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Congo démocratique

Kabila reprend l’initiative

Alors que le dialogue inter-congolais entame sa sixième semaine de négociations, le gouvernement de Kinshasa annonce des mesures et intentions en parallèle des discussions de Sun City. Les délégués présents en Afrique du sud s’interrogent sur le sens du communiqué gouvernemental proposant un partage du pouvoir contre la réunification du pays.
Tous les participants au dialogue inter-congolais s’accordent à dire que les discussions vont bon train à Sun City et qu’un accord politique sur l’avenir du Congo n’est plus désormais une utopie. En fait, cette affirmation de la bouche des délégués congolais s’apparente à la méthode Coué, où il faut se convaincre avant tout que tout va bien pour réellement faire avancer les choses. On se convainc de part et d’autre que le sens du devoir et l’amour de la patrie doivent prendre le pas sur toute autre considération. Mais assez rapidement, les questions primordiales concernant la conduite des affaires du pays ramènent les ambitions individuelles au devant de la scène. Ainsi les parcelles du territoire conquises par les différents groupes armés deviennent-elles des éléments essentiels dans les négociations. Sans remettre en cause la réalité du pouvoir détenu à Kinshasa, les différents groupes armés, rejoints en cela par les autres mouvements politiques cherchent néanmoins à définir une certaine légitimité de détention du pouvoir politique représentatif du Congo.

Les difficultés apparaissent donc à ce niveau du débat conduit par la commission politique et juridique du dialogue inter-congolais. Pour Ernest Wamba Dia Wamba, président du Rassemblement congolais pour démocratie, mouvement de libération (RCD-ML), l’instauration d’un nouvel ordre politique signifie qu’il «faut faire table rase du passé». Ce nouvel ordre débouchera sur une nouvelle légitimité qu’un pouvoir transitoire devra conduire à bien. Cette analyse est unanimement partagée, mais la répartition des rôles et responsabilités fait naître les clivages et exacerbe les ambitions. Pour la plupart des participants aucun des mouvements politiques et armés ne peut intervenir dans les institutions de la transition fort de ses «acquis». C’est pourquoi les membres de la société civile et de l’opposition non armée militent pour un arbitrage sous leur autorité. En clair, la présidence de la république devrait leur revenir et les postes de vice-présidence confiés aux belligérants.

Kabila double Sun City

Mais cette approche ne convient pas au pouvoir de Kinshasa, qui ne veut pas être assimilé à un mouvement armé. Il se distingue des différentes rebellions soutenues par des forces étrangères ougandaise et rwandaise. A ce titre il se revendique du pouvoir légitime et du privilège de conduire la transition devant conduire aux premières consultations démocratiques du pays depuis son accession à l’indépendance en 1960. Or le gouvernement de Kinshasa ne tient sa légitimité que d’un pouvoir héréditaire. Mais Joseph Kabila succédant à son père assassiné ne veut pas être écarté et se prévaut d’une reconnaissance internationale et de la défense de la souveraineté nationale congolaise. Ces arguments face à des oppositions structurées et organisées sont mis à mal et poussent Joseph Kabila à constituer aujourd’hui une entité à part et qui sera au même titre que les autres, partie prenante aux négociations sur l’avenir du Congo.

Ce n’est donc par un hasard que les amis du président Kabila annoncent la création d’un parti politique le 31 mars. Le Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD), se réclame et de Patrice Lumumba et de Laurent-Désiré Kabila et d’obédience sociale-démocrate. Alors que l’opposition armée excluait le président Joseph Kabila de la conduite de la transition vers un régime démocratique, le nouveau parti politique, par la voix de son porte-parole affirme: «nous occupons un espace politique. Désormais il est identifié». Portant le débat hors des assises de Sun City, Joseph Kabila et ses proches étalent leurs intentions au grand jour en proposant à leurs adversaires de participer au pouvoir politique congolais en contre partie de l’abandon des parcelles de territoire conquises.

Joseph Kabila en perte de vitesse à Sun City se fait d’un coup le champion de l’unité nationale et de l’intégrité recouvrée du Congo. La perspective de la réunion du 3 avril à Lusaka, entre les représentants de tous les Etats encore impliqués dans le conflit en République démocratique du Congo, explique aussi les nouvelles initiatives du pouvoir de Kinshasa. Selon des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies, tous les pays intervenant dans le conflit congolais devraient se retirer de ce pays. Il apparaît donc normal qu’en marge des assises de Sun City, une réunion à Lusaka n’aborde qu’exclusivement le retrait des forces étrangères de la RDC. «L’occupation de l’espace» devient ainsi une préoccupation du gouvernement de Kinshasa dont plusieurs éléments armés ont été remarqués derrières des lignes d’observation placées sous le contrôle de la MONUC, la Mission d’observation des Nations unies au Congo. Pour de nombreux observateurs ces dernières initiatives du gouvernement Kabila sont un coup dur porté contre le dialogue inter-congolais de Sun City.



par Didier  Samson

Article publié le 01/04/2002