Rwanda
Théoneste Bagosora devant la justice internationale
Huit ans presque jour pour jour après le début du génocide rwandais, le procès d’un des principaux instigateurs et planificateurs des massacres a débuté ce mardi 2 avril devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR). Théoneste Bagosora est jugé avec trois autres anciens officiers rwandais.
Deux mois après l’ouverture du procès de Slobodan Milosevic débute celui du «suspect numéro un», dans le génocide rwandais de 1994. L'affaire ne fera sans doute pas la Une de la presse internationale. Les journaux télévisés du monde entier n'ouvriront très probablement pas non plus sur le sujet, comme ce fut le cas pour l’ancien numéro un Yougoslave. Pourtant, Théoneste Bagosora, colonel à la retraite de 61 ans, et directeur de cabinet au ministère de la Défense en avril 1994, est considéré comme l’un des principaux instigateurs et organisateurs du premier génocide reconnu depuis l’holocauste juif. En cent jours, près d’un million de personnes, dans leur grande majorité des Tutsis, mais aussi Hutus modérés, furent méthodiquement massacrés dans des conditions atroces.
Théoneste Bagosora, ainsi que les trois autres anciens officiers rwandais censés comparaître avec lui devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), n’étaient pas présents à l’ouverture de l’audience, ce mardi 2 avril. Et c’est pour la forme qu’il plaide non coupable, tant sont lourdes les charges qui pèsent contre lui : douze chefs d’accusation "d’entente en vue de commettre le génocide, de génocide, de complicité de génocide, d’incitation directe et publique à commettre le génocide, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre".
Plan «machiavélique»
Le 6 avril 1994, l’avion du président Juvénal Habyarimana, dans lequel se trouve également son homologue burundais, est abattu alors qu’il s’apprête à se poser sur l’aéroport de Kigali. Selon le parquet, Bagosora prend alors rapidement, «de facto», le contrôle des affaires politiques et militaires.
Dans la nuit, il préside une réunion «rassemblant principalement des officiers des deux état-majors [armée de terre et gendarmerie», au cours de laquelle il manifeste, avec d’autres hauts gradés, sa volonté de prendre le pouvoir, indique l’acte d’accusation.
D’emblée, il aurait refusé d’associer Agathe Uwilingiyimana, le Premier ministre du gouvernement de transition issu des accords de paix d’Arusha conclus en août 1993 entre le gouvernement hutu et les rebelles, majoritairement tutsis, du Front patriotique rwandais (FPR). Le 7 avril au matin, celle-ci est assassinée par des membres de l’armée rwandaise, de même que dix soldats belges de son escorte. Bagosora en a été, au minimum, informé et ne fait rien pour les secourir. A Kigali, comme dans le reste du pays, le coup d’envoi des massacres est donné.
Or, d’après le parquet, cité par l’agence Hirondelle, depuis la fin 1990 jusqu’à juillet 1994, le colonel en retraite a aussi été l’un des concepteurs du plan «machiavélique» devant aboutir à l’élimination de la population tutsie et de l’opposition hutue modérée. La liste des éléments à charge est longue, très longue. Violemment opposé aux accords d’Arusha d’août 1993, qui devaient mettre fin à la guerre entre le gouvernement hutu et la rébellion du FPR, Bagosora avait ainsi déclaré publiquement que ceux-ci auraient pour conséquence l’extermination des Tutsis. Il aurait en outre déclaré à plusieurs reprises, et notamment le 4 avril 1994, que la solution à la guerre était de faire «sombrer le pays dans l’apocalypse pour éliminer tous les Tutsis et ainsi assurer une paix durable».
Ensuite, d’avril à juillet, c’est lui qui est aux commandes. «De par ses fonctions, ses propos, les ordres qu’il a donnés et ses actes, le colonel Théoneste Bagasora a exercé une autorité sur les membres des Forces armées rwandaises, leurs officiers et des miliciens» qui «ont commis dès le 6 avril des massacres contre la population tutsie et des Hutu modérés qui se sont étendu sur l’ensemble du territoire rwandais à [sa] connaissance», estime le parquet.
Six années se sont toutefois écoulées entre son arrestation, le 9 mars 1996, et son procès. Un délai qui a valu au TPIR, des accusations de lenteurs et d’inefficacité. Exfiltré à la faveur de l’opération militaro-humanitaire française Turquoise, en juillet 1994, Bagasora avait trouvé refuge au Cameroun, avec d’autres responsables du génocide. Il a été transféré à Arusha le 23 janvier 1997. Théoneste Bagosora n’est pas jugé seul.
Trois autres hauts gradés, sur lesquels pèsent, respectivement, une dizaine de chefs d’accusation, doivent également répondre de leur rôle dans les massacres de 1994. Le lieutenant colonel Anatole Nsengiyumva est l’ancien commandant des opérations militaires dans la province de Gisenyi. Dans la nuit du 6 au 7 avril 1994, Théoneste Bagosora se serait entretenu au téléphone avec lui et lui aurait donné l’ordre de commencer les massacres dans cette ville de l’ouest du Rwanda. Le major Aloys Ntabakuze, 48 ans, ancien commandant du bataillon commando de Kigali, a, entre autres, donné l’ordre à ses hommes de «venger la mort du président Habyarimana, en tuant tous les Tutsis». Le général de brigade Gratien Kabiligi, enfin, était commandant des opérations militaires à l’état-major au moment du génocide et avait sous sa responsabilité les unités militaires de quatre secteurs ainsi que les troupes d’élites. Il aurait notamment «encouragé les miliciens qui assassinaient les civils tutsis et a ordonné à ses hommes d’utiliser les Interahamwe [milices extrémistes hutus] aux barrages». Selon le parquet, Kabiligi et le chef d’état-major de l’armée rwandaise, le général Dégratias Nsabimana «ont évoqué devant des officiers de l’armée belge, la possibilité d’éliminer le FPR et les Tutsis dans un court laps de temps».
