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Justice

Le procès de la dernière chance pour Patrick Dils

Condamné une première fois pour le meurtre de deux enfants de huit ans à la réclusion criminelle à perpétuité, puis rejugé pour les même faits et condamné à vingt-cinq ans de prison douze ans plus tard, Patrick Dils comparait depuis lundi matin devant la cour d’assises des mineurs de Lyon pour un procès de la dernière chance. Un procès qui doit se dérouler jusqu’au 24 avril et qui doit déterminer la culpabilité ou non de celui qui se décrit comme «l’innocent incompris».
Le procès qui s’est ouvert lundi matin à la cour d’assises des mineurs de Lyon est, à bien des égards, une grande première juridique. C’est la première fois en effet qu’un homme, Patrick Dils, est jugé trois fois pour les mêmes faits, à savoir le meurtre de deux enfants de huit ans. L’accusé bénéficie ainsi de la toute nouvelle loi du 15 juin 2000 qui prévoit que désormais même une condamnation d’assises n’est pas définitive et peut être contestée en appel. C’est également la première fois qu’un majeur-Patrick Dils a trente et un ans- comparait devant une juridiction pour mineurs puisqu’il avait seize ans et demi à peine au moment des faits. C’est la première fois enfin, que les débats sont publics, le jeune homme l’ayant souhaité au regard de la nouvelle loi sur la présomption d’innocence qui permet à un accusé, devenu majeur à son procès, de réclamer une audience publique.

Patrick Dils a déjà passé quasiment la moitié de sa vie en détention et le procès de Lyon représente pour lui la dernière chance de prouver son innocence.

Les faits remontent à septembre 1987 lorsque Cyril Beining et Alexandre Beckrich, deux garçonnets de huit ans, sont retrouvés morts près de leur domicile à Montigny-lès-Metz en Moselle, le crâne fracassé à coup de pierres. L’enquête piétine et sept mois après le drame, un apprenti cuisinier habitant la même rue que les deux enfants est interpellé. Après trente heures de garde à vue, il passe aux aveux avant d’être inculpé d’homicide volontaire et écroué. Patrick Dils aura beau revenir, quelques semaines plus tard, sur ses aveux et clamer son innocence, la justice restera imperturbable. Il écopera d’une peine de réclusion criminelle à perpétuité. Un verdict qui ne tient pas compte du fait qu’il soit mineur.

L’affaire est relancée en 1998 lorsque la présence sur les lieux du crime de Francis Heaulme, un tueur en série déjà condamné plusieurs fois à perpétuité, est prouvée. La défense de Patrick Dils, qui estime qu’il s’agit «d’un fait nouveau de nature à faire naître un doute sur la culpabilité du condamné», demande la révision du procès, une procédure rare qui n’a été accordée que cinq fois au cours du siècle. Mais il faudra attendre trois ans avant que la Cour de révision ne décide d’annuler la première condamnation de Patrick Dils et de le renvoyer devant une autre cour d’assises, celle de Reims. Francis Heaulme y comparait en tant que témoin, y avoue avoir vu les enfants sur les lieux du crime, mais assure ne pas les avoir tués. Contre toute attente et alors que le parquet requiert l’acquittement de Dils, estimant qu’il n’avait matériellement pas eu le temps de commettre ce crime, la Cour d’assises de Reims le condamne à 25 ans de réclusion criminelle.

Une enquête de la gendarmerie a révélé de nouveaux éléments

Aujourd’hui, Patrick Dils joue le tout pour le tout car il continue de risquer la prison à perpétuité. Ses avocats sont toutefois très confiants et assurent qu’il sera acquitté au regard des nouveaux éléments apportés par l’enquête complémentaire diligentée par la gendarmerie au lendemain de sa deuxième condamnation. Le rapport conclut en effet que le double crime «porte la signature criminelle de Francis Heaulme», celui que les médias ont surnommé le «routier du crime». Par ailleurs deux nouveaux témoins, des pêcheurs, affirment avoir vu ce dernier, «le visage ensanglanté», le soir du drame. Ils seront entendus dans les jours qui viennent.

Coupable ou innocent, Patrick Dils restera une énigme pour le public. Comment expliquer en effet que cet adolescent renfermé n’ait pas hésité à s’accuser d’un double meurtre ? Comment expliquer son apparente indifférence lors de l’énoncé de sa condamnation à 25 ans de prison par la Cour d’assise de Reims alors que ses proches attendaient l’acquittement ? Monstre sans cœur comme le décrivent les familles des victimes ou jeune homme perdu, incapable d’exprimer ses émotions, comme le prétendent ses proches? Une chose est sûre, après quinze ans passés en prison, Patrick Dils devra, s’il est acquitté, faire le difficile apprentissage de la vie en société. Sa mère a déjà préparé sa chambre et ses amis avec qu’il a entretenu une longue correspondance sont prêts à l’y aider.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 08/04/2002