Chili
La psychose du trou d’ozone
Au Chili, la période qui va d’octobre à janvier est la plus dangereuse pour ceux qui s’exposent aux rayons du soleil, en raison du trou dans la couche d'ozone. Le gouvernement prend des mesures pour tenter d’informer la population des dangers.
De notre envoyé spécial en Terre de Feu
«Profitez du soleil, mais protégez votre peau» c’est le cri d’alarme lancé par le ministère de la Santé du Chili. Le soleil brûle et tout le monde à peur du trou d’ozone. Les vendeurs de crèmes et de chapeaux font fortune. Comme chaque année à cette époque, la psychose du trou d’ozone s’empare du Chili. Des indicateurs mesurant l’intensité des radiations commencent à faire leur apparition dans les villes, sur les plages et dans le moindre village de Terre de Feu ou de Patagonie, tout au sud du pays. En effet, c’est sur la moitié sud que le déplacement du trou dans la couche d’ozone se fait sentir. Elle est si mince que les radiations d’UV-B dangereuses pour les êtres vivants traversent l’atmosphère sans être filtrées.
Dans la moitié nord du pays, le danger est moindre car ce sont les «bons» UV-A (ceux qui font bronzer) auxquels on s’expose. Néanmoins, les rayons solaires sont pratiquement perpendiculaires, il est donc recommandé de ne pas se mettre au soleil entre 11 heures et 15 heures, même si le temps est voilé. Le gouvernement chilien commence à prendre au sérieux les avertissements des spécialistes.
Le trou est en mouvement
Le ministère de la Santé du Chili a chargé l'Institut de Patagonie de l’Université de Magellan, à Punta Arenas, (tout au sud du pays) d’effectuer un diagnostic précis sur l’impact de ce phénomène à travers le «Programme Ozone Magellan». Le Dr Arnoldo Torres Contador est responsable de la partie métrologique du projet. Équipé depuis peu d’un Breewar, un spectro-photomètre très perfectionné, il mesure avec une grande précision l'intensité des rayonnements ultra-violets A et B et la quantité d’ozone protégeant l’atmosphère dans une zone donnée.
Première observation : le trou d’ozone qui se situe sur le pôle Sud n’est pas fixe. Arnoldo Torres est parvenu à modéliser son parcours. Il a démontré qu’il suit la cordillère des Andes, ce qui explique qu'il ne touche pratiquement pas la pampa d’Argentine. La zone la plus dangereuse s’étend sur 6000 km : du pôle Sud jusqu’à l’île de Chiloé, (1000 km au sud de Santiago) épargnant ainsi la capitale, Via del Mar, Valparaiso et toutes les plages du nord, ce qui devrait soulager les habitants qui n’auront plus qu’à se protéger des UV-A. Il a également noté que le trou d’ozone, très dynamique, se déplaçait rapidement «laissant derrière lui des sortes de traînées baveuses comme du blanc d'œuf», l'époque la plus dangereuse se situant entre octobre et janvier.
Le gouvernement chilien a commencé à diffuser les informations sur les UV-B que lui fournit l’Institut en installant des panneaux «Radiations Solaires» avec une flèche indiquant les indices : vert (pas de danger), jaune (attention ! une peau blanche ne peut rester au soleil plus de 20 minutes sans une crème filtrante appliquée toutes les deux heures), saumon (alerte ! bien se couvrir la tête, le corps, les bras et les jambes, porter des lunettes de protection), rouge (danger ! réduire au maximum l’exposition au soleil entre 11 h 40 et 14 h 40).
Ces indices sont transmis chaque jour par la télévision au moment du bulletin météorologique. Mais prenant très au sérieux le phénomène, le gouvernement envisage d’équiper d’un indicateur les taxis et les autobus pour informer la population sur l'indice du moment.
Une autre équipe pluridisciplinaire de l’Institut de Patagonie travaille sur les dommages que peuvent produire ces radiations sur la faune et la flore. Ainsi, ils ont noté que certains poissons dont le spectre visuel a changé du fait des UV-B ne reconnaissent plus ni leurs proies ni leurs prédateurs, ce qui a entraîné une modification de la chaîne alimentaire et des écosystèmes. Dans les «estancias» de vaches et de moutons (10 millions de têtes), les fermiers passent régulièrement un antibiotique sur les yeux de leurs bêtes pour leur éviter d’attraper des glaucomes qui les rendent aveugles.
Sur les végétaux : les chercheurs ont noté d’importantes perturbations dans la croissance et les colonies d'algues du détroit de Magellan et tout autour de la Terre de Feu. Il semble même que ces rayonnements affectent l’ADN, produisant des mutations mais ces études sont encore très empiriques.
Chez l’homme, les médecins ont noté l’apparition de lésions oculaires et des brûlures qui provoquent des cancers. Pour la première fois, Jaime Abarca, un dermatologue de Punta Arenas, en Patagonie, a constitué depuis plus de 15 ans des dossiers, avec photos, de tous ses clients brûlés par le soleil. Il a noté que depuis 10 ans, lorsque a lieu le rallye automobile de Porvenir, le nombre de brûlés est multiplié par 5. Or cette course automobile a lieu précisément en novembre, lorsque le trou d’ozone se situe exactement au-dessus de cette bourgade. Cette étude épidémiologique publiée dans les revues spécialisées, est la première à démontrer «scientifiquement» les méfaits du trou d’ozone sur la santé.
Parmi les spécialistes, les plus optimistes, comme le prix Nobel Paul Crutzen (1995) considèrent que le problème devrait être réglé dans les 50 ans à venir grâce aux mesures interdisant l’utilisation de produits qui détruisent la cape d’ozone, comme le CFC des aérosols. L’institut de la Patagonie pense que l’on assistera d’abord à une stabilisation dans les 30 ans à venir et qu’il faudra ensuite 50 ans pour reconstituer intégralement la couche d’ozone.
