Philippines
Les Américains sont de retour
Des centaines de soldats américains et philippins mènent une opération commune contre des rebelles islamistes du sud des Philippines, ouvrant un nouveau front de la campagne des Etats-Unis contre le terrorisme international.
De notre envoyé spécial à Basilan (sud des Philippines)
Le sud des Philippines est devenu officiellement la nouvelle ligne de front de la campagne globale antiterroriste américaine. Des avions venus d’Okinawa ou de la côte ouest des Etats-Unis débarquent quotidiennement des petits groupes de techniciens militaires et de bérets verts sur l’aéroport de Zamboanga, avec pour mission d’aider l’armée philippine à anéantir le groupe terroriste musulman Abou Sayyaf qui opère sur l’île voisine de Basilan. Plus qu’une opération militaire ponctuelle, le retour des Américains aux Philippines s’inscrit dans le cadre d’un redéploiement stratégique planifié par le Pentagone: le nouvel ordre de l’après 11 septembre se met en place et l’assaut contre le groupuscule islamiste Abou Sayyaf en est la première pierre.
En 1991, les Américains avaient perdu leur principal point d’appui en Asie du Sud-Est après que le Sénat philippin eut exigé le départ des militaires américains des bases de Subic Bay et de Clark. La future réunification des deux Corée laisse planer l’incertitude sur l’avenir des bases militaires américaines de Corée du Sud. Et l’agacement croissant des Japonais devant la multiplication des incidents impliquant des GI’s autour de l’implantation à Okinawa laisse présager un renouvellement de plus en plus difficile du bail concédé par Tokyo. S’y ajoute les réticences croissantes au sein du pouvoir saoudien face au maintien de l’occupation par des milliers de militaires américains de la base aérienne de Prince Sultan.
«Nous n’avons pas besoin des Américains»
Personne ne semble plus vouloir des forces américaines. Personne, sauf le gouvernement philippin. Et Washington a vite compris qu’il ne pouvait trouver de meilleur partenaire pour engager la seconde phase de la campagne anti-terroriste. «Il leur faut une escale entre la côte Ouest des Etats-Unis et le Moyen-Orient. Le seul pays avec lequel il existe une connivence historique sont les Philippines», constate un analyste des affaires militaires à Manille. La base de General Santos, sur l’île méridionale de Mindanao, au cœur du «pays musulman» philippin, constitue une plate-forme idéale, non seulement comme base relais, mais aussi pour projeter le pouvoir militaire américain dans toute l’Asie orientale. La base de General Santos, construite par les Américains dans les années 90, dispose d’un aéroport qui peut accueillir des gros porteurs et des avions de combat ainsi que d’un port en eaux profondes où peuvent accoster des porte-avions.
Cette nouvelle vision stratégique concoctée dans les bureaux du Pentagone ne prend guère en compte la situation extrêmement volatile et complexe du sud musulman des Philippines. Les guérillas indépendantistes et les gangs armés y pullulent. Elles ont souvent le soutien d’une population musulmane qui a subi des siècles d’oppression du pouvoir central philippin, qui regroupe milieux d’affaires pro-américains et catholiques conservateurs. A Jolo comme à Basilan, la vision du béret vert américain est celle du croisé anti-musulman, redoutable tant par ses armements sophistiqués que par son arrogance teintée d’ignorance. «Nous n’avons pas besoin des Américains, ou alors qu’ils viennent avec des programmes de développement, pas avec des armes», confie une résidente d’Isabella, le chef lieu de Basilan.
Vingt-sept ans après la débâcle au Sud-Vietnam, les militaires américains mettent le pied dans une fourmilière, sans peut-être se rendre compte des implications pour leurs alliés régionaux. La guérilla du Front Moro islamique de libération (FMIL), actuellement en pourparlers de paix avec Manille, compte par exemple 12.000 combattants bien organisés, mobilisables à tout moment à proximité de la zone où l’opération conjointe américano-philippine se déroulera. Le mouvement communiste de la Nouvelle armée du peuple –inscrite sur la liste des organisations terroristes par Washington- dispose d’autant de combattants répartis dans le nord de Mindanao et sur l’île principale de Luzon. Si ces mouvements sont entraînés dans le conflit, la guerre civile se rallumera dans l’ensemble de l’archipel. L’arrivée de quelques 660 militaires américains est aussi inquiétante pour les pays voisins des Philippines. «Les Philippins chrétiens sont une minorité dans une région majoritairement musulmane. Nous sommes en train de compromettre notre avenir», redoute le commentateur politique Nelson Navarro. Mais Washington a-t-il seulement le choix ? Le lancement d’une campagne globale contre le terrorisme condamne les autorités américaines à une offensive permanente. Toute marche arrière, tout ralentissement les rend vulnérables, car elle permettrait aux mouvements armés et aux groupes terroristes de se reprendre l’initiative, par des attentats, des prises d’otages et des assassinats. Après la bataille d’Afghanistan, celle des Philippines n’est que le nouvel épisode d’une campagne qui promet d’être longue.
