Madagascar
Un compromis à l’arraché
Didier Ratsiraka, le président sortant, et Marc Ravalomanana, le président autoproclamé, ont accepté le compromis mis au point par la présidence sénégalaise et l’OUA, jeudi après midi, à Dakar. Durant une période de transition de six mois, Ratsiraka restera président et Ravalomanana assurera la direction d’un Conseil supérieur de la transition qui devient la deuxième autorité de la grande île de l’Océan indien. Quant au gouvernement, les places ont été partagées de façon plus ou moins équitable entre les deux camps.
A l’issue de négociations particulièrement difficiles, les deux parties ont convenu que le «gouvernement de réconciliation nationale» sera dirigé par un Premier ministre «désigné d’un commun accord entre les deux «présidents». Il sera composé de la façon suivante : sur les cinq ministères de souveraineté, Marc Ravalomanana proposera deux personnalités pour l’Intérieur et les Finances, tandis que Didier Ratsiraka choisira les autres: les Affaires étrangères, la Justice et surtout la Défense. Tous les autres membres du gouvernement seront désignés «d’un commun accord à raison de la moitié par Ratsiraka et l’autre moitié par Ravalomanana».
Pour départager les deux candidats du premier tour du 16 décembre dernier, un référendum sera organisé dans six mois au maximum si aucun des deux «présidents» n’a obtenu la majorité à l’issue d’un nouveau décompte des voix, suite à l’arrêt de la Chambre administrative de la Cour suprême. Ce qui signifie qu’il ne devrait pas y avoir de deuxième tour. Une commission électorale indépendante est prévue, pour préparer et surveiller l’éventuel référendum. La Cour suprême doit pour sa part organiser le nouveau décompte des voix qui devrait commencer sous peu. Un décompte qui conditionnera désormais l’issue d’une crise grave qui dure depuis plus de quatre mois. «A la proclamation des résultats», dans environ une semaine, les deux parties mettront en place un conseil supérieur de transition qui sera dirigé par Ravalomanana et «dont la mission est de veiller au bon déroulement de la transition».
Les parties se sont également engagées, «dès la signature» de cet accord du 18 avril, à «faire respecter la liberté de circulation des biens et des personnes, l'arrêt immédiat de toutes les menaces et violences sur les personnes et les biens, le dynamitage des ponts, ainsi que la levée de tous les barrages sur toute l'étendue du territoire national».
Une «sortie honorable» pour Ratsiraka?
Ce compromis, nécessairement fragile au vu des affrontements intervenus ces dernières semaines, a été salué par tous, à commencer par les deux adversaires. Mais il a été obtenu à l’issue de longues et difficiles négociations, en raison notamment de la longueur de la période de transition, durant laquelle Ratsiraka restera à la première place. Dans la nuit de mercredi à jeudi les discussions avaient été suspendues, pour permettre aux délégations d’examiner un texte qui avait été mis au point et déjà bien amendé.
Ratsiraka et Ravalomanana, qui ne s’étaient pas rencontrées depuis le 13 février, se sont donnés rendez-vous dans un grand hôtel de la banlieue de Dakar, après avoir eu des discussions séparées avec les médiateurs réunis par le président sénégalais Abdoulaye Wade. Celui-ci, avant de se dire «optimiste» quant à l’issue des négociations, avait précisé que les «présidents» malgaches s’étaient «embrassés», lorsqu’ils se sont retrouvés. Mardi et mercredi, plusieurs leaders africains ont rencontrés séparément les deux rivaux malgaches : outre le sénégalais Wade et le secrétaire général de l’OUA Amara Essy, l’ivoirien Gbagbo, le mozambicain Chissano et le béninois Kerekou.
C’est sans doute le tournant de mercredi qui a fait évoluer les discussions et changé la donne politique : en annulant les résultats du premier tour, la cour suprême malgache modifiait profondément la base des discussions. Marc Ravalomanana, placé en ballottage favorable, avait contesté ces résultats et s’était proclamé président en février, avant de former son gouvernement basé à Antananarivo. Mais, au lendemain de la marche arrière de la Cour suprême, il s’est dit prêt à participer à un éventuel deuxième tour, si les résultats du premier étaient finalement confirmés à l’issu d’un nouveau décompte des voix.
Cette réconciliation est d’abord le fruit des démarches incessantes et de la volonté farouche du président sénégalais, mais aussi des autres présidents africains et de l’OUA qui à la mi-mai avait suggéré «la mise en place sans délai d’un gouvernement de réconciliation nationale» chargé d’organiser «une nouvelle consultation électorale républicaine transparente, libre et juste».
Après la lecture de cet accord, Didier Ratsiraka a estimé que «les intérêts personnels» avaient été «surpassés, dans l'intérêt supérieur de la nation».
Marc Ravalomanana a quant à lui estimé qu'une «
sortie honorable» avait été trouvée à une longue crise. Et peut-être aussi pour le président sortant?
Le conseiller spécial de Ravalomanana Rabetsitonta Tovonanahary -un opposant de toujours de Ratsiraka- nous a pour sa part déclaré jeudi soir qu'il souhaitait que le nouveau décompte des voix aboutisse à un «résultat juste et transparant». Même s'il ne fait de doute, à ses yeux, qu'il sera favorable à son président.
