Zimbabwe
Divergences euro-africaines
Les résultats des élections présidentielles sont contestés par l’opposition, ce qui est presque normal, au vu des conditions dans lesquelles le scrutin s’est déroulé, mais la nouveauté vient de la différence d’appréciation des observateurs étrangers. Les Africains ont une lecture positive du déroulement du scrutin, alors que les Européens dénoncent «une mascarade d’élection libre».
Il ne fallait s’attendre à aucune surprise dans les résultats des élections présidentielles du Zimbabwe. Le président sortant Robert Mugabe, avait déjà multiplié des actions de disqualification de son principal adversaire, Morgan Tsvangirai, sur lequel plane une accusation de «haute trahison» et de complot visant à «assassiner Robert Mugabe». Les observateurs européens étaient déclarés personae non gratae, la presse nationale et internationale recevaient des instructions sur la marche à suivre pour être tolérées, une réforme agraire musclée était conduite par le régime opposant des fermiers blancs à des «noirs déshérités», sans oublier des actes de violences des supporters de la ZANU-PF, qui conduisaient de véritables expéditions punitives contre leurs adversaires politiques, bref un climat pré-électoral qui avaient suscité de nombreuses réserves dans les chancelleries internationales et surtout européennes.
Mais Robert Mugabe, héros de la lutte des Noirs pour la reconnaissance de leur citoyenneté pleine et entière, a habilement renoué avec son passé de combattant de la liberté, pour dénoncer «la vision néo-colonialiste des Européens» dans les affaires de son pays. Ce discours a beaucoup plu dans les milieux politiques africains, où l’on a jugé que Tony Blair, le Premier ministre britannique, lors de sa récente visite en Afrique, adoptait un ton méprisant, en évoquant les difficultés actuelles de l’ancienne colonie, le Zimbabwe, et le traitement apporté par son chef, Robert Mugabe. «Nous n’avons pas de leçon de morale à recevoir de ceux qui ont conduit et par la suite entretenu des politiques d’apartheid dans nos pays». Les pays membres de la SADC, la Communauté de développement d’Afrique australe, ont largement partagé cette opinion, comme s’il fallait bloc pour défendre son identité.
Chacun a pris séparément sa décision
Mais le glissement est rapide. On passe des revendications identitaires, plaies encore mal cicatrisées, à la volonté d’afficher chez soi son autorité. Certes, sauf que les victimes de cette autorité affirmée ne sont pas les Européens, mais bien des Zimbabwéens, qui ont été privés du droit de s’exprimer librement. C’est la conclusion à laquelle est arrivée la mission du Commonwealth qui affirme dans un communiqué que l’élection présidentielle au Zimbabwe «n’avait pas été libre et s’était déroulée dans un climat de peur». Cette mission du Commonwealth était composée de représentants du Nigeria, d’Afrique du sud, d’Australie et dirigée par Abdulsalami Abubakar, ancien président du Nigeria. Ces trois pays forment aussi, au niveau de leurs présidents et Premier ministre, Olushegun Obasanjo, Thabo Mbeki et John Howard, la commission ad hoc au sein du Commonwealth, chargée d’analyser le rapport des émissaires et d’éclairer l’organisation sur les décisions à prendre.
Mais avant même de recevoir ledit rapport, chacun a pris séparément des positions. Le président sud-africain, Thabo Mbeki a déclaré très solennellement que son pays continuerait d’aider le Zimbabwe dans le règlement des problèmes agraires et dans la crise économique qui le touche « quel que soit son président ». Jacob Zuma, le vice-président sud-africain qui s’est immédiatement rendu à Harare, après l’annonce de la victoire de Robert Mugabe, s’est dit « satisfait » du déroulement de l’élection, avant de rajouter que «ceux qui discréditent le processus électoral au Zimbabwe devraient écouter ce que les Africains disent». Le gouvernement nigérian a tout aussi officiellement pris position en faveur de Robert Mugabe en annonçant que «dans l’ensemble, les élections ont été calmes et ordonnées, donc légitimes et peuvent être considérées comme l’expression authentique de la volonté populaire du Zimbabwe». Le premier ministre australien quant à lui ne s’est pas encore clairement exprimé, mais les déclarations de son homologue et voisin néo-zélandais, Helen Clark, traduisent une communauté de vue des Etats de la région. «Après avoir vu les principes du Commonwealth s’appliquer dans d’autres situations, on se demande ce que le Zimbabwe a de spécial». Elle attend donc que l’organisation prenne des sanctions contre le Zimbabwe.
C’est ce que pense aussi Jack Straw, le ministre britannique des Affaires étrangères qui entend peser de tout son poids auprès de ses collègues européens, pour que des sanctions soient prises contre Robert Mugabe et son équipe et non contre le peuple zimbabwéen. Les sanctions viseraient des dignitaires du régime à travers un gel de leurs avoirs en Europe et une interdiction de se rendre dans un pays de l’Union. «Nous continuerons à nous opposer à tout accès du Zimbabwe à des sources de financement international tant qu’un gouvernement plus représentatif ne sera pas en place», a-t-il déclaré, mais en précisant tout de même que son pays continuera à soutenir des programmes humanitaires et surtout ceux qui concernent la lutte contre le sida.
