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France: présidentielle 2002

Les jeunes manifestent contre Le Pen

Comme dans plusieurs grandes villes de France, lycéens et étudiants se sont retrouvés mardi après-midi entre République et Bastille, à Paris, pour «PRO-TES-TER». La qualification de Jean-Marie Le Pen pour le deuxième tour de l'élection présidentielle française a fait aux jeunes l'effet d'un électrochoc qui les a mené directement dans la rue. Reportage.
«Le Pen t'es foutu, la jeunesse est dans la rue!» Slogan choc, message clair. Les quelque 2000 jeunes réunis mardi à Paris ont décidé de se mobiliser pour participer au grand mouvement de protestation qui est en train de s'organiser dans le pays pour faire barrage à Jean-Marie Le Pen, leader du Front national, qui a coiffé au poteau le Premier ministre Lionel Jospin et qui affrontera donc Jacques Chirac, le 5 mai prochain, lors du deuxième tour de l’élection présidentielle.

Dès l'annonce des résultats, les associations de lycéens et d'étudiants ont été assaillies de coups de téléphone pour savoir ce qu'elles allaient faire, comment réagir, se rassembler… Les jeunes ont ressenti un besoin immédiat de s'exprimer, de montrer leur désapprobation. Résultat, les manifestations se multiplient à Paris mais aussi en province. Pour Ingrid Renaudin, permanente à la FIDL, la Fédération lycéenne qui est à l’origine de l’organisation du rassemblement parisien de mardi, «il faut une montée en puissance jusqu’à la grande manifestation du 1er mai». Et tout est bon à prendre : «On n’en fait jamais assez contre le Front National».

Isabelle Dumestre, responsable national de l’Unef, syndicat étudiant qui s’est associé à la FIDL, distribue des tracts à la sortie du métro République et oriente les jeunes qui sont venus pour participer à la manifestation. «On n’arrive pas à assumer, depuis dimanche tout le monde nous demande ce que l’on fait. Il y a vraiment un besoin d’expression».

«On veut sauver notre France»

Les jeunes parlent avec leur cœur et manifestent avec leurs tripes. Quels que soient les conseils de leurs aînés sur la manière de protester et de se mobiliser contre Jean-Marie Le Pen, ils veulent faire-valoir qu’eux aussi ont quelque chose à dire. Isabelle Dumestre, du haut de ses 25 ans, prend un peu de recul: «A l’Unef, nous sommes conscients qu’il faut faire des choses qui marquent comme la manifestation de samedi [à laquelle toutes les associations de jeunesse ont appelé à participer] ou celle du 1er mai. Mais en attendant les jeunes ont besoin de descendre dans la rue. Notre rôle est de canaliser les émotions pour que cela ne devienne pas quelque chose de contre-productif». En clair, pour éviter les dérapages comme ceux qui ont émaillé la manifestation de lundi à la suite de laquelle des heurts ont eu lieu avec les forces de police, mieux vaut être là et encadrer les jeunes.

D’ailleurs, la manifestation de mardi est plutôt bon enfant mais les bouilles rondes des lycéens sont graves. Ils se sentent mal dans leurs baskets de jeunes qui n’ont pas encore le droit de vote mais qui revendiquent celui de donner leur opinion sur ce qui est en train de se passer dans le pays. Quelques-uns d’entre eux, qui sont venus de Vincennes et de Nogent-sur-Marne, discutent avant le départ de la manifestation. Ils expliquent pourquoi ils sont là, pourquoi ils reviendront les jours prochains: «On veut sauver notre France».

Car c’est bien de salut qu’il s’agit. Le principal slogan qui s’étale sur une grande banderole que quelques-uns des manifestants brandissent à l’avant du cortège est sans équivoque: «Sauvons la République».

Les jeunes se mobilisent contre le danger que Jean-Marie Le Pen représente à leurs yeux. Ils dénoncent le racisme et l’intolérance, ils crient à tue-tête: «On est tous des enfants d’immigrés, première, deuxième, troisième génération». Ils dansent sur des airs de rap et de raï, leur manière à eux de revendiquer le métissage.

Il n’empêche que certains tirent déjà les enseignement de ce scrutin. Ils critiquent l’abstention mais comprennent ce qui a motivé ceux d’entre eux qui auraient pu voter et qui ne l’ont pas fait. Ingrid Renaudin affirme que «l’abstention comme le vote Le Pen sont justifiés par la campagne qui a mis en avant le thème de l’insécurité» en montrant toujours le mauvais côté des «quartiers». «Comment voulez-vous que les jeunes se retrouvent dans ce discours. Ils ne se sentent pas représentés, c’est pour ça qu’ils ne votent pas». D’un autre côté, elle estime que la qualification de Le Pen pour le deuxième tour «va faire réagir les jeunes [et les moins jeunes] sur le fait que voter ça sert à quelque chose».

Hugo élève d’une classe de première au lycée Louis-Le-Grand à Paris se sent, pour sa part, comme dépouillé d’une partie de sa liberté de choix. Il n’a pas pu voter, il n’a pas l’âge, mais s’il l’avait fait, il aurait choisi les Verts au premier tour, Jospin au deuxième. Quand il voit les résultats, il s’interroge: «Le vote contestataire a été sanctionné. En voulant voter contestataire pour inciter Jospin à être plus à gauche, on obtient l’effet inverse [avec Le Pen qui passe]. On a le sentiment d’être obligé de voter socialiste». Entre convictions et vote utile, la marge de manœuvre est décidément bien étroite.

A écouter aussi:
Reportage dans les cortèges étudiants et lycéens qui dénoncent les idées d'extrême droite (Nathalie Rohmer, 24/04/2002, 1'05").



par Valérie  Gas

Article publié le 24/04/2002