A écouter également :
Didier Ratsiraka, président sortant au micro d'Olivier Rogez
Marc Ravalomanana au micro d'Olivier Rogez
Le président sénégalais Abdoulaye Wade au micro d'Olivier Rogez
Amara Essy, secrétaire général de l'OUA au micro d'Olivier Rogez
Hubert Védrine, ministre français des Affaires étrangères au micro de Richard Labévière
Pour départager les deux candidats du premier tour du 16 décembre dernier, un référendum sera organisé dans six mois au maximum si aucun des deux «présidents» n’a obtenu la majorité à l’issue d’un nouveau décompte des voix, suite à l’arrêt de la Chambre administrative de la Cour suprême. Ce qui signifie qu’il ne devrait pas y avoir de deuxième tour. Une commission électorale indépendante est prévue, pour préparer et surveiller l’éventuel référendum. La Cour suprême doit pour sa part organiser le nouveau décompte des voix qui devrait commencer sous peu. Un décompte qui conditionnera désormais l’issue d’une crise grave qui dure depuis plus de quatre mois. «A la proclamation des résultats», dans environ une semaine, les deux parties mettront en place un conseil supérieur de transition qui sera dirigé par Ravalomanana et «dont la mission est de veiller au bon déroulement de la transition».
Les parties se sont également engagées, «dès la signature» de cet accord du 18 avril, à «faire respecter la liberté de circulation des biens et des personnes, l'arrêt immédiat de toutes les menaces et violences sur les personnes et les biens, le dynamitage des ponts, ainsi que la levée de tous les barrages sur toute l'étendue du territoire national».
Une «sortie honorable» pour Ratsiraka?
Ce compromis, nécessairement fragile au vu des affrontements intervenus ces dernières semaines, a été salué par tous, à commencer par les deux adversaires. Mais il a été obtenu à l’issue de longues et difficiles négociations, en raison notamment de la longueur de la période de transition, durant laquelle Ratsiraka restera à la première place. Dans la nuit de mercredi à jeudi les discussions avaient été suspendues, pour permettre aux délégations d’examiner un texte qui avait été mis au point et déjà bien amendé.
Ratsiraka et Ravalomanana, qui ne s’étaient pas rencontrées depuis le 13 février, se sont donnés rendez-vous dans un grand hôtel de la banlieue de Dakar, après avoir eu des discussions séparées avec les médiateurs réunis par le président sénégalais Abdoulaye Wade. Celui-ci, avant de se dire «optimiste» quant à l’issue des négociations, avait précisé que les «présidents» malgaches s’étaient «embrassés», lorsqu’ils se sont retrouvés. Mardi et mercredi, plusieurs leaders africains ont rencontrés séparément les deux rivaux malgaches : outre le sénégalais Wade et le secrétaire général de l’OUA Amara Essy, l’ivoirien Gbagbo, le mozambicain Chissano et le béninois Kerekou.
C’est sans doute le tournant de mercredi qui a fait évoluer les discussions et changé la donne politique : en annulant les résultats du premier tour, la cour suprême malgache modifiait profondément la base des discussions. Marc Ravalomanana, placé en ballottage favorable, avait contesté ces résultats et s’était proclamé président en février, avant de former son gouvernement basé à Antananarivo. Mais, au lendemain de la marche arrière de la Cour suprême, il s’est dit prêt à participer à un éventuel deuxième tour, si les résultats du premier étaient finalement confirmés à l’issu d’un nouveau décompte des voix.
Cette réconciliation est d’abord le fruit des démarches incessantes et de la volonté farouche du président sénégalais, mais aussi des autres présidents africains et de l’OUA qui à la mi-mai avait suggéré «la mise en place sans délai d’un gouvernement de réconciliation nationale» chargé d’organiser «une nouvelle consultation électorale républicaine transparente, libre et juste».
Après la lecture de cet accord, Didier Ratsiraka a estimé que «les intérêts personnels» avaient été «surpassés, dans l'intérêt supérieur de la nation».
Marc Ravalomanana a quant à lui estimé qu'une «
sortie honorable» avait été trouvée à une longue crise. Et peut-être aussi pour le président sortant?
Le conseiller spécial de Ravalomanana Rabetsitonta Tovonanahary -un opposant de toujours de Ratsiraka- nous a pour sa part déclaré jeudi soir qu'il souhaitait que le nouveau décompte des voix aboutisse à un «résultat juste et transparant». Même s'il ne fait de doute, à ses yeux, qu'il sera favorable à son président.
A écouter également :
Didier Ratsiraka, président sortant au micro d'Olivier Rogez
Marc Ravalomanana au micro d'Olivier Rogez
Le président sénégalais Abdoulaye Wade au micro d'Olivier Rogez
Amara Essy, secrétaire général de l'OUA au micro d'Olivier Rogez
Hubert Védrine, ministre français des Affaires étrangères au micro de Richard Labévière
par Elio Comarin
Article publié le 18/04/2002