Les Européens rejettent en bloc la réélection de Robert Mugabe alors que les Africains se satisfont du déroulement des opérations et mettent en exergue deux conceptions opposées de la conduite des affaires d’un pays. La justice et les droits humains auraient-ils des spécificités selon les pays ?
Mais Robert Mugabe, héros de la lutte des Noirs pour la reconnaissance de leur citoyenneté pleine et entière, a habilement renoué avec son passé de combattant de la liberté, pour dénoncer «la vision néo-colonialiste des Européens» dans les affaires de son pays. Ce discours a beaucoup plu dans les milieux politiques africains, où l’on a jugé que Tony Blair, le Premier ministre britannique, lors de sa récente visite en Afrique, adoptait un ton méprisant, en évoquant les difficultés actuelles de l’ancienne colonie, le Zimbabwe, et le traitement apporté par son chef, Robert Mugabe. «Nous n’avons pas de leçon de morale à recevoir de ceux qui ont conduit et par la suite entretenu des politiques d’apartheid dans nos pays». Les pays membres de la SADC, la Communauté de développement d’Afrique australe, ont largement partagé cette opinion, comme s’il fallait bloc pour défendre son identité.
Chacun a pris séparément sa décision
Mais le glissement est rapide. On passe des revendications identitaires, plaies encore mal cicatrisées, à la volonté d’afficher chez soi son autorité. Certes, sauf que les victimes de cette autorité affirmée ne sont pas les Européens, mais bien des Zimbabwéens, qui ont été privés du droit de s’exprimer librement. C’est la conclusion à laquelle est arrivée la mission du Commonwealth qui affirme dans un communiqué que l’élection présidentielle au Zimbabwe «n’avait pas été libre et s’était déroulée dans un climat de peur». Cette mission du Commonwealth était composée de représentants du Nigeria, d’Afrique du sud, d’Australie et dirigée par Abdulsalami Abubakar, ancien président du Nigeria. Ces trois pays forment aussi, au niveau de leurs présidents et Premier ministre, Olushegun Obasanjo, Thabo Mbeki et John Howard, la commission ad hoc au sein du Commonwealth, chargée d’analyser le rapport des émissaires et d’éclairer l’organisation sur les décisions à prendre.
Mais avant même de recevoir ledit rapport, chacun a pris séparément des positions. Le président sud-africain, Thabo Mbeki a déclaré très solennellement que son pays continuerait d’aider le Zimbabwe dans le règlement des problèmes agraires et dans la crise économique qui le touche « quel que soit son président ». Jacob Zuma, le vice-président sud-africain qui s’est immédiatement rendu à Harare, après l’annonce de la victoire de Robert Mugabe, s’est dit « satisfait » du déroulement de l’élection, avant de rajouter que «ceux qui discréditent le processus électoral au Zimbabwe devraient écouter ce que les Africains disent». Le gouvernement nigérian a tout aussi officiellement pris position en faveur de Robert Mugabe en annonçant que «dans l’ensemble, les élections ont été calmes et ordonnées, donc légitimes et peuvent être considérées comme l’expression authentique de la volonté populaire du Zimbabwe». Le premier ministre australien quant à lui ne s’est pas encore clairement exprimé, mais les déclarations de son homologue et voisin néo-zélandais, Helen Clark, traduisent une communauté de vue des Etats de la région. «Après avoir vu les principes du Commonwealth s’appliquer dans d’autres situations, on se demande ce que le Zimbabwe a de spécial». Elle attend donc que l’organisation prenne des sanctions contre le Zimbabwe.
C’est ce que pense aussi Jack Straw, le ministre britannique des Affaires étrangères qui entend peser de tout son poids auprès de ses collègues européens, pour que des sanctions soient prises contre Robert Mugabe et son équipe et non contre le peuple zimbabwéen. Les sanctions viseraient des dignitaires du régime à travers un gel de leurs avoirs en Europe et une interdiction de se rendre dans un pays de l’Union. «Nous continuerons à nous opposer à tout accès du Zimbabwe à des sources de financement international tant qu’un gouvernement plus représentatif ne sera pas en place», a-t-il déclaré, mais en précisant tout de même que son pays continuera à soutenir des programmes humanitaires et surtout ceux qui concernent la lutte contre le sida.
Les Européens rejettent en bloc la réélection de Robert Mugabe alors que les Africains se satisfont du déroulement des opérations et mettent en exergue deux conceptions opposées de la conduite des affaires d’un pays. La justice et les droits humains auraient-ils des spécificités selon les pays ?
par Didier Samson
Article publié le 15/03/2002