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Congo démocratique

Pas d’accord général entre Congolais

Le dialogue intercongolais n’a pas abouti à un accord général entre les principales délégations, vendredi 19 avril, jour prévu pour la clôture de ces assises ; mais d’autres pourparlers pourraient se poursuivre. Dans la confusion.
Plus de deux mois de négociations, dans la ville sud-africaine de Sun City, n’ont pas suffi aux 360 délégués du Congo démocratique pour aboutir à un accord global sur le processus de paix et la mise en place d’un gouvernement de transition. Même si, mercredi dernier, deux des trois principaux protagonistes - le gouvernement central de Joseph Kabila et le mouvement rebelle dirigé par Jean-Pierre Bemba (le MLC, soutenu par l’Ouganda) - ont signé un accord bilatéral qui reste apparemment valable et devrait donc modifier les rapports de force qui prévalent aujourd’hui en RDC.

Aux termes de cet accord le président Kabila conserveson poste pendant la transition jusqu’à des élections démocratiques, tandis que Jean-Pierre Bemba devient premier ministre ; l’autre mouvement rebelle, le RCD dirigé par Adolphe Onusumba (soutenu par le Rwanda) se verrait offrir la présidence du Parlement. Cet accord a été aussitôt qualifié de « coup d’Etat » par le RCD, et l’offre qui lui a été faite de « plaisanterie ». Pour le secrétaire général du RCD, Azarias Ruberwa, cet accord bilatéral visait en réalité à isoler son mouvement et ne mettrait sans doute pas fin au conflit qui dure depuis 1998: «si cela se produit, le Congo ne sera pas réunifié et il n’y aura pas de paix».

Un pays coupé en deux pour longtemps?

C’est apparemment la situation qui prévaut désormais au Congo démocratique. L’accord Kabila-Bemba devrait permettre la réunification des territoires tenus par le MLC (environ 30% du pays, dans le nord-ouest) avec ceux que contrôle le gouvernement central de Joseph Kabila (environ 40%, dans le sud). L’est de la RDC (30%) demeure pour l’heure entre les mains du RCD-Goma et des troupes rwandaises. Ces derniers ont jusqu’à la dernière minute réclamé que le dialogue intercongolais de Sun City prenne en examen la dernière proposition formulée par le président sud-africain Thabo Mbeki, portant sur une présidence Kabila de transition (et plutôt horifique) et deux vice-présidences partagées entre les deux mouvements rebelles. Ce qu’ont refusé les représentants de Kinshasa comme du MLC.

Quant aux représentants de l’opposition politique et de la société civile, jeudi ils semblaient plutôt partagés, mais un éventuel accord général entre les trois principaux protagonistes (Kinshasa, MLC et RCD) aurait sans doute emporté leur adhésion. Finalement, l’entente bilatérale Kabila-Bemba de mercredi dernier a apparemment provoqué d’autres clivages et la colère de certains d’entre eux, à commencer par un leader historique : Etienne Tshisékédi, le président de l’UDPS. Un mouvement armé se réclamant de cette formation politique vient en effet de faire son apparition dans le Kasaï oriental, non loin de sa capitale Mbuji-Mayi, par des attaques contre les FCA (Forces armées congolaises) de Joseph Kabila.

L’échec de Sun City est-il définitif ? L’histoire récente de la RDC nous a appris à ne jamais complètement fermer les portes du dialogue. Et ce d’autant plus que de nombreux délégués semblent apprécier les prolongations, dans une ville réputée pour ses casinos et ses loisirs. Vendredi on n’excluait pas tout à fait que le dialogue intercongolais puisse se poursuivre, mais avec un petit nombre de délégués. «On nous a demandé de désigner de petits groupes de nos délégations pour rester et continuer», a dit un représentant de la société civile. «Les pourparlers qui devaient être vendredi après une extension d’une semaine, sont finis quand nous disons qu’ils le sont. Ce n’est pas un match de football, mais d’ailleurs même dans un match de football il y a un temps supplémentaire et des tirs au but». Mais d’autres délégués se sont montrés très sceptiques quant à une entente générale de dernière minute.

L’impasse qui persiste à Sun City est d’abord due à Thabo Mbeki, le président sudafricain qui a tout fait pour parvenir à un compromis honorable, mais qui dans le passé a souvent été soupçonné de pencher du côté rwandais. Mais elle risque surtout de relancer immédiatement le conflit à l’est du pays, et sur une échelle bien plus grande. Ces dernières semaines des combats plutôt sporadiques ont été signalés, notamment autour des villes situées pour la plupart près de la frontière avec la Tanzanie.

Mais, si l’échec de Sun City est confirmé, une véritable frontière risque de couper en deux le pays, peut-être pour longtemps. D’un côté la capitale Kinshasa, l’ouest, le sud et le sud-est du pays, soit près de 70% du territoire ; et de l’autre l’est (dont la capitale pourrait être Kisangani). Une frontière d’abord militaire, mais qui traduit aussi un partage plus profond, entre les provinces dont la langue véhiculaire est le lingala et qui sont traditionnellement tournées vers l’Atlantique et l’embouchure du fleuve Congo ; et celles qui ont toujours été plus proches (culturellement et économiquement) de l’Afrique des Grands Lacs et de l’Est que de Kinshasa, et qui entre elles utilisent souvent le swahili. Une frontière qui n’est que marginalement artificielle.



par Elio  Comarin

Article publié le 19/04/2002