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France: présidentielle 2002

Les éminences «africaines» des candidats (2)

La politique étrangère est loin d’être au cœur de la campagne présidentielle. Pourtant, nombre de candidats tiennent à s’entourer de conseillers en charge du continent africain. Outre Jacques Chirac et Lionel Jospin, plusieurs autres candidats à la présidentielle, de la gauche à l’extrême droite, s’entourent d’un ou plusieurs conseillers chargés du continent africain. Suite et fin de notre enquête.
Hormis Jacques Chirac et Lionel Jospin, beaucoup d’autres présidentiables ont jugé bon de s’entourer d’un ou plusieurs conseillers. Bien que de plus en plus marginalisé politiquement, Charles Pasqua reste certainement le plus «africain» des candidats, même si ses méthodes sont aujourd’hui dénoncées, y compris par ses anciens amis. L’ex-ministre de l’Intérieur et président du RPF (Rassemblement pour la France), qui fut souvent comparé à un véritable «parrain» en Afrique francophone, où il a allègrement marché sur les traces de Jacques Foccart, a perdu de sa superbe. Mais il est l’un des rares à avoir profité de ses récentes interventions télévisées pour évoquer un continent qu’il connaît mieux que la plupart de ses concurrents. Il est aussi celui dont l’entourage y est le plus implanté. «Tout proche de lui, il y a le fidèle Daniel Leandri qui l’a toujours suivi, notamment à l’époque d’Elf, de Le Floch-Prigent et d’Alfred Sirven, et qui était le lien entre Charles Pasqua, le système pétrolier et les pays africains», explique Nicolas Beau, journaliste au Canard Enchaîné, qui vient de publier un livre sur le président du RPF (La Maison Pasqua, Plon, 2002).

Autre proche parmi les proches, le préfet Jean-Charles Marchiani, l’homme des missions délicates, en particulier dans le monde arabe, s’est pour sa part chargé de l’Angola, avec les conséquences que l’on sait, puisque son nom est cité dans la récente affaire de l’Angolagate. A ces deux figures de la «maison Pasqua», s’ajoutent un certain nombre de Corses, qui ont des activités en Afrique, tels Michel Tomi et Robert Felliciagi. Très connus dans le monde des jeux, des casinos et bien au delà, pour leurs diverses activités dans plusieurs pays africains dans le domaine des pêcheries et de l’armement, ils ont un lien presque familial avec Pasqua. Nicolas Beau évoque également un cercle beaucoup moins connu du grand public, constitué d’hommes d’affaire et industriels franco-libanais «qui peuplent les associations de français expatriés», à l’image d’Antoine Tabet, qui a débuté au Sénégal «avant d’étendre ses activités au Congo et au Gabon» et a des liens très étroits avec Pasqua. A l’évidence, aucun présidentiable ne peut rivaliser avec Charles Pasqua sur son terrain, même si ce dernier et ses proches sont rattrapés par une série d’affaires. La plus récente concerne des transferts «de plusieurs dizaines de millions ayant circulé sur les comptes de Jean-Charles Marchiani lorsqu’il était préfet», selon Nicolas Beau.

De Robert Hue à Jean-Marie Le Pen

D’autres candidats tiennent également à s’entourer d’africanistes. A commencer par Jean-Pierre Chevènement, candidat du pôle républicain, qui chasse sur les terres de Charles Pasqua, dont il a débauché quelques partisans. Le «Che», comme le surnomment ses aficionados, déplore le désengagement de la France en Afrique, dont il tient solidairement responsables Jacques Chirac et Lionel Jospin. Partisan d’une annulation de la dette des pays en développement, il n’hésite pas à brocarder les institutions financières internationales, d’après lui largement responsables de la déroute actuelle de nombreux Etats et plaide pour un retour de la présence française. Pas avare de symbole, il s’est récemment rendu à Dakar sur la tombe de l’ancien président Léopold Senghor, alors que beaucoup avaient déploré l’absence du chef de l’Etat et du Premier ministre lors de ses obsèques au Sénégal. «Ce geste était une façon de marquer l’importance des liens historiques entre l’Afrique et la France», souligne Paul Montcornet, un ancien diplomate et haut fonctionnaire qui le conseille sur ces questions. D’autres personnalités ont aussi l’oreille du président du Mouvement des citoyens (MDC) sur le sujet, comme Pierre Dabezie, «gaulliste de gauche», ancien colonel parachutiste, ex-ambassadeur de France au Gabon et enseignant à la Sorbonne.

