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Madagascar

Le «gouvernement Sylla» s’installe

Marc Ravalomanana poursuit sa politique de prise progressive du pouvoir à Madagascar. Ses ministres prennent possession de leurs lieux de travail, portés par des supporters en liesse, sous le regard passif des soldats affectés à la protection des ministères.
Après un week-end essentiellement consacré à des négociations en coulisses, le général gouverneur militaire de la ville d’Antananarivo, Léon-Claude Raveloarison, n’a pas pu mettre en place la loi martiale pour laquelle il a été nommé. Il ne se faisait d’ailleurs guère d’illusions, puisqu’il annonçait dès sa nomination que l’armée n’allait pas se lancer dans «des opérations de répression». Il a, en effet, engagé des négociations, forcément pour des compromis mais qui n’arrangent, ni l’un ni l’autre des adversaires politiques malgaches. Les défections au sein de l’armée, dont une partie a rejoint le camp Ravalomanana, ont scellé le sort de toutes les dispositions restrictives des libertés, prises par le pouvoir Ratsiraka. Tout le monde attendait la nomination du «ministre de la Défense» dont on savait qu’il serait avant tout un militaire. Le choix de Marc Ravalomanana et de son «Premier ministre», Jacques Sylla, s’est porté sur le général de gendarmerie Jules Mamizara, qui occupait les fonctions d’inspecteur général de la gendarmerie.

«Nous allons d’abord mettre de l’ordre au sein des forces armées, car beaucoup de nos amis ne sont pas encore très convaincus, mais la majorité des forces armées pense comme nous», déclare le général Jules Mamizara, en guise de tâche première à effectuer par son ministère. Lors d’une prise de fonction symbolique, organisée à l’hôtel de ville d’Antananarivo, comme pour tous les autres ministres, le général Mamiraza a précisé que maintenant il n’obéirait plus qu’aux ordres «du président Ravalomanana». Ainsi les divisions au sein de l’armée au sujet de l’autorité supérieure à respecter et l’adhésion quasi totale de la population de la capitale aux thèses du maire de la ville, ont rendu inapplicables les mesures prises par le pouvoir Ratsiraka. Aucun déploiement des forces de l’ordre n’a été constaté, depuis l’instauration de la loi martiale, le mercredi 27 février.

Ambiance de fête

Marc Ravalomanana décide donc de profiter de cette situation pour opposer à une éventuelle entrée en action des forces de l’ordre, la masse de ses supporters aux mains nues. En effet, très tôt le 4 mars des militaires fortement armés ont pris position autour de nombreux ministères. Ce sont les seuls et rares signes apparents qui montrent qui montrent qu’une loi martiale est en vigueur. Mais pour faire prendre fonction à ses ministres Marc Ravalomanana a fait appel à ses partisans, rendus à la place du 13 mai, pour leur manifestation quotidienne. Ils ont été invités à accompagner les «nouveaux ministres» sur leur lieu de travail.

Dans une ambiance quasiment de fête, des milliers de personnes escortent le «gouvernement» au grand complet, le Premier ministre en tête. Mais à l’approche des ministères, les soldats se dégagent et laissent passer la foule joyeuse, qui les ovationne immédiatement. Elle s’asseoit parterre, chante et danse, pendant que des huissiers de justice établissent un état des lieux, avant que «le Premier ministre» n’installe son «ministre». des militants restent sur place, la foule et le gouvernement s’ébranle vers d’autres ministères, et douze fois aujourd’hui ce scénario a été répété. «Je vais installer mes ministres un par un, mais nous ne pourrons peut-être tout faire aujourd’hui» déclare Jacques Sylla, visiblement satisfait de la tournure que prennent les événements. A l’annonce de la prise d’un ministère, les fonctionnaires se présentent spontanément pour «une conférence avec le ministre et pour la reprise du travail» annoncent-ils. Mais pour la plupart ils retournent à leur domicile, observant toujours une grève illimitée depuis le 28 janvier. Les vrais absents sont les ministres titulaires. Aucun n’était à son poste. Ce fait justifie la passivité des soldats, qui n’avaient plus rien à défendre. Un commandant d’unité explique d’ailleurs que ses troupes «ont reçu l’ordre d’éviter les violences et les dégradations». Mais qui donne ces ordres ? Les Tananariviens ne se posent même plus cette question, convaincus de détenir le pouvoir. «On a gagné, c’est fou, le pouvoir appartient au peuple» scandent des manifestants.



par Didier  Samson

Article publié le 04/03/2002