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Madagascar

Marc Ravalomanana, président proclamé

L’élection présidentielle du 16 décembre 2001 est désormais officiellement clôturée avec la proclamation des résultats définitifs. La Haute cour constitutionnelle après un nouveau décompte des voix donne Marc Ravalomanana vainqueur dès le premier tour avec 51,45% contre 35,90 % pour le président sortant Didier Ratsiraka.
Marc Ravalomanana n’est plus le «président auto-proclamé» mais bel et bien aujourd’hui le président élu de Madagascar. Quatre mois après le scrutin, et le contrôle de l’appareil de l’Etat par ses partisans, il se dit tout de même ému aujourd’hui par la proclamation officielle des résultats. Malgré la prise de pouvoir et l’investiture populaire devant le peuple d’Antananarivo dont il est le maire, la nomination d’un gouvernement, le ralliement de la plupart des officiers supérieurs et des corps d’armée, l’exercice du pouvoir avait à ses yeux un goût d’inachevé. Le président sortant Didier Ratsiraka, contestant la légalité du pouvoir bénéficiait de l’allégeance de cinq gouverneurs de province sur les six que compte le pays. Par ailleurs, en s’établissant dans son fief de Toamasina, le principal port du pays, il organisait l’isolement et le blocus de la capitale. Le pays plonge alors dans une crise profonde qui finit par trouver une solution à Dakar sous l’égide du président sénégalais Abdoulaye Wade, le 18 avril.

L’accord de réconciliation signé par les deux protagonistes avait été ressenti par les supporteurs respectifs comme une «trahison» de leur champion. Mais l’Organisation de l’unité africaine avait apporté sa caution pour l’organisation d’un éventuel référendum de désignation d’un président, si l’un des deux candidats n’obtenait pas la majorité absolue dès le premier tour du scrutin, après un nouveau décompte de la Haute cour constitutionnelle. Marc Ravalomanana, confiant, a pu rassurer son camp de la victoire inévitable alors que Didier Ratsiraka a laissé plusieurs «ténors» de son camp s’exprimer pour dire par avance leur refus de se plier au verdict de la HCC, si la victoire du camp adverse était proclamée dès le premier tour.

La cohésion nationale en péril

«Chose dite chose faite». Dès la proclamation des résultats en faveur de Marc Ravalomanana Jean-Robert Gara, pro-Ratsiraka et gouverneur de la province d’Antsranana, au nord de l’île, annonce qu’il se prépare à «déclarer l’indépendance» de sa province. La promptitude de ses réactions, dès l’annonce de l’accord de Dakar laisse penser qu’il existe une nouvelle stratégie du camp du président sortant. Le donnait déjà des signes avant-coureurs d’une prochaine sécession, en faisant appeler ses collaborateurs et autres élus locaux «ministres» du gouvernement provincial. Aux opérateurs économiques de l’île de Nosy Be, il avait aussi annoncé que les impôts seraient dorénavant levés et utilisés localement. Au sud de l’île la province de Toliara, un autre gouverneur fidèle à Ratsiraka, avait lui aussi menacé de proclamer la sécession de sa province.

L’interdépendance entre les différentes régions de la grande île a poussé les «sécessionnistes» à modérer leur propos. Jean-Robert Gara n’exclut pas de «convoquer une assemblée constituante pour la mise en place de l’Etat fédéral de Madagascar». Un autre élément semble avoir un poids non négligeable dans les différentes prises de position. Selon le nouveau décompte des voix, il semblerait que les populations d’au moins quatre provinces aient donné la victoire à Marc Ravalomanana. Les gouverneurs, fidèles à Didier Ratsiraka risquent alors de s’opposer aux populations qu’ils administrent. Comme leur leader, ils réclament aujourd’hui la tenue d’un référendum en contestant l’autorité de la Haute cour constitutionnelle. On attend dans les prochains jours des initiatives de l’Organisation de l’unité africaine. On se souvient que dès le lendemain de la signature de l’accord de réconciliation signée à Dakar, Amara Essy le secrétaire général de l’OUA était aller à Libreville au Gabon demander au président Omar Bongo de «s’impliquer davantage» et de «donner des conseils» pour l’application de l’Accord de Dakar.

En tout cas pour Marc Ravalomanana, il s’agit maintenant de rétablir la république dans son intégrité territoriale et asseoir son autorité de président élu. A 53 ans (né le 12 décembre 1949), il a déjà démontré ses capacités à pouvoir diriger. A la tête d’une entreprise laitière familiale, il a pu obtenir en 1982 des financements de la Banque mondiale pour engager son développement. Tiko S.A emploie aujourd’hui plus de 5000 personnes directement et est devenu le premier groupe agroalimentaire de Madagascar en diversifiant sa production (produits laitiers, huile de tournesol, de soja, jus de fruits, soda…). Il transforme ses succès dans les affaires en tremplin faire de la politique. En 1999, il est élu maire de la capitale Antananarivo. En 2001 il crée un groupe de radiodiffusion et lance une chaîne de télévision. Ses ambitions grandissent avec sa réussite et le poussent à se présenter à l’élection présidentielle de décembre 2001. Il est aujourd’hui élu et proclamé président de la république, parce que les Malgaches veulent associer l’avenir de leur pays à la réussite de cet homme d’affaires.



par Didier  Samson

Article publié le 29/04/2002