de Lumumba : les excuses de la Belgique

La Belgique n’en finit plus de faire son examen de conscience : après avoir présenté ses excuses au Rwanda pour son attitude lors du génocide de 1994, elle vient de s’excuser auprès du peuple congolais pour le rôle qu’elle a joué dans la mort, en 1961, du Premier ministre congolais Patrice Lumumba.
Le souvenir de Patrice Lumumba hante la Belgique. Quarante-et-un ans après la mort du seul Premier ministre élu démocratiquement à ce jour dans ce qui est aujourd’hui la République démocratique du Congo, le ministre belge des Affaires étrangères, Louis Michel, vient publiquement de présenter au peuple congolais et à la famille de Patrice Lumumba les «excuses» de son pays et ses «profonds et sincères regrets pour la douleur qui leur a été infligée».

C’est l’aboutissement d’un long travail d’enquête mené par les membres d’une commission parlementaire qui avait entamé ses travaux en mai 2000, en examinant les archives du gouvernement belge et du Palais royal et auditionné de nombreux témoins, muets depuis quarante ans. Composée de quatre membres, la commission, dotée des pouvoirs d’un juge d’instruction a même eu les pouvoirs d’ordonner des perquisitions.

Résultat : un volumineux rapport en deux volumes et un millier de pages. La commission avait été créée après la parution du livre «L’assassinat de Lumumba» du sociologue Ludo De Witte. En novembre dernier, elle avait conclu que «certains ministres et autres acteurs» belges portaient une «responsabilité morale» dans l’assassinat, de Patrice Lumumba, le 17 janvier 1961 au Katanga à l’âge de 35 ans. Ce meurtre, dont les circonstances n’ont toujours pas été éclaircies, s’est produit quelque sept mois après l’indépendance du Congo. Le corps du jeune Premier ministre n’a jamais été retrouvé.

Le «courage politique» de Bruxelles

Selon les conclusions des députés belges, Patrice Lumumba, qui a joué un rôle capital dans l’accession de son pays à l’indépendance après plus de 75 années de colonisation belge, a été tué quelques heures seulement après son transfert au Katanga «organisé par les autorités congolaises de Léopoldville avec le soutien d’instances gouvernementales belges». Selon la commission, ces «acteurs» ont œuvré pour écarter Lumumba du pouvoir puis ont participé à son transfert vers ses ennemis au Katanga (dans l’est du pays) «sans exclure la possibilité qu’il y soit mis à mort». Les parlementaires avaient également épinglé le roi Baudoin 1er, le roi des Belges à l’époque, pour avoir noué des contacts avec les adversaires de Lumumba.

S’exprimant devant la Chambre des représentants, le chef de la diplomatie belge a enfoncé le clou : «Certains membres du gouvernement d’alors et certains acteurs belges de l’époque portent une part irréfutable de responsabilité dans les événements qui ont conduit à la mort de Patrice Lumumba», a affirmé Louis Michel.

François Lumumba, le fils du Premier ministre assassiné, qui avait fait le déplacement depuis Kinshasa pour assister au débat parlementaire dans la capitale belge a aussitôt félicité la Belgique pour son «courage politique». Selon le quotidien belge Le Soir, les débats ont également porté sur les «modalités des excuses». Doivent-elles se traduire par des mesures concrètes, comme l’annulation de la dette actuelle de la RDC dont la situation économique est catastrophique ? La Belgique doit-elle renforcer sa coopération avec Kinshasa ou relancer le dialogue bilatéral ? En tous cas, la création d’un «Fonds Patrice Lumumba» a été annoncée. Doté de 3,75 millions d’euros, complétés par une dotation annuelle d’au moins 500 000 euros, cet organisme doit oeuvrer au «développement en RDC par le financement de projets en matière de prévention des conflits, de renforcement de l’état de droit et de formation de la jeunesse».

En s’excusant aujourd’hui auprès du peuple congolais, la Belgique poursuit courageusement son examen de conscience et aborde son passé colonial avec une transparence que pourraient lui envier d’autres anciennes puissances occidentales, comme la France. Déjà en avril 2000, le Premier ministre belge avait montré l’exemple en présentant les excuses de son pays au peuple rwandais pour l’attitude de la Belgique lors du génocide de 1994.



par Sylvie  Berruet

Article publié le 06/02/2002