France: présidentielle 2002
Jospin et ses orphelins
Lionel Jospin a démissionné mercredi soir de son dernier mandat électoral et paraît plus que jamais déterminé à se retirer définitivement de la vie politique. Il quitte la direction d’un parti en plein doute. Y compris sur l’attitude à choisir lors du deuxième tour du 5 mai prochain.
«Le deuxième tour des présidentielles doit se situer dans la réalité des choses, pas dans les mythes. Evitons d’en faire trop dans l’antifascisme». Ces propos ont été tenus par Lionel Jospin dans son discours d’adieu au bureau national du Parti socialiste. Un testament quelque peu embarrassant pour ceux qui restent, car il ne contient aucune allusion à «l’autre»: Jacques Chirac. Et, pour bien signifier qu’il avait définitivement opté pour la vie privée, Lionel Jospin a aussitôt envoyé une lettre de démission au président du Conseil général de la Haute-Garonne. Désormais délivré de tout mandat politique, Jospin a opté une fois de plus pour la cohérence et la fermeté. Même si cela peut être interprété comme de l’entêtement, et provoque déjà pas mal de remous dans la famille socialiste, y compris dans le proche entourage de l’ancien Premier ministre.
Pour le moins co-responsable de la défaite historique du 21 avril dernier, Jean Glavany, directeur d’une campagne qui s’est révélée catastrophique, a aussitôt tenté de calmer le jeu. «Il a tourné la page. C’est un choix politique mais aussi personnel. Il ne veut pas nous gêner. Il a 65 ans et il a décidé que son avenir serait sa vie privée», a-t-il dit à France Soir. Et Glavany de confirmer que Jospin ne fera plus de déclarations politiques, avant de rappeler que le successeur provisoire, «François Hollande, lui, s’est prononcé» en faveur de Jacques Chirac, pour barrer la route à Le Pen.
Ainsi, Lionel Jospin, qui durant les cinq années de cohabitation forcée préférait en privé appeler son partenaire-adversaire Jacques Chirac «l’autre», s’en va sans faire un dernier geste, sans accomplir un devoir républicain qui, pour tous les autres leaders socialistes allait presque de soi. Pourquoi ? Est-ce de la rancune personnelle ou un ultime message politique ?
Quitte ou double
Pour Jospin, cette présidentielle était depuis le départ une sorte de quitte ou double. «Ce sera l’Elysée ou l’île de Ré», avait dit sa femme Sylviane Agacinski. Il avait aussi décidé de la personnalisation à outrance, en avouant sa naïveté sur l’insécurité ou en présentant ses excuses à Chirac pour avoir utiliser l’argument de «l’âge du capitaine». Mais, plus profondément, ce leader socialiste atypique, et qui avait abandonné la politique une première fois au début du deuxième septennat de Mitterrand, était aussi fermement convaincu que «jamais les Français ne pourraient laisser à l’Elysée quelqu’un qui n’en était pas digne», notamment sur le plan moral, en raison de tous les scandales qui ont accompagné son parcours politique.
Quelques heures après la défaite, il a donc choisi de ne pas nommer un adversaire qui demeure, à ses yeux, politiquement déloyal et surtout non idoine à prendre la tête d’un mouvement soi-disant anti-fasciste. Demander de voter pour lui aurait signifié légitimer sa prochaine victoire, alors que le deuxième tour ressemble déjà à un plébiscite. Car, à ses yeux, appeler à voter pour Chirac, même le nez bouché, pourrait entretenir la confusion déjà bien installée entre fascisme et lepénisme, alors que celui-ci est surtout un phénomène bien français et nécessite donc un diagnostic et des remèdes tout à fait nationaux.
Le «splendide isolement» choisi par Jospin laisse ses orphelins dans une situation peu enviable, à quelques semaines des législatives. Le «combat des chefs historiques» (Fabius, Lang, Strauss-Lahn, Aubry) a sans doute dû être reporté. Pour l’heure, le secrétaire national gère au mieux l’urgence, tout en préparant la bataille décisive des législatives. Mais les «troupes» semblent plus que désorientées. Certes, une majorité de militants socialistes a déjà opté en faveur d’un «vote républicain» pour le candidat de la droite; mais nombreux sont celles et ceux qui «ne peuvent pas le faire», et préféreront s’abstenir ou voter blanc. Nul ne peut aujourd’hui les compter, et ce d’autant plus qu’ils ont été désorientés surtout par la démission inattendue de Jospin. «Son hara-kiri a un effet désastreux: celui d’éviter au PS de se remettre en cause», selon l’un d’eux. Pour l’heure, du moins.