«Profitez du soleil, mais protégez votre peau» c’est le cri d’alarme lancé par le ministère de la Santé du Chili. Le soleil brûle et tout le monde à peur du trou d’ozone. Les vendeurs de crèmes et de chapeaux font fortune. Comme chaque année à cette époque, la psychose du trou d’ozone s’empare du Chili. Des indicateurs mesurant l’intensité des radiations commencent à faire leur apparition dans les villes, sur les plages et dans le moindre village de Terre de Feu ou de Patagonie, tout au sud du pays. En effet, c’est sur la moitié sud que le déplacement du trou dans la couche d’ozone se fait sentir. Elle est si mince que les radiations d’UV-B dangereuses pour les êtres vivants traversent l’atmosphère sans être filtrées.
Dans la moitié nord du pays, le danger est moindre car ce sont les «bons» UV-A (ceux qui font bronzer) auxquels on s’expose. Néanmoins, les rayons solaires sont pratiquement perpendiculaires, il est donc recommandé de ne pas se mettre au soleil entre 11 heures et 15 heures, même si le temps est voilé. Le gouvernement chilien commence à prendre au sérieux les avertissements des spécialistes.
Le trou est en mouvement
Le ministère de la Santé du Chili a chargé l'Institut de Patagonie de l’Université de Magellan, à Punta Arenas, (tout au sud du pays) d’effectuer un diagnostic précis sur l’impact de ce phénomène à travers le «Programme Ozone Magellan». Le Dr Arnoldo Torres Contador est responsable de la partie métrologique du projet. Équipé depuis peu d’un Breewar, un spectro-photomètre très perfectionné, il mesure avec une grande précision l'intensité des rayonnements ultra-violets A et B et la quantité d’ozone protégeant l’atmosphère dans une zone donnée.
Première observation : le trou d’ozone qui se situe sur le pôle Sud n’est pas fixe. Arnoldo Torres est parvenu à modéliser son parcours. Il a démontré qu’il suit la cordillère des Andes, ce qui explique qu'il ne touche pratiquement pas la pampa d’Argentine. La zone la plus dangereuse s’étend sur 6000 km : du pôle Sud jusqu’à l’île de Chiloé, (1000 km au sud de Santiago) épargnant ainsi la capitale, Via del Mar, Valparaiso et toutes les plages du nord, ce qui devrait soulager les habitants qui n’auront plus qu’à se protéger des UV-A. Il a également noté que le trou d’ozone, très dynamique, se déplaçait rapidement «laissant derrière lui des sortes de traînées baveuses comme du blanc d'œuf», l'époque la plus dangereuse se situant entre octobre et janvier.
Le gouvernement chilien a commencé à diffuser les informations sur les UV-B que lui fournit l’Institut en installant des panneaux «Radiations Solaires» avec une flèche indiquant les indices : vert (pas de danger), jaune (attention ! une peau blanche ne peut rester au soleil plus de 20 minutes sans une crème filtrante appliquée toutes les deux heures), saumon (alerte ! bien se couvrir la tête, le corps, les bras et les jambes, porter des lunettes de protection), rouge (danger ! réduire au maximum l’exposition au soleil entre 11 h 40 et 14 h 40).
Ces indices sont transmis chaque jour par la télévision au moment du bulletin météorologique. Mais prenant très au sérieux le phénomène, le gouvernement envisage d’équiper d’un indicateur les taxis et les autobus pour informer la population sur l'indice du moment.
Une autre équipe pluridisciplinaire de l’Institut de Patagonie travaille sur les dommages que peuvent produire ces radiations sur la faune et la flore. Ainsi, ils ont noté que certains poissons dont le spectre visuel a changé du fait des UV-B ne reconnaissent plus ni leurs proies ni leurs prédateurs, ce qui a entraîné une modification de la chaîne alimentaire et des écosystèmes. Dans les «estancias» de vaches et de moutons (10 millions de têtes), les fermiers passent régulièrement un antibiotique sur les yeux de leurs bêtes pour leur éviter d’attraper des glaucomes qui les rendent aveugles.
Sur les végétaux : les chercheurs ont noté d’importantes perturbations dans la croissance et les colonies d'algues du détroit de Magellan et tout autour de la Terre de Feu. Il semble même que ces rayonnements affectent l’ADN, produisant des mutations mais ces études sont encore très empiriques.
Chez l’homme, les médecins ont noté l’apparition de lésions oculaires et des brûlures qui provoquent des cancers. Pour la première fois, Jaime Abarca, un dermatologue de Punta Arenas, en Patagonie, a constitué depuis plus de 15 ans des dossiers, avec photos, de tous ses clients brûlés par le soleil. Il a noté que depuis 10 ans, lorsque a lieu le rallye automobile de Porvenir, le nombre de brûlés est multiplié par 5. Or cette course automobile a lieu précisément en novembre, lorsque le trou d’ozone se situe exactement au-dessus de cette bourgade. Cette étude épidémiologique publiée dans les revues spécialisées, est la première à démontrer «scientifiquement» les méfaits du trou d’ozone sur la santé.
Parmi les spécialistes, les plus optimistes, comme le prix Nobel Paul Crutzen (1995) considèrent que le problème devrait être réglé dans les 50 ans à venir grâce aux mesures interdisant l’utilisation de produits qui détruisent la cape d’ozone, comme le CFC des aérosols. L’institut de la Patagonie pense que l’on assistera d’abord à une stabilisation dans les 30 ans à venir et qu’il faudra ensuite 50 ans pour reconstituer intégralement la couche d’ozone.
par Patrice Gouy
Article publié le 11/02/2002