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Ouganda

Offensive conjointe contre l'Armée de Résistance du Seigneur

L’armée ougandaise reconnaît être massivement entrée au sud Soudan depuis le 24 février dernier. Il s’agit d’une offensive préparée de longue date contre l’armée de résistance du Seigneur, une rébellion millénariste active depuis quinze ans au Nord de l’Ouganda et au sud Soudan. Cette opération militaire ougandaise au Soudan a reçu l’aval de Khartoum qui a dépêché depuis dimanche dernier auprès du président Museveni une délégation de 5 personnes.
De notre correspondant en Ouganda

L’armée ougandaise reconnaît être impliquée dans une offensive majeure depuis le 23 février dernier contre les bases arrières des rebelles de l’Armée de Résistance du Seigneur (LRA) au Sud Soudan. Cette offensive militaire se poursuit au milieu d’une intense activité diplomatique entre Khartoum et Kampala. «Nos troupes resteront au Soudan tant que nous n’en aurons pas fini avec la LRA», déclare Shaban Bantariza, le porte-parole de l’armée ougandaise.

Selon un communiqué signé conjointement mercredi dernier à Kampala par le ministre des Affaires étrangères ougandais et Ibrahim Mohammed, le porte-parole du gouvernement soudanais, le Soudan «a ouvert l’accès de ses territoires pour les forces amicales ougandaises afin qu’elles y exécutent une opération militaire limitée du côté soudanais de la frontière afin de résoudre le problème de l’Armée de Résistance du Seigneur».

En langage plus clair, Khartoum n’autorisera pas l’armée ougandaise à s’installer au Sud Soudan comme en territoire conquis ni de profiter de son déploiement au Sud Soudan pour soutenir la SPLA. «Le Soudan et l’Ouganda coopèrent et coordonnent leurs efforts pour mettre fin aux actions transfrontalières de l’Armée de Résistance du Seigneur», ajoute ce communiqué.

Sur l’initiative du Centre Carter, les présidents soudanais et ougandais s’étaient notamment engagés en 1999 à Nairobi à ne plus soutenir leurs rébellions respectives. L’Ouganda accusait Khartoum de soutenir l’armée de résistance du Seigneur afin de contrer le soutien massif et multiforme apporté notamment par l’Ouganda et les États-Unis à la SPLA de John Garang. Ce rebelle du peuple Dinka qui lutte depuis des dizaines d’années pour obtenir l’autonomie politique et financière du Sud Soudan est actuellement en voyage diplomatique aux États-Unis, après être passé par l’Europe.

Un groupe terroriste pour Washington

Dans le passé, Khartoum avait lié un éventuel retrait de son soutien à la LRA à l’arrêt du soutien de l’Ouganda à la SPLA. Mais la campagne contre le terrorisme menée par Washington aura influencé ces deux États, qui affirment désormais vouloir travailler la main dans la main pour retrouver la paix.
Ces derniers mois, la pression de la communauté internationale sur le régime islamique de Khartoum afin qu’il se démarque de tout groupe qualifié de terroriste a en effet été immense. Or justement, L’Armée de Résistance du Seigneur a été récemment qualifiée de groupe terroriste par Washington.

Au début de son offensive au Sud Soudan, le 24 février dernier, le gouvernement ougandais invoquait un prétendu «droit de poursuite» figurant dans l’article 51 de la Charte des Nations unies. Le prétexte était une brève incursion des rebelles de l’armée de Résistance du Seigneur au nord de Kitgum, le 23 février dernier. Une centaine de rebelles de l’armée de résistance du Seigneur avait attaqué ce samedi là une position militaire depuis le sud Soudan faisant trois blessés. Il s’agissait d’une position de la milice para militaire, c’est à dire de civils placés sous l’autorité de l’armée, comme il y en a de plus en plus en Ouganda.

Ces rebelles, estimés à plus d’une centaine, se sont rendus ensuite au marché d’Agoro, à une cinquantaine de kilomètres au nord de Kitgum, où deux civils ont trouvé la mort.
Abandonné par tous, l’armée de résistance du Seigneur semble être aux abois. «Ils sont finis, ils n’ont plus aucune chance», déclare Shaban Bantariza. «Jamais ils ne pourront resister à l’action conjointe des gouvernements soudanais et ougandais», renchérit le chargé d’affaire du Soudan en Ouganda, Muhammad Sirajjudin.

Connue pour ses atrocités, en particulier les enlèvements de milliers d’enfants forcés de prendre ensuite les armes contre leur propre communauté, l’Armée de Résistance du Seigneur ne bénéficie plus même de réels soutiens auprès du peuple Acholi au Nord de l’Ouganda, au sein duquel un demi million de personnes vit depuis des années dans des camps gardés par l’armée.

La persistance en Ouganda ces quinze dernières années de cette rébellion peu nombreuse et faiblement armée, a été analysée par un certain nombre d’observateur comme un prétexte commode de la part du pouvoir central pour mater le Nord du pays, majoritairement hostile au régime en place.

La disparition probable de la LRA devrait donc pouvoir conduire à une remise en question de la politique de cantonnement du Nord par le Sud menée jusqu’à aujourd’hui par Kampala. Cependant, tant que ce soutien de l’Ouganda à la SPLA continue, le Nord de l’Ouganda, frontalier avec les territoires tenus par les rebelles Dinka ne retrouvera pas la paix.



par Gabriel  Kahn

Article publié le 15/03/2002