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Madagascar

Violences dans la rue et craquements chez Ratsiraka

Après une journée d’affrontements entre partisans de Didier Ratsiraka et de Marc Ravalomanana dans les rues d’Antananarivo, les autorités ont décrété un couvre-feu aussitôt qualifié d'inapplicable par le gouverneur de la capitale. Dans le même temps, deux ministres du gouvernement Ratsiraka annoncent leur démission.
Pour la première fois depuis le début de la crise que traverse Madagascar, des violences ont éclaté dans les rues de la capitale, ce mercredi. Les premières échauffourées ont eu lieu dans la matinée alors que plusieurs centaines de partisans de Didier Ratsiraka, qui manifestaient pour la première fois depuis le premier tour de l’élection présidentielle, défilaient devant le tribunal d’Antananarivo. Ils ont été rejoints sur place par les partisans de Marc Ravalomanana venus de la place du 13 mai à un kilomètre de là. Les supporters des deux candidats se sont affrontés à coups de pierres et de bâtons. Bilan: trois morts et une vingtaine de blessés, selon l’envoyé spécial de RFI sur place. Dans le même temps, des dizaines de partisans de Marc Ravalomanana s’en sont pris aux locaux du ministère de l’Aménagement du territoire ainsi qu’aux studios d’une radio privée pro-Ratsiraka.

A la suite de ces affrontements, les autorités provinciales ont annoncé l’instauration d’un couvre-feu sur la capitale de 21h00 à 5h30. La mesure prend effet dès mercredi soir mais elle a aussitôt été jugée "inapplicable" par le gouverneur de la capitale. Cette décision, en tout cas, a été annoncée à l’issue d’un conseil des ministres extraordinaire qui s’est tenu toute la journée à la présidence. A l’issue de ce conseil, une déclaration solennelle de Didier Ratsiraka a également été annoncée. Le président sortant devrait s’exprimer jeudi après-midi. Une déclaration attendue après des jours de silence et alors que des fissures semblent apparaître dans son camp. Mercredi deux ministres ont annoncé leur démission : la ministre des Affaires étrangères («pour raisons personnelles») et le ministre des Postes et Télécommunication («pour raison de santé»).

Yougoslavie, Madagascar: deux poids, deux mesures?

Alors que la tension ne cesse de monter depuis plusieurs jours, les partisans de Marc Ravalomanana disent redouter désormais une action de l’armée et des forces de l’ordre. Elles sont restées jusqu’à mercredi soir extrêmement discrètes. Le ressentiment s’exprime également parmi les partisans du «président» auto-proclamé à l’égard de la France et de l’Union européenne. L’Union européenne qui «déplore le fait accompli qui s’est instauré à Madagascar en dehors des règles constitutionnelles», et qui appelle également au «sens de responsabilité de toutes les forces politiques, sociales et religieuses» du pays. La France, quant à elle condamne le «coup de force» de Marc Ravalomanana, réclamant la poursuite du processus électoral. Quelques centaines de Français, jugeant la position de leur pays inacceptable ont manifesté devant l’ambassade de France à Antananarivo. On pouvait lire sur des pancartes «1789: libération de la France, 2002: libération de Madagascar, à bas le Quai d’Orsay»(siège du ministère des Affaires étrangères à Paris, NDLR).

Le sentiment anti-français et plus globalement anti-européen s’accroît de plus en plus à Madagascar, où les populations refusent d’être montrées du doigt, comme ne comprenant rien aux règles de la démocratie. Ailleurs dans l’histoire récente de la chute des régimes totalitaires, la «communauté internationale» avait accordé un traitement de faveur à l’opposition qui s’était proclamée vainqueur des élections présidentielles. Il est vrai que c’était en Yougoslavie, font remarquer les partisans de Ravalomanana. Aux élections présidentielles de septembre 2000, Vojislav Kostunica, chef de file de l’opposition au président sortant Slobodan Milosevic, s’était autoproclamé président de la république en octobre 2000 après avoir épuisé toutes ses voies de recours constitutionnelles. Il avait été immédiatement reconnu par la Communauté internationale. Madagascar n’est donc pas un exemple isolé, c’est pourquoi Marc Ravalomanana engage un bras de fer avec pouvoir, en opposant la légitimité à la légalité.



par Philippe  Couve et Didier Samson

Article publié le 27/02/2002