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Liban

Escalade sous contrôle à la frontière israélienne

La tension monte dangereusement au Liban-sud où le Hezbollah et Israël s’affrontent tous les jours depuis le début de l’offensive de Tsahal dans les territoires autonomes palestiniens. Une escalade qui reste sous contrôle pour le moment.
De notre correspondant au Liban

En lançant son infanterie contre une position israélienne dans les fermes de Chébaa, le Hezbollah a fait monter d’un cran la tension au Liban-sud. C’est en effet la première fois depuis le retrait israélien en mai 2000 que le parti islamiste investit et occupe pendant un certain temps un avant-poste israélien lors d’une attaque ressemblant en tout point aux opérations qu’il menait lors de l’occupation du sud.

Les développements sur le terrain, où les attaques du Hezbollah se multiplient depuis douze jours, montrent que le parti de Dieu a décidé de prendre le risque de provoquer une riposte israélienne. Mais malgré les apparences, de nombreux observateurs pensent qu’il ne s’agit là que d’un risque calculé qui ne va pas nécessairement conduire à un embrasement généralisé à la frontière libano-israélienne.

Plusieurs indices plaident en effet en faveur de ce raisonnement. D’abord, l’escalade voulue par le parti de Dieu n’a jamais dépassé les hameaux de Chébaa occupés par Israël et revendiqués par le Liban. C’est ainsi que ces douze derniers jours, le Hezbollah a refusé implicitement de fournir une couverture politique aux groupes palestiniens qui lancent des attaques contre l’Etat hébreu. Cette attitude s’est traduite par une intensification de la chasse à l’homme menée par l’armée libanaise contre ces groupes qualifiés d’«incontrôlés».

Une action limitée au secteur des fermes de Chébaa

Mercredi 8 avril, trois personnes armées de roquettes katioucha ont été arrêtées non loin de la frontière. Elles sont allées rejoindre la dizaine d’autres militants appréhendés par les services de sécurité libanais ces derniers jours et déférés devant le parquet militaire. Ensuite, le Hezbollah évite de s’en prendre aux agglomérations civiles israéliennes, tout en brandissant la menace de représailles massives en cas de riposte israélienne disproportionnée.

L’attitude du Hezbollah est en complète harmonie avec celle du gouvernement libanais lequel assure à qui veut bien l’entendre qu’il ne cherche pas l’escalade tout au long de la «ligne bleue», séparant le Liban d’Israël, mais se réserve le droit de poursuivre la « résistance » pour libérer les fermes de Chébaa.

D’ailleurs, avant de décider de reprendre ses attaques militaires dans la région de Chébaa, la direction du Hezbollah a procédé à de vastes concertations avec des responsables libanais et syriens qui ont été couronnées par une longue rencontre entre le président syrien Bachar el-Assad et le secrétaire général du parti, cheikh Hassan Nasrallah.

Soumis à de fortes pressions de sa base, le Hezbollah ne pouvait pas rester les bras croisés devant ce qui se passe dans les Territoires autonomes palestiniens, sans être accusé de brader le discours politique qu’il tient depuis des années. Le parti a aussi mis à profit la situation actuelle pour tester les défenses israéliennes dans les fermes de Chébaa et les réactions du gouvernement d’Ariel Sharon.

Les projets du Hezbollah convergent une nouvelle fois avec ceux de la Syrie. Damas ne voit pas d’un mauvais œil le réchauffement du front de Chébaa à un moment où l’Administration américaine a décidé de s’investir davantage au Proche-Orient après avoir «laissé faire» les protagonistes depuis l’élection de George Bush. En activant le front de Chébaa, la Syrie rappelle aux Etats-Unis que rien ne peut se faire sans elle et que ses capacités de nuisance demeurent importantes malgré le retrait israélien de mai 2000.

Mais dans ce jeu délicat de violence contrôlée, tout dérapage peut conduire au désastre. Et c’est cela qui inquiète la population civile du Liban-sud.



par Paul  Khalifeh

Article publié le 11/04/2002