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Angola

La paix, enfin !

Les Angolais se sont mis à l'heure de la paix avec enthousiasme, après la signature le 4 avril à Luanda de l'accord de cessez-le-feu entre le gouvernement et l'opposition armée de l'UNITA, précédé par la proclamation d'une amnistie pour les rebelles adoptée à l'unanimité par le parlement.
Au-delà des déclarations officielles et des manifestations de joie, tout le monde s'interroge sur le contenu de cette paix et si elle permettra vraiment à ce pays, riche en pétrole et en diamants, mais dévasté par 27 ans de guerre civile de s'en sortir. Ainsi, diplomates étrangers et représentants de la société civile à Luanda se demandent si le régime, accusé de manque de transparence et de corruption, est capable de changer de nature et d'œuvrer au bien-être de la population, la guerre et les dépenses militaires ne servant plus d'excuse.

Le président angolais José Eduardo dos Santos, fort des succès de son armée qui ont précipité la déroute de l'UNITA, s'est d'emblée montré magnanime, offrant la paix des braves, l'amnistie et la réconciliation nationale à ses anciens adversaires. Chef du parti au pouvoir, le MPLA, il avait annoncé en août dernier qu'il ne briguerait pas un nouveau mandat, prévoyant en septembre que les élections présidentielles pourraient avoir lieu à l'automne 2003.

Selon des sources angolaises informées, le chef d'Etat américain George W. Bush lui aurait toutefois demandé, lors d'un voyage à Washington peu après la mort de Savimbi le 22 février dernier, de rester en poste pendant encore deux ans pour résoudre "les problèmes en cours". Les conditions ayant radicalement changé, dos Santos pourrait lui-même être tenté de se représenter puisqu'il avait été privé d'une victoire complète en 1992 lorsque Savimbi, battu au premier tour, avait refusé de reconnaître les résultats, provoquant ainsi la reprise de la guerre civile.

Paix ou ditkat du vainqueur ?

Du côté de l'UNITA, des dirigeants du mouvement à l'étranger ne cachent pas une certaine inquiétude pour l'avenir. Ils se demandent dans quelle mesure le cessez-le-feu se traduira par une paix véritable et un processus démocratique ou s'il s'agit d'un "diktat" du vainqueur sur le vaincu. Selon des observateurs diplomatiques étrangers beaucoup dépendra de la capacité de l'UNITA à refaire son unité et à jouer le jeu démocratique avec le MPLA et d'autres formations politiques, en abandonnant pour de bon la lutte violente.

"Malheureusement cette paix s'est faite sur les cadavres des autres. J'espère du fond de mon cœur que les Angolais profiteront de cette occasion pour approfondir les négociations afin d'éliminer les causes profondes du conflit", a souligné en privé l'un des responsables du mouvement rebelle à l'étranger. Il reconnaît aussi que l'UNITA doit se restructurer afin de se préparer à jouer pleinement son rôle politique, en tenant aussi vite que possible un congrès pour nommer un successeur à Savimbi.

Pour le moment, le secrétaire-général du mouvement Paulo Lukamba Gato, parmi les survivants des bataille de Moxico dans l'est du pays, où Savimbi a été tué, préside un comité de gestion de 13 membres politiques et militaires, dont Isaias Samakuva, réfugié en France et considéré comme une des têtes pensantes de la rébellion. Le cessez-le-feu a été négocié par des militaires en liaison avec Gato à Luena, capitale provinciale du Moxico.

Des représentants du mouvement se trouvant à l'étranger attendent la levée progressive des sanctions de l'ONU, notamment les restrictions sur leurs voyages, avant de rentrer au bercail. A Luanda se trouvent déjà des députés de l'UNITA, restés en fonction malgré la reprise des combats en 1998, dont certains s'étaient ralliés au gouvernement dans le cadre de "l'UNITA Renovada".

"Il n'y a pas plusieurs UNITA. Certains cercles ont besoin de projeter une image de l'UNITA divisée. Il n'y a qu'une seule UNITA, celle du maquis qui constitue l'UNITA réelle et qui a eu des représentants à l'extérieur depuis longtemps", nous a affirmé le même responsable, qui semble toutefois estimer que ceux de la Renovada "devraient se recycler".

Pour lui, les élections générales ne peuvent pas avoir lieu avant trois ou quatre ans : "Il faut donc une période de transition avec la participation de la société civile". Il s'est prononcé en faveur d'un gouvernement de transition qui pourrait sortir d'une concertation des partis politiques représentés à l'assemblée nationale mais aussi des associations civiques. Il a également souligné la nécessité de tenir compte des sensibilités régionales."Même si on n'en parle pas, il existe en Angola des divisions ethnico-régionales", a-t-il dit.

Tous les protagonistes sont en tout cas d'accord sur un point: rien ne sera plus comme avant après la mort du chef historique de l'UNITA Jonas Savimbi, tué par les forces gouvernementales. Sur le plan pratique, les deux côtés ont créé une commission conjointe chargée de surveiller le cessez-le-feu et de désarmer 50.000 combattants de l'UNITA. L'ONU et la Troïka – Etats-Unis, Russie et Portugal – qui étaient chargée de superviser l'accord de paix de Lusaka de 1994 – sont associés à la commission en tant qu'observateurs.

Dos Santos, conscient de la soif de paix de son peuple – un tiers des 12 millions d'Angolais ont été déplacés par les combats, sans compter les morts, les blessés et les mutilés – semble à présent vouloir précipiter la reconstruction du pays, comme il l'a fait pour les modalités du cessez-le- feu. Dans un discours à la nation aux tons lyriques, prononcé à la veille de la signature de ce cessez-le-feu, il exalté les "retrouvailles de la grande famille angolaise" et souligné qu'il faut à la fois s'atteler à la reconstruction physique du pays, à la guérison des traumatismes causés par la guerre et au perfectionnement des institutions démocratiques.



par Marie  Joannidis

Article publié le 04/04/2002