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Afrique du Sud

Mark Shuttleworth, premier Africain dans l’espace

Images de Mark Shuttleworth en combinaison et en apesanteur, enroulé dans un drapeau sud-africain; interviews de Mark Shuttleworth dans les journaux télévisés du soir sur les raisons de son aventure spatiale; réponses lissées sur «la leçon tirée de la préparation, de l’apprentissage et du travail en équipe» Inconnu dans son propre pays avant son envolée à bord de la navette russe Soyouz, le 25 avril, le second touriste de l’espace après l’Américain Dennis Tito a apporté un soin particulier à son marketing.
De notre correspondante en Afrique du Sud

A 28 ans, ce diplômé de l’École de commerce de l’université du Cap, la ville où il a grandi, passera toute une semaine sur la Station spatiale internationale (SSI), où il tournera 120 fois en orbite autour de la Terre, avant un retour prévu pour le 5 mai. Le «touriste» ne sera pas pour autant en vacances. Il n’aura guère le temps de s’abîmer dans des réflexions philosophiques en essayant de voir le Cap de son hublot. Il s’est en effet livré ces trois derniers mois à une préparation physique et scientifique intensive, afin de participer à des expériences scientifiques à bord de la SSI, encadré par ses deux coéquipiers, le Russe Youri Gidzenko et l’Italien Roberto Vittori, deux cosmonautes chevronnés. Coût de l’opération: vingt millions de dollars sans les frais d’assurances, eux aussi colossaux et payés rubis sur l’ongle. Sans le succès de sa première entreprise, Thawte Consulting, spécialisée dans les systèmes de sécurité sur Internet, Mark Shuttleworth n’aurait sans doute jamais réalisé son rêve d’enfant.
Lancée dans le garage de ses parents en 1995, à la fin de ses études, cette start-up a été revendue trois ans plus tard à Verisign, un groupe américain, pour quelque 575 millions de dollars. Le jeune magnat a réinvesti une partie de ce pactole dans HBD Venture Capital, une société de capital-risque qui vient d’investir dans quatre nouvelles start-up sud-africaines. Il a par ailleurs lancé une fondation qui porte son nom, dans l’objectif de promouvoir les mathématiques et la science auprès des jeunes Sud-Africains.

Suppléments publicitaires

Pas étonnant, dès lors, que le premier «citoyen africain» à visiter l’espace se soit doté d’un site internet bien fourni, www.africaninspace.com. En homme d’affaires avisé, il s’est aussi payé une campagne de publicité à la mesure de ses ambitions et à la hauteur de ses éventuels détracteurs, dans un pays où vingt millions de dollars pourraient permettre de construire des centaines d’écoles ou de sauver des milliers de nourrissons nés avec le virus HIV.
Montrée sous forme de bijoux clinquants de rappeurs et étalée sur des pleines pages de publicité, la formule énigmatique «Hip2b²» (lire en anglais hip to be square, autrement dit: «chouette d’être carré») a voulu faire passer un message simple. «Ce n’est pas toujours bien vu d’être un fort en maths, mais ça peut mener loin», ont martelé des suppléments entiers achetés aux journaux à plus forts tirages du pays, The Sunday Times, The Sowetan, The Star, etc.
La mayonnaise a pris. Le soutien des Sud-Africains s’est avéré enthousiaste. Ni Thabo Mbeki, ni Nelson Mandela n’ont fait de commentaires, mais Jacob Zuma, le vice-président de la République, a lui-même envoyé un message d’encouragement au cosmonaute amateur quelques jours avant son départ. Non sans rappeler qu’à son retour, il serait «attendu» de pied ferme pour transmettre son expérience aux jeunes générations. La seule controverse autour de Mark Shuttleworth, apparue sur Internet, a porté sur le fait qu’il réside depuis quelques mois à Londres comme nombre de Sud-Africains blancs à avoir quitté leur pays ces dernières années.



par Sabine  Cessou

Article publié le 24/04/2002