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Madagascar

A chacun sa capitale

A chaque jour son lot d’imprévus dans la politique à Madagascar. A la prise pacifique des ministères, par les partisans et le gouvernement de Marc Ravalomanana, le clan du président Ratsiraka rompt le silence et se replie à Tamatave. Cinq gouverneurs de province sur six en font leur «capitale».
Jacques Sylla, le Premier ministre du président auto-proclamé, Marc Ravalomanana, continue d’installer les membres de son gouvernement dans les différents ministères, selon un scénario bien connu maintenant. A la tête de son équipe, le Premier ministre investit chaque ministère, après que les forces de l’ordre en faction, se soient retirées pour le laisser passer avec son impressionnant cortège de supporters. Huissiers de justice et serruriers font leur travail, pendant que des religieuses, les premières à pénétrer dans les bureaux pour désenvoûter les lieux par des prières, avant que les «ministres» ne prennent réellement possession des lieux. Le «seating» en chansons accompagne cette prise de fonction, pendant que les fonctionnaires en grève depuis le 28 janvier reprennent aussi, mais timidement, le travail. De la place du 13 mai, lieu de rendez-vous des pro-Ravalomanana, les «meneurs» de grèves ont appelé à une reprise progressive du travail.

«Tout semble se passer pour le mieux dans le meilleur des mondes», selon Marc Ravalomanana, qui prend ses aises comme en territoire conquis. Son «pouvoir bis» auquel adhèrent entièrement les populations d’Antananarivo, n’a pu, pour l’instant être contré par toutes les mesures d’exception prises par le pouvoir Ratsiraka. La loi martiale ne pouvant s’appliquer dans une ville et une province acquises à Marc Ravalomanna, le pouvoir tente un repli sur Tamatave, le grand port et fief du président Ratsiraka. En effet les gouverneurs de cinq provinces sur six que comptent le pays, ont rendu public un communiqué commun dans lequel ils transfèrent la capitale du pays à Tamatave. Le gouverneur de la province d’Antananarivo n’est pas associé à cette initiative des pro-Ratsiraka.

Antananarivo, capitale enclavée

Mais selon des conseillers du président Ratsiraka, il «ne peut officiellement cautionner une telle décision». Ils relèvent surtout l’anticonstitutionnalité de cette disposition qui leur paraît être une réaction d’humeur de ses auteurs qui cherchent par ailleurs à être des empêcheurs de tourner en rond. Par ce grain de sable dans la machine Ravalomanana, ces gouverneurs cherchent aussi à sortir du mutisme qu’ils observaient en délimitant un terrain. Leur geste est plus symbolique que politique, car ils veulent circonscrire «la popularité» de Ravalomanana à la seule capitale Antananarivo, avant qu’une nouvelle délégation de l’OUA n’arrive sur l’île le 6 mars. Mais l’acte commun des cinq provinces n’engage que leurs signataires, les gouverneurs, tous liés à la mouvance présidentielle. Lors du premier tour de l’élection présidentielle du 16 décembre, les provinces d’Antananarivo, de Mahajanga et de Fianarantsoa avaient majoritairement voté en faveur de Marc Ravalomanana. Toamasina (Tamatave), Antsiranana et Toliara avaient, elles, porté leur suffrage sur le président sortant Didier Ratsiraka.

Les gouverneurs signataires de l’acte de transfert de la capitale malgache, à Tamatave, ont le souci d’agiter un autre un autre symbole. Tamatave est la principale ouverture de Madagascar sur le monde extérieur. Son port alimente tout le pays en carburants et en produits manufacturés. Antananarivo, la capitale enclavée pourrait être asphyxiée économiquement, si les ravitaillements de Tamatave sont suspendus et si les autres provinces participent à l’isolement. La tentation est grande, mais elle mettrait le pays sur la voie d’une sécession. Un danger que redoutent «le groupe de contact» et les experts de l’organe central du mécanisme de l’OUA pour la prévention, le gestion et le règlement des conflits. Ils veulent privilégier à nouveau des négociations que conduiront l’ancien président du Cap Vert, Antonio Mascarehas Monteiro et Abdoulaye Bathily, le vice-président de l’Assemblée nationale sénégalaise.




par Didier  Samson

Article publié le 05/03/2002