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Afghanistan

Le difficile retour des réfugiés

Réfugiés en Iran, des dizaines de milliers d’Afghans attendent de pouvoir regagner leur pays. Les premières opérations de retour ont été organisées sous l’égide du HCR avant d’être ralenties par les combats persistants dans la région.
De notre envoyé spécial à Do Garon à la frontière irano-afghane

Au point frontière Do Garon, entre l’Iran et l’Afghanistan, c’est l’effervescence. Des dizaines de camions traversent la frontière chargés de nourriture, de produits fabriqués en Iran ou encore de voitures japonaises ou coréennes d’occasion achetés par des marchands afghans dans les pays du Golfe persique pour être revendues en Afghanistan.

Au milieu de ce va-et-vient incessant, quelque 150 réfugiés afghans, embarqués dans quatre autobus portant le sigle du HCR (Haut commissariat pour les réfugiés des Nations unies), attendent de rentrer chez eux. Il s’agit de 29 familles et sept célibataires. Tous se sont présentés volontairement pour rentrer en Afghanistan. Quatre camions emmènent leurs affaires jusqu’au poste frontière Do Garon, à 250 kilomètres de Machhad et 130 kilomètres de la ville de Herat, principale cité de l’ouest de l’Afghanistan.

Une fois arrivés à la frontière, ces candidats au retour (volontaires) reçoivent un cours pour apprendre comment éviter les zones où il y a des mines. Chaque réfugié reçoit également 10 dollars et un sac de farine. De l’autre côté de la frontière, gardée par des soldats afghans en uniforme, des voitures font la navette entre Do Garon et Herat. Des porteurs afghans s’affairent comme des fourmis pour charger les bagages dans les voitures. Beaucoup de ces réfugiés en profitent pour ramener des produits iraniens qu’ils vont revendre de l’autre côté. En effet, l’Iran a autorisé les réfugiés afghans à ramener leurs biens. A l’exception de l’essence et du gasoil, tous les produits sont autorisés.

Des combats ont éclaté sur la route du retour

Ahmed, un jeune soldat afghan, qui a déserté il y a huit mois, rentre au pays pour, dit-il, «servir le gouvernement de Hamid Karzaï». Il a profité de son séjour en Iran, pour suivre des cours d’informatique. «Nous pouvons rentrer aujourd’hui, parce que la sécurité a été ramenée dans le pays», ajoute Ahmad. La plupart des réfugiés qui ont voulu profiter de l’aide – même minime – du HCR sont de simples ouvriers, comme une majorité d’Afghans. En effet, il y a deux semaines, l’Iran, le gouvernement de Hamid Karzaï et le HCR ont signé un accord pour le rapatriement de 400 000 réfugiés afghans par an dans leur pays.

A ce groupe, il faut ajouter ceux qui rentrent spontanément et sans l’aide des Nations unies. Nemat, un commerçant de 55 ans, qui a vécu 14 ans à Machhad, a décidé de rentrer à Herat. «J’ai treize enfants et deux femmes, mais il ne faut pas le dire», dit-il en ricanant. «Nous sommes partis en 1988 pour fuir les communistes. Maintenant, on peut rentrer car le gouvernement de Hamed Karzaï a ramené le calme dans le pays», ajoute Nemat, qui possède toujours plusieurs magasins à Herat. «Cela fait 34 ans que je fait du commerce entre Herat et l’Iran», reconnaît-il. Aujourd’hui, la chute des Taliban et la perspective de la reconstruction du pays l’ont poussé à rentrer pour ne pas perdre cette occasion en or. En effet, les produits iraniens sont très bons marché et très demandés en Afghanistan. Une occasion pour Nemat pour relancer son commerce avec les Iraniens.

En tout cas, malgré ces départs, ce qui inquiète toujours les Afghans, c’est l’insécurité qui peut revenir dans le pays. En effet, le jour même de ces départs, le HCR a annoncé que la violence qui règne le long de la frontière entre l’Afghanistan et le Pakistan a provoqué un arrêt presque total du retour de quelque 40 000 réfugiés afghans qui voulaient rentrer chez eux. Les affrontements armés entre différentes factions afghanes mais aussi l’action de paysans qui ont coupé la route entre la frontière pakistanaise et Jalalabad pour protester contre l’interdiction de la culture du pavot, décidée par le gouvernement intérimaire afghan, sont à la cause de cet arrêt. Les Iraniens ont également dû arrêter leurs opérations de rapatriement dans le sud du pays. En effet, dans la province de Nimrouz, à l’extrême sud-ouest de l’Afghanistan, des combats ont éclaté entre les hommes du commandant Barahoui et des combattants fidèles à Jalal Nourzai de la province voisine de Farah. Des combats qui pourraient bien pousser bon nombre de réfugiés afghans à remettre à plus tard leur retour dans leur pays.

Ce qui ne plait guère au gouvernement iranien. En effet, l’Iran compte actuellement 3 millions de chômeurs, essentiellement des jeunes. Selon le ministre de l’Economie, le nombre des chômeurs pourrait passer à 5 millions d’ici trois ans, si le gouvernement ne réussi à atteindre les objectifs du troisième plan quinquennal. Pour lutter contre le problème du chômage, le gouvernement du président Khatami espère que le retour progressif des 2,5 millions de réfugiés afghans dans leur pays permettra de libérer des emplois et diminuer le taux du chômage. En effet, tous les économistes s’accordent pour dire que la question du chômage et le nombre croissant des jeunes chômeurs pourrait créer des tensions sociales et politiques en Iran. Mais pour que les réfugiés afghans rentrent dans leur pays, il faut que Hamid Karzaï réussisse à maintenir le calme et la sécurité en Afghanistan. Or, les récents combats ne sont pas vraiment un élément encourageant.



par Siavosh  Ghazi

Article publié le 10/04/2002