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OGM

Les OGM sur la place publique

Doit-on cultiver des OGM dans les champs en France ? Le gouvernement organise pendant quarante-huit heures un débat public autour de cette délicate question qui a soulevé la désapprobation de paysans et de consommateurs. Cette table ronde se déroule après la spectaculaire campagne d'arrachages d'OGM menées l'été dernier par les opposants à cette technologie.
Bâtiment du Conseil économique et social, dans le XVIe arrondissement de Paris. Dans le hall, autour d'un buffet, se pressent étudiants, agriculteurs, écologistes, entrepreneurs ou scientifiques. C'est l'heure du déjeuner et les tables présentent quelques reliefs de hors d’œuvres, salade aux lentilles, crevettes, riz, et pelures de clémentines, le tout arrosé d'un vin rouge de Dordogne. C'est la pause déjeuner de cette première journée de table ronde.

Confronté depuis l'été dernier aux opérations d'arrachages d'OGM dans les champs du sud-ouest de la France et aux inquiétudes de consommateurs, voire à leur opposition, le gouvernement français, à quelques trois mois de l'élection présidentielle, tente de sortir de l'impasse. Est-il oui ou non opportun de cultiver à titre expérimental des OGM en plein air, dans les champs, loin de tout laboratoire ? Oui s’écrient les chercheurs, au nom de la recherche et du développement industriel.

Non, rétorquent de leur côté écologistes et une partie du monde agricole. En tête de liste des opposants aux OGM, la Confédération paysanne de José Bové. Sur les tables de l’hémicycle du Conseil économique et social, des tracts couleur saumon émanant du syndicat affirment que les «OGM sont une technologie totalitaire». Le syndicat estime que «les pouvoirs publics doivent arrêter de se retrancher derrière la technique et la science».

Point mort

Modalités de décision et contrôle : c’est le thème du débat lundi après-midi. Autour de la table, un ingénieur agronome, un sociologue, une avocate, deux opposants aux OGM et le président de la Commission du génie Biomoléculaire (CGB). Cette organisation, saisie avant toute autorisation de culture OGM, transmet ses avis au ministère de l’Agriculture. Par exemple, elle estime disposer aujourd’hui d’assez de connaissances pour autoriser la betterave OGM. Mais le ministère de l’Agriculture, refroidi par le mouvement anti OGM, n’a toujours pas pris de décision en ce sens.

Les discussions sont âpres et pointues. Alors qu’une grande partie de la population, déjà traumatisée par les affaires de «malbouffe» (vache folle…) ne connaît toujours pas les véritables enjeux des OGM, les débats semblent s’adresser à un public averti. « Jouer avec l’avenir c’est un peu fort de chocolat », lance Bruno Rebelle, directeur de Greenpeace. Marc Fellous, le président de la CGB, à qui les opposants aux OGM reprochent «un manque de transparence» et la conduite d’une «politique de bénéfices», insiste lui, sur la nécessité de la culture en champ. «On a besoin d’une expérimentation au champ », assène-t-il tandis que Bruno Rebelle déplore la « mollesse des réactions face aux interrogations croissantes des citoyens».

Les discussions sont comme les expérimentations d’OGM en plein champ : au point mort. Une commission de quatre « sages » doit rendre un avis au gouvernement après le débat, dans la perspective d’essais et de semailles au printemps prochain. Quant à l’étiquetage qui devrait permettre au consommateur de choisir, il doit être encadré dans une directive européenne, toujours en discussion. En attendant, toute nouvelle commercialisation est suspendue dans l’Union européenne depuis un moratoire décidé en 1999. Car l’Europe fait figure de dernier bastion anti-OGM. Les surfaces cultivées ne cessent de progresser dans le monde, atteignant 52,6 millions d’hectares fin 2001, dont 99% dans quatre pays : Etats-Unis, Argentine, Canada et Chine.



par Sylvie  Berruet

Article publié le 05/02/2002