En effet, seul le numéro un est parti. Le reste de la structure électorale est toujours en place, du moins sur le papier. Et les premiers (petits) règlements de compte commencent à pleuvoir, notamment autour de cette «gauche parisienne» ou «gauche caviar» qui a peur d’être bientôt dans le collimateur de ceux qui, au-delà du périphérique qui entoure la capitale, se sont souvent sentis ignorés, sinon méprisés. Et qui rêvent de lui faire payer le «vide politique» inquiétant qui prévaut à la veille d’un 1er mai qui s’annonce plutôt chaud, dans la rue comme dans les états-majors politiques.
Pour le moins co-responsable de la défaite historique du 21 avril dernier, Jean Glavany, directeur d’une campagne qui s’est révélée catastrophique, a aussitôt tenté de calmer le jeu. «Il a tourné la page. C’est un choix politique mais aussi personnel. Il ne veut pas nous gêner. Il a 65 ans et il a décidé que son avenir serait sa vie privée», a-t-il dit à France Soir. Et Glavany de confirmer que Jospin ne fera plus de déclarations politiques, avant de rappeler que le successeur provisoire, «François Hollande, lui, s’est prononcé» en faveur de Jacques Chirac, pour barrer la route à Le Pen.
Ainsi, Lionel Jospin, qui durant les cinq années de cohabitation forcée préférait en privé appeler son partenaire-adversaire Jacques Chirac «l’autre», s’en va sans faire un dernier geste, sans accomplir un devoir républicain qui, pour tous les autres leaders socialistes allait presque de soi. Pourquoi ? Est-ce de la rancune personnelle ou un ultime message politique ?
Quitte ou double
Pour Jospin, cette présidentielle était depuis le départ une sorte de quitte ou double. «Ce sera l’Elysée ou l’île de Ré», avait dit sa femme Sylviane Agacinski. Il avait aussi décidé de la personnalisation à outrance, en avouant sa naïveté sur l’insécurité ou en présentant ses excuses à Chirac pour avoir utiliser l’argument de «l’âge du capitaine». Mais, plus profondément, ce leader socialiste atypique, et qui avait abandonné la politique une première fois au début du deuxième septennat de Mitterrand, était aussi fermement convaincu que «jamais les Français ne pourraient laisser à l’Elysée quelqu’un qui n’en était pas digne», notamment sur le plan moral, en raison de tous les scandales qui ont accompagné son parcours politique.
Quelques heures après la défaite, il a donc choisi de ne pas nommer un adversaire qui demeure, à ses yeux, politiquement déloyal et surtout non idoine à prendre la tête d’un mouvement soi-disant anti-fasciste. Demander de voter pour lui aurait signifié légitimer sa prochaine victoire, alors que le deuxième tour ressemble déjà à un plébiscite. Car, à ses yeux, appeler à voter pour Chirac, même le nez bouché, pourrait entretenir la confusion déjà bien installée entre fascisme et lepénisme, alors que celui-ci est surtout un phénomène bien français et nécessite donc un diagnostic et des remèdes tout à fait nationaux.
Le «splendide isolement» choisi par Jospin laisse ses orphelins dans une situation peu enviable, à quelques semaines des législatives. Le «combat des chefs historiques» (Fabius, Lang, Strauss-Lahn, Aubry) a sans doute dû être reporté. Pour l’heure, le secrétaire national gère au mieux l’urgence, tout en préparant la bataille décisive des législatives. Mais les «troupes» semblent plus que désorientées. Certes, une majorité de militants socialistes a déjà opté en faveur d’un «vote républicain» pour le candidat de la droite; mais nombreux sont celles et ceux qui «ne peuvent pas le faire», et préféreront s’abstenir ou voter blanc. Nul ne peut aujourd’hui les compter, et ce d’autant plus qu’ils ont été désorientés surtout par la démission inattendue de Jospin. «Son hara-kiri a un effet désastreux: celui d’éviter au PS de se remettre en cause», selon l’un d’eux. Pour l’heure, du moins.
En effet, seul le numéro un est parti. Le reste de la structure électorale est toujours en place, du moins sur le papier. Et les premiers (petits) règlements de compte commencent à pleuvoir, notamment autour de cette «gauche parisienne» ou «gauche caviar» qui a peur d’être bientôt dans le collimateur de ceux qui, au-delà du périphérique qui entoure la capitale, se sont souvent sentis ignorés, sinon méprisés. Et qui rêvent de lui faire payer le «vide politique» inquiétant qui prévaut à la veille d’un 1er mai qui s’annonce plutôt chaud, dans la rue comme dans les états-majors politiques.
par Elio Comarin
Article publié le 25/04/2002