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Madagascar

Ravalomanana en quête de reconnaissance

Alors que les partisans de Didier Ratsiraka poursuivent leur blocus de la capitale malgache, les représentants des bailleurs de fonds ont haussé le ton en réclamant la levée des barrages. Le camp du «président-bis» table sur une début de reconnaissance internationale.

Serait-ce le début de la reconnaissance internationale pour Marc Ravalomanana ? En tous cas, les pays occidentaux, qui se contentaient d’arbitrer l’étrange partie qui se joue depuis bientôt deux mois entre le président sortant Didier Ratsiraka et son adversaire, ont infléchi leur position. Au cours d’une conférence de presse dans la capitale, Antananarivo, ce jeudi, les diplomates représentant la quasi-totalité des bailleurs de fonds ont pour la première fois choisi le langage de la fermeté à l’égard de Didier Ratsiraka, en apportant leur soutien à une déclaration de l’Union européenne réclamant la levée des barrages routiers qui asphyxient littéralement la capitale.

Depuis plusieurs semaines, ce dernier a organisé le blocage des accès à Antananarivo pour isoler Marc Ravalomanana, qui a installé son gouvernement au début du mois, sans que l’armée malgache, en grande majorité rallié à lui, ne cherche à l’en empêcher. Elément essentiel de ce blocus: le barrage de Brickaville, une localité située entre Antananarivo et Toamasina (ancienne Tamatave), le plus grand port de l’île, qui est aussi le fief de Didier Ratsiraka. En fermant cet accès essentiel à la capitale, il en empêche l’approvisionnement en carburant et en marchandises, mais aussi la circulation vers le reste du pays.

L’attitude du vieux dirigeant commence néanmoins à lasser les représentants occidentaux. «La Commission européenne insiste vivement pour qu’un retour à la normale sur le réseau de transport national ait lieu dans les délais les plus rapides», a déclaré le chef de la délégation de l’Union européenne, Pierre Protar, à nos confrères de l’AFP.

Ratsiraka, campé sur ses positions
Pour Didier Ratsiraka, c’est un sérieux camouflet car de nombreux observateurs estiment qu’il joue, avec cette tentative d’enclavement de la capitale, sa dernière carte, alors qu’il n’a pu faire appliquer la loi martiale, instaurée le 27 février. Le gouverneur militaire, qu’il avait nommé il y a un mois pour la mettre en œuvre, a d’ailleurs présenté sa démission, mercredi. La communauté internationale semble d’autant plus perdre patience que Marc Ravalomanana a fait un geste significatif en début de semaine en mettant fin à la grève générale qui paralysait la capitale, à sa demande, depuis le 28 janvier.

Mais l’amiral Ratsiraka campe sur ses positions. Interrogé par l’envoyé spécial de RFI, Bruno Minas, il jure vouloir «sauver l’unité nationale» du pays en se maintenant face au «président-bis». Il évoque un «gros risque de déflagration, de conflit ethnique pour ne pas dire de guerre civile» et traite le mouvement de son rival de «horde néo-fasciste ou fasciste ou nazie». En outre, il justifie le blocus de la capitale en estimant que «les barrages sont un moindre mal» pour empêcher une déflagration.

Face à ces attaques, le Premier ministre de Marc Ravalomanana, Jacques Sylla, souligne l’échec, à ses yeux inéluctable, de la stratégie du chef de l’Etat sortant: «Nous allons prendre petit à petit l’effectivité du pouvoir. Au départ ce n’était pas évident, il a fallu prendre les ministères un par un, ça sera pareil pour les provinces.» Et le chef du «gouvernement» d’ajouter à propos de Didier Ratsiraka: «Il a fait son temps, cela fait 25 ans qu’il est au pouvoir, s’il avait l’intention de faire quelque chose pour le pays, il avait largement le temps. Maintenant les urnes ont parlé. Les électeurs ont choisi quelqu’un d’autre que lui. Il est temps qu’il le comprenne ou qu’on le lui fasse comprendre». Pour l’heure, le camp de Marc Ravalomanana ne ménage pas ses efforts pour obtenir une reconnaissance internationale. Ce jeudi, son porte-parole en France, Mamy Andriamasomanana, a tenu une conférence de presse à Paris, en compagnie de plusieurs personnalités malgaches, au cours de laquelle il a appelé la France à «reconnaître l’effectivité du pouvoir de Marc Ravalomanana et de son Premier ministre Jacques Sylla».

Sur le terrain, un bras de fer s’est engagé pour le contrôle de quatre des six provinces de la Grande Ile. Celle d’Antananarivo est indubitablement acquise à Marc Ravalomanana, alors que celle de Toamasina reste la place forte de son concurrent. Les quatre autres sont beaucoup plus disputées. Celle d’Antsiranana, à l’extrême nord, et de Toljara, tout au sud, ont voté avec une courte avance pour Ratsiraka au premier tour de la présidentielle. Les deux autres –Mahajanga au nord-ouest et Fianarantsoa au centre– sont majoritairement favorables au «président-bis». Cette dernière province est stratégique à plus d’un titre. C’est la troisième la plus peuplée, mais elle commande aussi l’accès à la ville côtière de Manakara, sur la côte sud-est, qui offre un possible débouché vers la mer et pourrait donc permettre de contourner le blocus de la capitale. D’où l’insistance des partisans de Marc Ravalomanana à en prendre le contrôle. Sauf que le gouverneur est resté fidèle au chef de l’Etat sortant qui lui a intimé de tout faire pour que ce verrou stratégique ne tombe pas. Une fois de plus, la grande question est de savoir quelle sera la réaction de l’armée. Celle-ci a beau être majoritairement acquise au maire d’Antananarivo, quelques unités d’élite restent acquises à Didier Ratsiraka. Jusqu’ici les militaires ont respecté une relative neutralité. Mais mercredi, les force de l’ordre ont tiré sur la foule qui tentait d’investir le palais du gouverneur de Fianarantsoa, tuant trois partisans de Ravalomanana, ce qui laisse craindre un durcissement de la situation.



par Christophe  Champin

Article publié le 29/03/2002