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Balkans

Macédoine : Sept morts mettent le processus de paix en péril

Tôt samedi matin, la police macédonienne a tué sept personnes dans le hameau de Rastanski Lozja, proche du village albanais de Ljuboten, situé à une dizaine de kilomètres de la capitale Skopje. Selon les communiqués de la police, celle-ci aurait répondu à un assaut lancé contre elle. Il s’agit du plus grave incident enregistré depuis la conclusion des accords de paix d’Ohrid, l’été dernier.
De notre correspondant dans les Balkans

Selon la police, les victimes seraient des ressortissants étrangers, notamment pakistanais. Le groupe engagé dans cet affrontement aurait préparé des attentats contre les ambassades des USA, de Grande-Bretagne et d’Allemagne à Skopje. Toujours selon la police, cette attaque ferait suite à l’arrestation de deux ressortissants jordaniens et de deux Bosniaques à Skopje, il y a une dizaine de jours. La police macédonienne essaie donc d’orienter les soupçons vers une hypothétique «filière islamiste» en Macédoine, mais cet incident risque d’être immédiatement perçu comme une provocation par la population albanaise. La police avait en effet tué treize civils albanais dans ce même village de Ljuboten, lors des combats de l’été dernier. La sanglante escarmouche de samedi survient alors que le processus politique initié par les accords d’Ohrid semblait devoir se poursuivre.

En novembre dernier, le Parlement de Macédoine avait accepté de modifier la Constitution du pays, satisfaisant ainsi la principale revendication albanaise. La loi de décentralisation, garantissant une large autonomie aux communes majoritairement albanaises avait elle aussi été votée, au mois de janvier. Le gouvernement avait également accepté, la semaine dernière, une loi d’amnistie couvrant toutes les violences commises entre le 1er janvier 2001 et la conclusion des accords d’Ohrid. Cette loi devait être discutée par le Parlement dans les jours à venir. Dans le même temps, une police multi-ethnique avait été mise en place et reprenait, l’un après l’autre, le contrôle des villages qui avaient été occupés par l’Armée de libération nationale albanaise de Macédoine (UCKM). Vendredi encore, Ali Ahmeti, le porte-parole de l’UCKM - officiellement autodissoute à la fin du mois de septembre 2001 - avait démenti les rumeurs colportées par la presse macédonienne, selon lesquelles les Albanais se réarmeraient massivement en vue d’une «offensive de printemps». Selon Ali Ahmeti, les Albanais n’avaient aucun intérêt à la reprise des combats.

Un «complot islamiste» menace-t-il la Macédoine ?

La vie politique de la petite république restait cependant suspendue à l’échéance des élections législatives anticipées, prévues par les accords d’Ohrid, qui devaient être organisées au printemps ou, au plus tard, à l’automne 2002. Selon tous les sondages, le parti nationaliste de droite macédonien VMRO-DPMNE, actuellement au pouvoir, risquait d’être balayé à ces élections. Selon tous les observateurs, l’aile radicale de la VMRO pouvait être tentée de créer des incidents pour écarter l’échéance électorale. Cette aile radicale regroupe notamment le Premier Ministre du pays, Ljupco Georgievski, et son ministre de l’Intérieur, Ljubce Boskovski.

Si le scénario d’une provocation de la VMRO-DPMNE devait être confirmé, tout dépendra désormais de l’attitude des partis albanais et de l’ancienne guérilla de l’UCKM, dont le désarmement en septembre dernier, pourtant supervisé par les troupes de l’OTAN, était resté hautement symbolique. Cependant, même si Ali Ahmeti et les leaders politiques albanais lançaient des consignes de modération, il n’est pas certain que celles-ci seraient nécessairement suivies d’effets. D’autres groupes de guérilla - a priori moins contrôlables que l’UCKM - se sont effet manifestés au cours des derniers mois, comme l’Armée nationale albanaise (AKSH).

Même si un «complot islamiste» menaçait peut-être la Macédoine, comme les communiqués de la police semblent le laisser croire, le tragique incident de samedi matin risque surtout de faire replonger la petite république dans la guerre civile.



par Jean-Arnault  Dérens

Article publié le 02/03/2002