Le sud des Philippines est devenu officiellement la nouvelle ligne de front de la campagne globale antiterroriste américaine. Des avions venus d’Okinawa ou de la côte ouest des Etats-Unis débarquent quotidiennement des petits groupes de techniciens militaires et de bérets verts sur l’aéroport de Zamboanga, avec pour mission d’aider l’armée philippine à anéantir le groupe terroriste musulman Abou Sayyaf qui opère sur l’île voisine de Basilan. Plus qu’une opération militaire ponctuelle, le retour des Américains aux Philippines s’inscrit dans le cadre d’un redéploiement stratégique planifié par le Pentagone: le nouvel ordre de l’après 11 septembre se met en place et l’assaut contre le groupuscule islamiste Abou Sayyaf en est la première pierre.
En 1991, les Américains avaient perdu leur principal point d’appui en Asie du Sud-Est après que le Sénat philippin eut exigé le départ des militaires américains des bases de Subic Bay et de Clark. La future réunification des deux Corée laisse planer l’incertitude sur l’avenir des bases militaires américaines de Corée du Sud. Et l’agacement croissant des Japonais devant la multiplication des incidents impliquant des GI’s autour de l’implantation à Okinawa laisse présager un renouvellement de plus en plus difficile du bail concédé par Tokyo. S’y ajoute les réticences croissantes au sein du pouvoir saoudien face au maintien de l’occupation par des milliers de militaires américains de la base aérienne de Prince Sultan.
«Nous n’avons pas besoin des Américains»
Personne ne semble plus vouloir des forces américaines. Personne, sauf le gouvernement philippin. Et Washington a vite compris qu’il ne pouvait trouver de meilleur partenaire pour engager la seconde phase de la campagne anti-terroriste. «Il leur faut une escale entre la côte Ouest des Etats-Unis et le Moyen-Orient. Le seul pays avec lequel il existe une connivence historique sont les Philippines», constate un analyste des affaires militaires à Manille. La base de General Santos, sur l’île méridionale de Mindanao, au cœur du «pays musulman» philippin, constitue une plate-forme idéale, non seulement comme base relais, mais aussi pour projeter le pouvoir militaire américain dans toute l’Asie orientale. La base de General Santos, construite par les Américains dans les années 90, dispose d’un aéroport qui peut accueillir des gros porteurs et des avions de combat ainsi que d’un port en eaux profondes où peuvent accoster des porte-avions.
Cette nouvelle vision stratégique concoctée dans les bureaux du Pentagone ne prend guère en compte la situation extrêmement volatile et complexe du sud musulman des Philippines. Les guérillas indépendantistes et les gangs armés y pullulent. Elles ont souvent le soutien d’une population musulmane qui a subi des siècles d’oppression du pouvoir central philippin, qui regroupe milieux d’affaires pro-américains et catholiques conservateurs. A Jolo comme à Basilan, la vision du béret vert américain est celle du croisé anti-musulman, redoutable tant par ses armements sophistiqués que par son arrogance teintée d’ignorance. «Nous n’avons pas besoin des Américains, ou alors qu’ils viennent avec des programmes de développement, pas avec des armes», confie une résidente d’Isabella, le chef lieu de Basilan.
Vingt-sept ans après la débâcle au Sud-Vietnam, les militaires américains mettent le pied dans une fourmilière, sans peut-être se rendre compte des implications pour leurs alliés régionaux. La guérilla du Front Moro islamique de libération (FMIL), actuellement en pourparlers de paix avec Manille, compte par exemple 12.000 combattants bien organisés, mobilisables à tout moment à proximité de la zone où l’opération conjointe américano-philippine se déroulera. Le mouvement communiste de la Nouvelle armée du peuple –inscrite sur la liste des organisations terroristes par Washington- dispose d’autant de combattants répartis dans le nord de Mindanao et sur l’île principale de Luzon. Si ces mouvements sont entraînés dans le conflit, la guerre civile se rallumera dans l’ensemble de l’archipel. L’arrivée de quelques 660 militaires américains est aussi inquiétante pour les pays voisins des Philippines. «Les Philippins chrétiens sont une minorité dans une région majoritairement musulmane. Nous sommes en train de compromettre notre avenir», redoute le commentateur politique Nelson Navarro. Mais Washington a-t-il seulement le choix ? Le lancement d’une campagne globale contre le terrorisme condamne les autorités américaines à une offensive permanente. Toute marche arrière, tout ralentissement les rend vulnérables, car elle permettrait aux mouvements armés et aux groupes terroristes de se reprendre l’initiative, par des attentats, des prises d’otages et des assassinats. Après la bataille d’Afghanistan, celle des Philippines n’est que le nouvel épisode d’une campagne qui promet d’être longue.
par Arnaud Dubus
Article publié le 01/02/2002