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Ouganda

L’armée ougandaise poursuit la LRA au Soudan

L’armée ougandaise a franchi depuis le week-end dernier la frontière du Soudan à la poursuite d’une centaine de rebelles de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA), conduits par leur chef Joseph Kony.
De notre correspondant en Ouganda

L’armée ougandaise poursuit depuis le week-end dernier les rebelles de l’armée de résistance du Seigneur dans les vastes étendues soudanaises. L’Ouganda et le Soudan collaborent depuis plusieurs mois afin de mettre fin à cette rébellion active de depuis seize ans et qui a déplacé environ un demi-million de personnes au nord de l’Ouganda.

Une centaine de rebelles de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA) avait attaqué samedi dernier une position militaire dans le nord de l’Ouganda, depuis le Sud-Soudan faisant trois blessés et un nombre indéterminé de morts. Il s’agissait d’une position de la milice paramilitaire, c’est-à-dire de civils placés sous l’autorité de l’armée, comme il y en a de plus en plus en Ouganda.

Ces rebelles se sont ensuite rendus au marché d’Agoro, à une cinquantaine de kilomètres au nord de Kitgum, où au moins deux civils ont trouvé la mort ainsi qu’un militaire. Un journaliste du quotidien indépendant le Monitor qui s’est rendu sur les lieux confirme qu’il y a bien eu une attaque. Il a remarqué de nombreux mouvements militaires. Selon Shaban Bantariza, le porte-parole de l’armée ougandaise, Joseph Kony, était parmi les assaillants. Il est le chef de cette rébellion qui prétend depuis 16 ans vouloir instaurer en Ouganda un régime fondé sur les dix commandements de la Bible.

Soudan et Ouganda collaborent désormais

«Nous avons le droit de les poursuivre au Soudan», souligne Shaban Bantariza, «tout au moins jusqu’à vingtaine de kilomètres à l’intérieur des frontières», précise-t-il. En réalité, l’armée était mieux préparée à entrer au Soudan qu’elle ne veut bien l’avouer. Selon Samuel Odonga Otto, le député de Kitgum, cité par le Monitor, 25 000 militaires se sont déployés ces dernières semaines à la frontière avec le Soudan équipés de matériel lourd. Ce déploiement massif s’est fait dans le plus grand secret, précise ce député.

«Ce député est malade», rétorque Shaban Bantariza, «seuls quelques centaines de nos militaires se sont rendus au ranch d’Aswa, à au moins cent kilomètres de la frontière soudanaise pour s’y préparer à une mission d’entraînement conjointe avec l’armée américaine. D’autre part, Aswa accueille depuis des années nos militaires qui rentrent du Congo, pour qu’ils y suivent des examens médicaux», assure-t-il. Selon l’armée ougandaise, la poursuite des rebelles de la LRA a été freinée par la présence dans leurs rangs de nombreux otages. Près de 80 otages ont été récupérés par l’armée selon Shaban Bantariza, mais d’autres personnes seraient toujours retenues prisonnières par les rebelles.

Longtemps en guerre par rébellions interposées, le Soudan et l’Ouganda collaborent désormais en effet pour se débarrasser de cette rébellion qui a été récemment classée par Washington parmi les groupes terroristes. «Nos deux gouvernements sont déterminés à se débarrasser de tous les groupes armés qui déstabilisent la région», souligne Muhammad Sirajjudin, le chargé d’affaire du Soudan à Kampala. La presse ougandaise fait d’ailleurs état du bombardement, la semaine dernière, par l’armée soudanaise de camps de la LRA au Sud-Soudan, dans la région de Juba. Une information qui n’a pas été confirmée par le chargé d’affaire soudanais.

Abandonnée par tous, l’Armée de résistance du Seigneur semble être aux abois. «Ils sont finis, ils n’ont plus aucune chance», assure Shaban Bantariza. Connue pour ses atrocités, en particulier les enlèvements de milliers d’enfants forcés de prendre ensuite les armes contre leur propre communauté, l’Armée de résistance du Seigneur a trouvé cependant un constant soutien au sein du peuple Acholi, dans le nord de l’Ouganda, qui a été mis dans des camps surveillés par l’armée. La persistance en Ouganda de cette rébellion peu nombreuse et faiblement armée a été analysée par un certain nombre d’observateurs comme un prétexte commode de la part du pouvoir central pour mater le nord du pays, majoritairement hostile au régime en place.

La disparition de la LRA devrait pouvoir conduire à une remise en question de la politique de cantonnement du Nord par le Sud menée jusqu’à aujourd’hui par Kampala. En échange de l’arrêt du soutien de Khartoum à la LRA, l’Ouganda s’est d’ailleurs engagé à ne plus aider la SPLA de John Garang, qui combat le régime islamique de Khartoum et qui se sent encore aujourd’hui comme chez elle dans le nord de l’Ouganda.



par Gabriel  Kahn

Article publié le 03/03/2002