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Madagascar

Marc Ravalomanana, président élu mais contesté

Le président proclamé par la Haute cour constitutionnelle de Madagascar ne se contente plus d’évoquer seulement sa légitimité obtenue des urnes, il la renforce par la décision de la plus haute juridiction du pays qui fait de lui officiellement le premier magistrat de la république. Il se prévaut également de l’application stricte de l’Accord de Dakar, alors que son adversaire Didier Ratsiraka rejette la décision de la HCC en invoquant plutôt le non respect de l’esprit de l’Accord de Dakar.
Marc Ravalomana n'a aucune intention de renoncer à la présidence de la République, mais il a néanmoins décidé de reporter la cérémonie d'investiture qui était prévue vendredi, selon les déclarations faites par l'un de ses conseillers à l'AFP. L'annonce en a été faite alors qu'une mission de l'OUA (Organisation de l'unité africaine) était attendue sur place pour tenter de trouver une issue pacifique à la crise politique que traverse le pays.

Le point de discorde aujourd’hui, alors qu’il semblait être un compromis de paix, est l’Accord de Dakar qui prévoyait un retour aux institutions de la république, dans lesquelles les protagonistes devaient trouver toutes les solutions aux problèmes qui les opposent. Marc Ravalomanana et Didier Ratsiraka avaient paraphé un texte qui prévoyait le recompte des voix et un référendum si une majorité absolue ne se dégageait pas en faveur d’un candidat. Mais, selon quelques indiscrétions, il serait implicitement entendu que cette hypothèse était retenue comme seule sortie «honorable» de la crise. Certains alinéas de l’accord renforceraient cette idée puisqu’ils prévoient une période de transition politique qui déboucherait sur l’organisation d’un référendum. L’OUA en anticipant cette éventualité avait d’ailleurs apporté sa garantie non seulement pour la transparence et le respect des droits de chacun, mais aussi pour l’organisation matérielle et financière de la consultation.

Un certain embarras a envahi le camp des négociateurs africains, lorsque la Haute cour constitutionnelle malgache a donné des résultats définitifs qui écartent l’hypothèse du référendum. Amara Essy, le secrétaire général de l’OUA, regrette cette décision qui «pourrait porter préjudice à la mise en œuvre de l’accord de Dakar». Un responsable de la division des conflits de l’OUA, Ki Doulaye cité par l’AFP, doutant de la crédibilité de la plus haute juridiction malgache déclare que «tout le monde sait que la Haute cour constitutionnelle est favorable à Marc Ravalomanana». Ces différentes déclarations provenant de l’Organisation de l’unité africaine confortent le camp Didier Ratsiraka dans son rejet des nouveaux résultats, qui réclame à cor et à cri la tenue d’un référendum dans «l’esprit de l’Accord de Dakar». Mais Midi Madagasikara le journal le plus lu de l’île, s’interroge sur la démarche de l’OUA: «s’attendait-elle à ce que la HCC puisse altérer la vérité pour permettre à Ratsiraka d’assouvir ses caprices ?».

La crédibilité des institutions est en cause

Les résultats proclamés par «l’ancienne Haute cour constitutionnelle» dont la composition a été modifiée par le président sortant Didier Ratsiraka, à la veille du scrutin, plaçaient Marc Ravalomanana en ballottage favorable pour un second tour à 46,21% des voix contre 40,89 pour Didier Ratsiraka. Ce dernier se trouve aujourd’hui dans la même position que son adversaire, contestant la «recomposition» de la HCC (retour à la formule d’avant les élections). Didier Ratsiraka, tout comme son adversaire hier, conteste les résultats annoncés par la HCC, qu’il accuse à son tour d’être composée de partisans de Marc Ravalomanana. C’est ainsi qu’on se retrouve dans un nouveau blocage politique, où les uns et les autres ne se reconnaissent aucun pouvoir. Les barrages de routes et l’isolement de la capitale sont maintenus, alors que des menaces de sécession se précisent.

Par ailleurs, la grande inconnue est le comportement de l’armée. Des voix s’élèvent de plus en plus pour demander son arbitrage, mais quelques officiers supérieurs ont publié des communiqués lesquels ils disent représenter au moins 80% des effectifs et se disent «légalistes». Après l’investiture ils feront donc allégeance au nouveau président élu. Cette certitude sur la loyauté de l’armée dans sa grande majorité rassure Marc Ravalomanana qui ne donne pas plus d’importance aux déclarations de sécession de certaines provinces. Le recours à l’armée pour rétablir l’intégrité territoriale est de plus en plus évoqué mais les généraux de l’état major des armées disent clairement «nous sommes pour le règlement pacifique de cette crise, on ne peut pas la régler avec le canon contre des Malgaches». Appelés le «ventre mou de l’armée» ces généraux préfèrent la négociation politique, souvent longue, au règlement «musclé» souvent dramatique pour les pour les populations civiles.



par Didier  Samson

Article publié le 01/05/2002