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Congo démocratique

Déblocage possible à Sun City

A trois jours de sa fin, le dialogue inter-congolais en cours dans la ville sud-africaine de Sun City a connu lundi et mardi une soudaine accélération qui pourrait aboutir à un compromis sur le partage du pouvoir entre les différentes factions, durant la transition censée conduire le pays vers des élections générales.
C’est d’abord le gouvernement central de Joseph Kabila qui a, pour la première fois, osé faire des propositions concrètes, sur le partage du pouvoir pendant la transition. Kinshasa a certes exclu d’emblée que celle-ci puisse être conduite par une autre personne que le président Kabila, mais celui-ci «sera assisté d’un Premier ministre issu de l’opposition ou de l’une des rébellions», ainsi que par quatre vice-Premiers ministres issus des deux mouvements rebelles (MLC et RCD), de l’opposition politique et de la société civile, a déclaré son porte-parole. Toujours selon Kinshasa, dans ce régime semi-présidentiel l’une des deux Chambres du Parlement serait chargée du suivi et de l’application des accords mis au point à Su City, pendant une transition de 18 à 24 mois. En ce qui concerne l’armée, Kinshasa a proposé la création d’un état-major intégré comprenant des officiers des FAC (Forces armées congolaises), du MLC et du RCD, ainsi que des autres formations rebelles (RCD-ML, RCD-national et guerriers Maï-Maï).

Le MLC accepte que Kabila reste président

Ce petit geste d’ouverture a aussitôt provoqué une réaction favorable de la part du MLC de Jean-Pierre Bemba (soutenu par l’Ouganda), qui a fait savoir qu’il ne demandait plus le départ du président Kabila. «Le MLC a beaucoup évolué, a dit son secrétaire général Olivier Kamitatu ; nous pensons que si Joseph Kabila n’est pas la solution, il est une partie de la solution». La contre-proposition du MLC prévoit notamment la création d’un «Conseil présidentiel dans lequel les compétences seront partagées, et dans lequel Joseph Kabila gardera sa place de président». Une concession majeure de la part d’un mouvement doté d’une véritable armée, mais qui semblait profondément divisé et en perte de vitesse depuis plus d’un an, c’est-à-dire à partir de l’arrivée au pouvoir de Kabila fils, au lendemain de l’assassinat de Laurent-Désiré Kabila, en janvier 2001. Après quelques semaines d’hésitation la plupart des pays occidentaux avaient en effet décidé de soutenir par tous les moyens le nouveau président, aux dépens des rebelles soutenus par les pays voisins, et Kabila devenait ainsi le pivot de toute solution politique au long conflit régional, en dépit de l’incertitude qui continue de régner à Kinshasa.

Reste le problème de l’autre mouvement rebelle : le RCD présidé par Adolphe Onusumba (et soutenu par le Rwanda) n’a jamais caché son hostilité au maintien du Joseph Kabila à sa place. Mardi après-midi, tous les négociateurs en charge du dossier tentaient de convaincre le RDC d’accepter le compromis qui se dessine. Sa délégation paraissait profondément divisée sur le rôle de Kabila ; alors que les autres questions semblaient réglées : une session plénière s’apprêtait à adopter une série de résolutions finales sur des accords dégagés ces derniers jours, dans le domaine économique (reconstruction d’urgence et exploitation minière) ou la réconciliation nationale (commission vérité à la sud-africaine, protection des minorités).

Bien entendu, même si le RCD décidait finalement d’accepter le compromis institutionnel qui semble se dégager à Sun City, resterait entière la question de l’application de cet accord nécessairement fragile. Mais l’optimisme mesuré qui prévaut est aussi dû à la fragilisation des principaux protagonistes du conflit : l’Ouganda continue de chercher à se dégager du Congo démocratique (pour s’occuper de ses propres rebelles) ; le Rwanda doit faire face depuis deux mois à la rébellion d’un de ses alliés dans le Sud-Kivu: le commandant banyamulenge Masunzu. Quant au gouvernement central de Joseph Kabila, la mort de Savimbi et la paix qui commence à s’installer en Angola risquent de démotiver l’armée angolaise, son principal soutien. Luanda semble en effet de moins en moins prête à consentir d’autres sacrifices dans un pays où elle risque de s’embourber pour de bon.




par Elio  Comarin

Article publié le 09/04/2002