Au sein de la gauche plurielle, c’est Noël Mamère qui affiche le plus clairement son engagement à propos de l’Afrique. Depuis plusieurs années, le candidat des Verts a tissé des liens, notamment avec le milieu associatif, et milite pour une moralisation de la politique africaine de la France. Outre Patrick Farbiaz, chargé des relations internationale qui suit le dossier, les Verts ont constitué un Groupe Afrique, sorte de Think Tank constitué de militants écologistes et de responsables d’associations, dirigé par Rufin Mkapa, un ancien responsable étudiant. «Nous sommes ouverts aux non-Verts, tels les associations de sans papiers, des sans-logis, de lutte contre la double peine, précise-t-il. D’une manière générale, nous travaillons avec tous ceux qui peuvent enrichir la réflexion des Verts».

Plus à gauche, le leader communiste Robert Hue affiche par tradition un intérêt pour l’Afrique. Il y a, quelques semaines, il s’est rendu au Mali en compagnie du député européen et ancien président de SOS Racisme, Fodé Sylla, qui suit les questions africaines. Mais le PCF, qui fut de toutes les luttes, notamment contre l’apartheid sud-africain, se fait beaucoup moins entendre que par le passé.

A droite, Alain Madelin a fait de l’Afrique son «dada». Depuis l’époque où il frayait avec le défunt chef rebelle angolais Jonas Savimbi, le leader de Démocratie libérale a des amis beaucoup plus fréquentables, tels le président sénégalais Abdoulaye Wade, à qui il a apporté son soutien lors de l’élection présidentielle qui a vu la victoire du pape du Sopi, début 2000. Mais Alain Madelin n’a pas jugé bon de s’entourer d’éminences grises sur la question. «Il est son propre conseiller sur ces questions», s’enthousiasme une de ses proches.

A l’extrême droite, même Jean-Marie Le Pen assure aussi s’intéresser au continent noir. Plusieurs personnalités qui lui sont proches ont même rédigé une sorte de livre blanc sur les relations franco-africaine, que le leader du Front national espérait présenter à des politiciens sud-africains lors d’une visite prévue du 14 au 16 janvier dernier, mais finalement annulée. En soi, «l’intérêt» de Jean-Marie Le Pen pour l’Afrique n’est pas une nouveauté. Sur son site Internet, on peut trouver des clichés où il pose avec Omar Bongo et Houphouët-Boigny. Ce que le leader de l’extrême droite nie, ce sont ses liens avec les activités «barbouzardes» de ses anciens «amis», tels Bernard Courcelle, l’ancien chef du Département protection sécurité (DPS), qui a rendu divers «services» au président congolais Denis Sassou Nguesso. Pour faire bonne mesure, le candidat du Front national, qui se défend régulièrement d’être raciste, n’hésite pas à s’entourer occasionnellement d’africains, tels Parfait Kolelas, fils de l’ancien Premier ministre congolais Bernard Kolelas, condamné à mort par contumace dans son pays, qui a joué les intermédiaires lors du voyage avorté de Jean-Marie Le Pen en Afrique du Sud. Quant à son rival Bruno Mégret, qui a fait une partie de sa carrière au sud du Sahara, il est moins prolixe sur la question. On le dit toutefois proche de Bernard Lugan, le très conservateur universitaire africaniste français. A chacun son Afrique…

Lire également:

Le premier volet de notre enquête sur les éminences africaines des candidats



par Christophe  Champin

Article publié le 29/03/2002