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Madagascar

Un pays, deux présidents

En décidant de s'autoproclamer président de Madagascar, vendredi, le maire d'Antananarivo, a fait un pari risqué. Adoubé par la foule d'une capitale lui étant acquise, il est pour l'instant isolé internationalement, alors que le président sortant a instauré l'état de "nécessité nationale".
Depuis ce vendredi, Madagascar à deux présidents, ou du moins deux personnalités qui s'estiment légitimement comme telles: Didier Ratsiraka, le chef de l'Etat sortant, et Marc Ravalomanana, son adversaire, qui se considère élu au premier tour du scrutin du 16 décembre dernier avec 52,15% des voix et s'est fait investir vendredi lors d'une cérémonie organisée dans le grand stade de la capitale, devant des centaines de milliers de personnes.

L'opposant, qui s'est auto-proclamé vainqueur alors que les chiffres de la Haute cour constitutionnelle (HCC) le créditaient de 46,21% contre 40,89%, et donc conduisaient à un second tour, a fait un pari. Soutenu par une très large part des habitants de la capitale, dont beaucoup ont participé aux manifestations quotidiennes qui s'y déroulent depuis plusieurs semaines, il a préféré faire fi des appels à la modération, venant de l'Organisation de l'unité africaine (OUA) et des candidats malheureux à la présidentielle.

L'"état de nécessité nationale" instauré

Vis-à-vis de ses partisans, dans la capitale et dans les villes de province, Marc Ravalomanana ne pouvait reculer. A leurs yeux, un second tour avait de trop grandes chances d'être remporté par le président sortant, dans la mesure où le camp de Didier Ratsiraka refusait de tenir compte des exigences de son rival: confrontation des procès verbaux du premier tour, formation d’un gouvernement de transition où ses proches seraient majoritairement représentés, recomposition de la Haute cour constitutionnelle, seule habilitée à proclamer les résultats mais jugée trop favorable à Ratsiraka, et un aménagement du Conseil national électoral (CNE).

La réponse à l'initiative de celui qui se présente désormais comme le président légitime de Madagascar ne s'est pas fait attendre. Vendredi en fin de soirée, Didier Ratsiraka a décrété "l'état de nécessité nationale", en d'autres termes l'état d'urgence. Selon le Premier ministre malgache, cité par l'AFP, il permet au chef de l'Etat de légiférer par ordonnances, de réquisitionner l'ensemble des services publics, de contrôler la presse écrite et audiovisuelle et les communications téléphoniques et postales, d'interdire tout rassemblement et de perquisitionner nuit et jour chez tout suspect d'atteinte à l'ordre public. Didier Ratsiraka profite aussi de la position de la communauté internationale. Car l'initiative de Marc Ravalamonanana est unanimement condamnée à l'étranger. L'Organisation de l'unité africaine (OUA), la France, les Etats-Unis et l'Union européenne réclament d'une seule voix le retour à la légalité constitutionnelle et la tenue d'un second tour, prévu en principe le 24 mars.

Pour sa part, Marc Ravalomanana est resté retranché dans sa résidence de la haute ville d'Antananarivo, entourée par de nombreux partisans qui se sont relayés toute la nuit de samedi à dimanche pour tenir les barrages qui empêchent l’accès à son domicile. Il s'est toutefois confié dimanche à des journalistes à qui il a déclaré: "Je suis le président, je ne ferai pas marche arrière". Mais il a évoqué la possibilité d'un référendum, "pour savoir si les gens veulent de moi ou non". De nouvelles manifestations avaient eu lieu dans la capitale, samedi, mais aucun incident n'a été signalé avec les forces de sécurité, ce dimanche. En province, en revanche, trois personnes ont été blessées à Fianarantsoa, à 300 km au sud d’Antananarivo, lors de l’attaque des locaux de la radio privée du président autoproclamé par un commando d’une dizaine d’hommes encagoulés.

La situation inquiète, en tous cas, les voisins de Madagascar. La crise qui secoue la Grande Ile a été discutée lors du Conseil des ministres de la 18ème Commission de l'Océan indien (COI), dont les travaux ont débuté samedi matin dans la capitale mauricienne, Port Louis. Les ministres des Affaires étrangères des Comores, de Madagascar, de Maurice et des Seychelles, ainsi que le ministre français à la Coopération, Charles Josselin, qui participait à cette réunion, ont appelé les Malgaches à reprendre le dialogue.

Ecoutez également :

Saïd Djinnit, le secrétaire général adjoint de l'OUA au micro de Ghislaine Dupont. (23/02/2002, 5'29")




par Christophe  Champin

Article publié le 24/02/2002