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Angola

La fin des occasions manquées ?

Les rebelles de l'Unita et l'armée gouvernementale doivent signer un accord historique, ce jeudi 4 avril. S'il est effectivement respecté, ce texte mettra fin à l'une des plus longues et des plus meurtrières guerres civiles africaines, jalonnée de multiples occasions manquées de cessez-le-feu.
La journée du 4 avril 2002 a de fortes chances de rester comme un moment historique en Angola. Pour la première fois, ce pays meurtri par 27 années de guerre civile, tient une véritable occasion de connaître la paix. Ce jeudi, le pouvoir angolais et la rébellion de l’Unita (Union nationale pour l’indépendance totale de l’Angola) se retrouvent dans la capitale, Luanda, pour signer un cessez-le-feu, en présence du chef de l’Etat, Eduardo Dos Santos et de représentants de la communauté internationale. Il s’agit, en fait, de formaliser l’accord conclu le 30 mars dernier à Luena, dans l’est du pays, entre les forces gouvernementales et l’Unita, à peine un peu plus d’un mois après la mort de son chef charismatique Jonas Savimbi, tué dans une embuscade le 22 février. Dès mardi, le numéro trois du mouvement, le secrétaire général Paulo Lukamba dit «Gato», à la tête d’une «Commission de gestion» du mouvement est arrivé à Luanda, de même que le commandant des troupes rebelles, le général Abreu Kamorteiro. Ce dernier a prononcé ces mots que tout le monde voudrait bien croire: «la guerre n’aura plus jamais lieu dans ce pays».

Car si le conflit interminable que connaît l’Angola depuis 1975 est, en partie, l’héritage de l’antagonisme Est-Ouest, il est aussi l’histoire d’une série d’occasions manquées de faire la paix. En 1974, l’aventure coloniale portugaise touche à sa fin. Empêtré dans les guerres qui l’opposent à des mouvements indépendantistes dans ses possessions d’Afrique, le régime de Salazar est emporté par la révolution des œillets en avril. Pour les trois groupes combattant pour l’émancipation de l’Angola (le Mouvement populaire de libération de l’Angola d’Agostinho Neto, le Front national de libération de l’Angola de Holden Roberto et l’Unita de Jonas Savimbi) l’heure de vérité approche. Au départ, ceux-ci parviennent à s’entendre et signent les accords d’Alvor le 15 janvier 1975. Mais ils volent rapidement en éclat, avec l’échec de la formation d’un gouvernement d’unité nationale au mois de juillet, et la prise de Luanda par le MPLA. A peine l’indépendance proclamée, le 11 novembre, l’Angola bascule dans la guerre.

Au delà de la guerre froide

En pleine guerre froide, le Mouvement populaire de libération de l’Angola est soutenu par l’Union soviétique, alors que le FNLA et surtout l’Unita ont les faveurs des occidentaux. Aidé par le Zaïre de Mobutu, les hommes de Holden Roberto , mal organisés, sont rapidement marginalisés. Mieux structurée, l’Unita, qui bénéficie d’un fort appui sud-africain, devient alors rapidement le seul adversaire de Luanda. Mais face à des troupes gouvernementales renforcées par un contingent cubain, les rebelles de Jonas Savimbi sont stoppés à 200 kilomètres de la capitale. L’un des plus longs conflits de l’histoire contemporaine a commencé, auquel la fin de l’antagonisme Est-Ouest ne parviendra pas à mettre un terme.

A la fin des années 80, l’URSS entame un vaste désengagement mondial. Et le 22 décembre 1988, à la veille de l’effondrement de l’empire soviétique, un premier accord sur l’Angola est conclu à New York. Il comporte trois volets essentiels: le départ des troupes sud-africaines, le retrait programmé des soldats cubains et l’indépendance de la Namibie, encore sous la coupe de Prétoria. Les combats ne s’arrêtent pas pour autant. Car la lutte qui oppose le camp gouvernemental à la rébellion est devenue bien plus qu’un affrontement téléguidé de l’extérieur.

De nouveaux accords sont signés à Bicesse, au Portugal, le 1er mai 1991, qui constituent la première véritable tentative de paix. Outre un cessez-le-feu immédiat, il y est notamment question de l’interdiction de toute aide militaire extérieure et surtout du cantonnement des troupes des deux camps, qui doivent être fondues dans une armée nationale, mais aussi de la tenue d’élections libres dans les dix-huit mois. Celles-ci ont effectivement lieu en septembre 1992. L’Unita part même favorite, aux yeux de nombreux observateurs. Or les législatives comme la présidentielle tournent à l’avantage du MPLA et du président Eduardo Dos Santos qui remporte le premier tour avec 49,57% des voix contre 40,07% pour Jonas Savimbi. Ce dernier crie à la fraude, mais les Nations unies estiment qu’elle ne suffit pas à expliquer sa défaite. Fin octobre, la guerre civile reprend de plus belle.

Le 20 novembre 1994, la signature du protocole de Lusaka offre une nouvelle chance de cessation des hostilités. Tenant compte des écueils passés il propose, entre autre, une participation de l’Unita au gouvernement et à l’administration ainsi qu’un cantonnement et une réintégration des soldats rebelles, sous la surveillance d’une commission conjointe où sont représentés, l’ONU, le gouvernement, le mouvement de Savimbi et les membres de la troïka (Etats-Unis, Portugal, Russie). Cette fois, la paix semble sur les rails. Un gouvernement d’unité nationale est formé en avril 1997. Soixante-dix députés de l’Unita entrent à l’Assemblée nationale. Jonas Savimbi se voit même attribuer un statut spécial. Mais des blocages subsistent. En octobre, le Conseil de sécurité de l’ONU décident de sanctions contre les rebelles accusés de traîner les pieds dans la démobilisation et la restitution des armes. Dans les mois qui suivent, le mouvement rechigne par ailleurs à abandonner plusieurs régions censée passer sous contrôle gouvernemental. Une fois encore, la paix est enterrée.

Le contexte international a certes changé. L’ONU renforce les sanctions contre l’UNITA et Luanda est désormais soutenue par les Etats-Unis. Dans la région, le mouvement de Savimbi a perdu un allié, avec la chute de Mobutu Sese Seko, en mai 1997, dans l’ex-Zaïre. Et lorsque son successeur Laurent-Désiré Kabila est menacé par un soulèvement susceptible de favoriser la réinstallation de bases arrières rebelles angolaises en République démocratique du Congo, Luanda n’hésite pas à y envoyer ses troupes pour prendre son ennemi juré en étau. Malgré la pression internationale, en dépit de la «stratégie totale» d’un camp gouvernemental décidé à l’éliminer et de la dissidence d’une partie de son entourage, Jonas Savimbi et ses hommes parviendront jusqu’au bout à poursuivre leurs actions de guérilla. Jusqu’à un certain 22 février 2002, où le vieux chef rebelles est mort criblé de balles dans une embuscade tendue par les forces gouvernementales…



par Christophe  Champin

Article publié le 03/04/2002