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Comores

Le colonel Azali se déclare vainqueur

Arrivé au pouvoir par un putsch en 1999, le colonel Assoumani Azali n'a pas attendu la proclamation des résultats officiels par la Commission d'homologation électorale pour crier victoire.
Les 56256 votants ayant effectué le déplacement pour se rendre dans les bureaux de vote en Grande Comore se sont tous prononcées en faveur du colonel Azali. Cent pourcent des voix, mais un taux de participation très faible. On dénombre près de cent mille inscrits sur les listes qui n'ont pas voté.

Faute de résultat disponibles sur les autres îles, les observateurs pensent qu'il n'y aurait eu que 10 à 20% de taux de participation au total. Mais les lieutenants de campagne du colonel sont formels. Leur victoire est indiscutable. Lui-même a fait un discours tôt lundi matin sur les ondes de Radio Comores pour saluer ses électeurs.

Le revirement de la commission électorale

Il y a encore deux jours, les militants des différents candidats s'interrogeaient sur la marche à suivre. Les deux concurrents du colonel Azali, Mradabi et Kemal, avaient appelé -sans se retirer- au boycott du scrutin, si la date du 14 avril était maintenue pour ces élections. Ils avaient préconisé un report du second tour de la présidentielle pour permettre de revoir les nombreuses irrégularités relevées sur les listes électorales. La commission électorale (CNEIH) s'était positionné en leur faveur, en décidant de ne pas prendre part à l'organisation du scrutin ce dimanche. Mais au final, elle a considérée que les conditions étaient réunies, malgré les accusations de fraude liées au déroulement du premier tour, pour que l'élection ait lieu.

L'opposition, elle, ne l'entendait pas de cette oreille. Une des principales raisons évoquées : l'accord cadre de Fomboni prévoyait l'élection des présidents des îles, avant celle du président de l'Union, selon la configuration souhaitée pour le nouvel ensemble comorien (NEC). Envisager le contraire, c'était donner la possibilité au candidat élu à la tête de l'Union d'influer sur la suite des événements.

Querelles de pure forme, auraient répondu les représentants de la communauté internationale, chargés d'accompagner le processus de réconciliation nationale jusqu'à son terme. Gilles Desesquelles, représentant de l'Union Européenne s'était ainsi emporté la semaine dernière devant un parterre de journalistes et d'hommes politiques comoriens : «On en a marre, a t-il déclaré, mais il faudrait qu'on en finisse, un jour […] Nous estimons que techniquement et juridiquement toutes les conditions sont réunies. Il n'y a donc pas de raison pour que l'élection ne se tienne pas».

Face aux accusations d'ingérence qui ont suivi, le diplomate a tenu à préciser que le processus électoral était financé par «l'argent du contribuable européen». Il a aussi insisté sur le fait que l'Europe n'avait «aucun intérêt stratégique à défendre» sur place, qu'elle était seulement le besoin de voir naître un «Etat de droit». Une réaction qui a été interprétée comme une volonté manifeste de soutenir Azali. En l'occurrence, celui-ci souhaitait que le second tour ait lieu comme prévu ce 14 avril. Dans les camps adverses, on a donc considéré que cette situation devait servir à le faire gagner.

Au cours du vote, quelques incidents ont éclaté avec bureaux de vote fermés et manifestations de militants mécontents. Mais sans trop de débordements (cinq blessés légers recensés dans la capitale) Tout s'est passé comme si le débat «politique» n’intéressait plus personne. «Les gens sont las, explique un membre de la CNEIH. Ils veulent du concret. Azali ou un autre, c'est du pareil au même. Ils veulent savoir ce que leur apportent véritablement ces nouvelles institutions. Or aucun des candidats n'est arrivé pour l'instant à répondre à cette question». On ne sait surtout pas qui va faire quoi dans le nouvel ensemble constitué. Le partage des tâches entre les différents exécutifs n'a pour l'instant jamais été discuté en termes clairs. Selon l'écrivain Soilih Mohamed Soilih, «il va réellement falloir "bricoler du droit" pour rendre les choses viables du point de vue du fonctionnement des institutions».

Pour l’heure, les Comores sont un pays en panne, à cause notamment des velléités séparatistes de l'île d'Anjouan. L'économie est au point mort. Plus d'un Comorien sur deux vit en dessous du seuil de pauvreté. L'Etat croule sous la dette extérieure : plus de 200 millions de dollars selon la Banque Mondiale. Alors que les cultures de rentes (vanille, ylang ylang, girofle, coprah) qui étaient la principale source de devises du pays ne rapportent plus rien. Seule l'assistance internationale permet aujourd'hui aux Comores de «tenir debout», selon un observateur.



par Soeuf  Elbadawi

Article publié le 16/04/2002