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Madagascar

Ravalomanana nomme un «Premier ministre»

Le président malgache autoproclamé, Marc Ravalomanana, a nommé mardi Jacques Sylla «Premier ministre», lui confiant la tâche de former un gouvernement «le plus vite possible». Tandis que des incidents faisaient deux morts en province, l’Union européenne a déploré «la politique du fait accompli à Madagascar».
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Marc Ravalomanana, déterminé à poursuivre la démarche politique qu’il a entamée vendredi dernier en s’autoproclamant président de la République de Madagascar, a nommé mardi 26 février un «Premier ministre». Il s’agit de Jacques Sylla, un avocat de 52 ans qui a été ministre des Affaires étrangères du premier gouvernement de l'ancien président Albert Zafy, de 1993 à 1995. Cet opposant de longue date au président sortant Didier Ratsiraka est généralement qualifié de modéré. Fils d'Albert Sylla, ministre des Affaires étrangères du président Filibert Tsiranana dans les années 1960, il est originaire de la province de Toamasina, fief politique de Didier Ratsiraka.

Jacques Sylla «doit former le gouvernement le plus vite possible», a déclaré Marc Ravalomanana au cours d'une brève conférence de presse organisée à la mairie d'Antananarivo. «La priorité de mon gouvernement, a déclaré peu après Jacques Sylla, sera le redressement national et la remise en route de la machine administrative dans les plus brefs délais. Ce sera un gouvernement ouvert autant que faire se peut, et pour autant que nous rencontrions de la bonne volonté en face(...)Nous sommes un gouvernement légitime et légal. Nous allons commencé les consultations pour la formation du gouvernement cet après-midi».

Ces contacts ont en fait commencé peu après l’autoproclamation de Marc Ravalomanana. Selon certains des collaborateurs de ce dernier et plusieurs diplomates, ses conseillers mènent des consultation depuis vendredi. Dimanche, Marc Ravalomanana a confirmé que son entourage tentait d'attirer quelques ministres de l'actuel gouvernement ou des personnalités du parti de l'Avant-garde de la rénovation malgache (Arema), le mouvement du président sortant. Il a également indiqué qu'il consulterait rapidement les responsables de l'armée, dont il assure qu'une partie lui a déjà fait allégeance.

«Le Premier ministre ne démissionne pas»

Dans le camp du président sortant, on n’avait toujours pas réagi, mardi après-midi, au nouveau geste de Marc Ravalomanana. Le pouvoir semble en proie à l’indécision et l’armée se fait très discrète dans les rues d’une capitale malgache majoritairement favorable à son maire.

Contrairement à des rumeurs, le Premier ministre malgache, dont Marc Ravalomanana demande la démission, n’a pas quitté son poste. Selon plusieurs témoins, Tantely Andrianarivo, qui était bloqué à son domicile d'Antananarivo par des barrages érigés par des partisans de Marc Ravalomanana, a pu s'en échapper mardi matin par les rizières qui entourent sa villa. Une douzaine de militaires assurant sa protection ont été pris à partie par les riverains après son départ, mais ont pu se dégager. «M. Andrianarivo ne démissionne pas», a déclaré en début d'après-midi sa conseillère en communication, Rinah Rakotomang.

Si l’atmosphère à Antananarivo reste relativement calme, des violences ont en revanche été signalées à Ambatondrazaka, à 350 km à l'est d'Antananarivo. Selon des sources religieuses locales, jointes au téléphone par l’AFP, deux jeunes manifestants pro-Ravalomanana ont été tués lundi par le garde du corps d'un député du parti présidentiel. Le garde du corps a ouvert le feu quand des partisans de Marc Ravalomanana se sont approchés du domicile du député local de l’Arema. Les manifestants, en représailles, ont incendié le domicile du député.

A l’étranger, la démarche de Marc Ravalomanana continue de susciter la réprobation. Lundi soir, veille de la «nomination» de Jacques Sylla, la présidence espagnole de l'Union européenne a publié un communiqué, lequel «déplore le fait accompli qui s'est instauré à Madagascar en dehors des règles constitutionnelles et des principes requis dans l'Accord de Cotonou (qui définit les modalités de la coopération entre l'UE et les pays de la zone Afrique, Caraïbes et Pacifique, ndlr)». L'Union «engage instamment toutes les forces politiques, sociales et religieuses à faire preuve de modération et de sens des responsabilités». Enfin, l'Union européenne «lance un appel pour la reprise du dialogue», après avoir regretté que «les efforts entrepris tant au plan national que sous l'égide de l'OUA et de l'Onu pour maintenir un dialogue entre les parties, n'aient pas pu être menés à leur terme».



par Philippe  Quillerier-Lesieur

Article publié le 26/02/2002