Théoneste Bagosora, ainsi que les trois autres anciens officiers rwandais censés comparaître avec lui devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), n’étaient pas présents à l’ouverture de l’audience, ce mardi 2 avril. Et c’est pour la forme qu’il plaide non coupable, tant sont lourdes les charges qui pèsent contre lui : douze chefs d’accusation "d’entente en vue de commettre le génocide, de génocide, de complicité de génocide, d’incitation directe et publique à commettre le génocide, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre".
Plan «machiavélique»
Le 6 avril 1994, l’avion du président Juvénal Habyarimana, dans lequel se trouve également son homologue burundais, est abattu alors qu’il s’apprête à se poser sur l’aéroport de Kigali. Selon le parquet, Bagosora prend alors rapidement, «de facto», le contrôle des affaires politiques et militaires.
Dans la nuit, il préside une réunion «rassemblant principalement des officiers des deux état-majors [armée de terre et gendarmerie», au cours de laquelle il manifeste, avec d’autres hauts gradés, sa volonté de prendre le pouvoir, indique l’acte d’accusation.
D’emblée, il aurait refusé d’associer Agathe Uwilingiyimana, le Premier ministre du gouvernement de transition issu des accords de paix d’Arusha conclus en août 1993 entre le gouvernement hutu et les rebelles, majoritairement tutsis, du Front patriotique rwandais (FPR). Le 7 avril au matin, celle-ci est assassinée par des membres de l’armée rwandaise, de même que dix soldats belges de son escorte. Bagosora en a été, au minimum, informé et ne fait rien pour les secourir. A Kigali, comme dans le reste du pays, le coup d’envoi des massacres est donné.
Or, d’après le parquet, cité par l’agence Hirondelle, depuis la fin 1990 jusqu’à juillet 1994, le colonel en retraite a aussi été l’un des concepteurs du plan «machiavélique» devant aboutir à l’élimination de la population tutsie et de l’opposition hutue modérée. La liste des éléments à charge est longue, très longue. Violemment opposé aux accords d’Arusha d’août 1993, qui devaient mettre fin à la guerre entre le gouvernement hutu et la rébellion du FPR, Bagosora avait ainsi déclaré publiquement que ceux-ci auraient pour conséquence l’extermination des Tutsis. Il aurait en outre déclaré à plusieurs reprises, et notamment le 4 avril 1994, que la solution à la guerre était de faire «sombrer le pays dans l’apocalypse pour éliminer tous les Tutsis et ainsi assurer une paix durable».
Ensuite, d’avril à juillet, c’est lui qui est aux commandes. «De par ses fonctions, ses propos, les ordres qu’il a donnés et ses actes, le colonel Théoneste Bagasora a exercé une autorité sur les membres des Forces armées rwandaises, leurs officiers et des miliciens» qui «ont commis dès le 6 avril des massacres contre la population tutsie et des Hutu modérés qui se sont étendu sur l’ensemble du territoire rwandais à [sa] connaissance», estime le parquet.
Six années se sont toutefois écoulées entre son arrestation, le 9 mars 1996, et son procès. Un délai qui a valu au TPIR, des accusations de lenteurs et d’inefficacité. Exfiltré à la faveur de l’opération militaro-humanitaire française Turquoise, en juillet 1994, Bagasora avait trouvé refuge au Cameroun, avec d’autres responsables du génocide. Il a été transféré à Arusha le 23 janvier 1997. Théoneste Bagosora n’est pas jugé seul.
Trois autres hauts gradés, sur lesquels pèsent, respectivement, une dizaine de chefs d’accusation, doivent également répondre de leur rôle dans les massacres de 1994. Le lieutenant colonel Anatole Nsengiyumva est l’ancien commandant des opérations militaires dans la province de Gisenyi. Dans la nuit du 6 au 7 avril 1994, Théoneste Bagosora se serait entretenu au téléphone avec lui et lui aurait donné l’ordre de commencer les massacres dans cette ville de l’ouest du Rwanda. Le major Aloys Ntabakuze, 48 ans, ancien commandant du bataillon commando de Kigali, a, entre autres, donné l’ordre à ses hommes de «venger la mort du président Habyarimana, en tuant tous les Tutsis». Le général de brigade Gratien Kabiligi, enfin, était commandant des opérations militaires à l’état-major au moment du génocide et avait sous sa responsabilité les unités militaires de quatre secteurs ainsi que les troupes d’élites. Il aurait notamment «encouragé les miliciens qui assassinaient les civils tutsis et a ordonné à ses hommes d’utiliser les Interahamwe [milices extrémistes hutus] aux barrages». Selon le parquet, Kabiligi et le chef d’état-major de l’armée rwandaise, le général Dégratias Nsabimana «ont évoqué devant des officiers de l’armée belge, la possibilité d’éliminer le FPR et les Tutsis dans un court laps de temps».
par Christophe Champin
Article publié le 02/04/2002