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Congo démocratique

Derrière le dialogue, l’urgence humanitaire

La situation de l’ex-Zaïre inquiète de plus en plus les humanitaires, alors que les divergences entre belligérants sont loin d’être aplanies à la veille du dialogue intercongolais. Environ un tiers de la population souffre de malnutrition, alors que certaines régions sont privées de tout soin médical de base depuis le début de la guerre.
Malnutrition, multiplication des épidémies, violations des droits de l’homme : les populations civiles sont les grandes oubliées des interminables négociations entre les protagonistes de la crise qui divise le Congo démocratique depuis août 1998. Maintes fois reporté, le dialogue intercongolais, censé décider de l’avenir politique du pays, doit en principe se tenir le 25 février prochain. Il y a urgence.

«L’enjeu c’est la dislocation ou non de l’Etat congolais et surtout la perpétuation ou non de la souffrance de la population», nous a déclaré l’abbé Dominique Kahang’a, secrétaire général de la Commission justice et paix, de passage à Paris ces derniers jours. Pour une majorité de Congolais, la vie quotidienne, déjà peu reluisante à la chute de Mobutu Sese Seko il y cinq ans, est effectivement devenue un calvaire. En quelques mots Jacques de Laurens, spécialiste de la région à Caritas France (http://www.secours-catholique.asso.fr), organisme humanitaire de l’église catholique, résume la situation : «Seize millions de personnes sont en état de sous-alimentation. En matière de santé, les structures ont été très endommagées par le conflit, dans un pays où l’Etat a disparu depuis longtemps. Les infrastructures scolaires sont largement détruites. Bref, tout est à reconstruire». L’éruption volcanique de Goma dans l’Est du pays, fin janvier, n’a fait qu'alourdir ce terrible bilan.

Quatre années de conflits, précédées d’une première guerre qui avait abouti à l’avènement de Laurent Désiré Kabila, auraient coûté la vie, directement ou indirectement, à près de 3 millions de personnes. Il y a, bien sûr, les victimes des combats, qui se poursuivent dans la partie orientale du pays, mais aussi celles des épidémies, souvent plus mortelles que les fusils. Rougeole, méningite, tuberculose, choléra, parfois même la peste : des maladies qui pourraient aisément être évitées font des ravages faute d’un accès minimal à des soins médicaux.

Des zones entièrement coupées de l’extérieur

«Le problème numéro un c’est le manque de couverture vaccinale sur l’ensemble du territoire», explique Robert Parker, chef de mission de Médecin sans frontières France (http://www.paris.msf.org/) à Kinshasa. «Le deuxième problème c’est celui de l’accès aux soins». Ce dernier raconte ainsi comment les populations de la zone de Kitengé, dans le nord Katanga, n’ont pas eu accès au moindre soin de santé depuis quatre ans. Et ils ne sont pas le seuls. Aurine Crémieu, réalisatrice de documentaire qui revient de Kabinda, dernière enclave gouvernementale du Kasaï (centre) avant les zones rebelle, témoigne : «Il n’y a certes pas d’affrontements militaires mais la population civile est dans un état alimentaire et sanitaire dramatique».

Dans un pays grand comme quatre fois la France, les intervenants humanitaires soulignent, en outre, la grande difficulté d’accéder à certaines zones. Beaucoup sont entièrement coupées de l’extérieur. Faute de routes, elles ne sont généralement accessibles que par les rares avions qui font la liaison avec le reste du pays. Par ailleurs, la circulation sur le fleuve Congo, moyen vital communication entre l’intérieur du pays et la capitale, reste sérieusement limitée. Et pour cause, le puissant cours d’eau, véritable cordon ombilical permettant habituellement l’acheminement de toutes sortes de denrées, traverse en grande partie les zones rebelles. Caritas, qui a affrété le 8 février de vastes barges pour acheminer 750 tonnes d’aide humanitaire vers la ville enclavée de Sankuru (centre du pays), n’a ainsi
obtenu son autorisation de passage qu’au terme de longues négociations. Mais le temps nécessaire pour atteindre sa destination, environ un mois et demi, en dit également long sur les difficultés de communication dans cet immense territoire.

Résultat, tout intervention est longue, difficile et chère, alors que les bailleurs de fonds rechignent à mettre la main au portefeuille, en raison des lenteurs du processus de paix. Fin janvier, la Commission européenne a néanmoins annoncé la reprise de son aide au développement à la République démocratique du Congo. Quelques 120 millions d’euro ont été alloués, essentiellement pour la lutte contre la pauvreté. Cette décision est contestée par certains des adversaires du pouvoir de Kinshasa, qui y voient un soutien à un régime sans légitimité, mais elle était, on sans doute, très attendue des organisations humanitaires.



par Christophe  Champin

Article publié le 15/02/2002