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France: présidentielle 2002

Jacques Chirac, «bête de meeting»

Le 2 mai au soir à Villepinte, Jacques Chirac a pris des accents gaulliens, lors de son dernier meeting de campagne, pour appeler les électeurs à «choisir massivement l'idéal républicain». Sans jamais nommer son rival, il a dénoncé les «ennemis de la patrie» devant près de 20 000 sympathisants et militants en délire. Reportage
18h30 : les militants commencent à affluer vers le Hall 5B du Parc des exposition de Villepinte (en région parisienne), traditionnellement loués et occupés par des salons professionnels. Un tapis rouge a été spécialement installé pour relier la gare RER au lieu dit du rendez-vous du dernier meeting de Jacques Chirac. Par groupes, rangés derrière une pancarte, des drapeaux bleu-blanc-rouge, ou une bannière portant le nom de leur région, les sympathisants et militants gagnent la place qu’on leur a assignée tout en chantant la Marseillaise. Certains, les plus jeunes, ont les bras rempli de barquettes de frites, de sandwiches et de boissons. Prévoyants, ceux du sud de la France, arrivés en TGV un peu plus tôt dans la journée, ont apporté leurs provisions. Ici et là commencent à s’improviser des discussions enflammées mais courtoises entre les participants. Maël, étudiant à Science Po Paris et chef de section du RPR de cette grande école est motivé et tient ses troupes, un petit groupe d’une vingtaine de personnes. «Je suis venu soutenir Chirac et son projet», déclare-t-il. Un peu plus loin, Gaëlle, 30 ans, cadre en entreprise, est, elle, venue «soutenir une certaine idée de la démocratie et de la France qui n’est pas frileuse». Tous parlent de leur crainte de voir s’installer de nouveau une cohabitation : «Jacques Chirac a un mois pour mettre en place ses principales mesures. Il doit tenir parole, sinon, la déception sera grande. C’est pour cela qu’il faut que la droite gagne également les législatives», assure André, un retraité.

19h30 : les roulements de tambours haussent le ton, des morceaux de trompettes retentissent ici et là, les cornes de brume se font entendre, un orchestre installé sur une estrade, proche de celle où Jacques Chirac prononcera son discours dans un peu plus d’une heure, chauffe la foule en liesse. La fête populaire bat son plein. «I will survive» est entonné par la chanteuse qui fait reprendre le tube disco de Gloria Gaynor, à la foule. L’atmosphère est survoltée. L’orchestre ne s’interrompt qu’au gré des annonces faites par haut parleur et retransmises sur écran géant, avertissant «Cher amis, Madame Michèle Alliot-Marie, la présidente du RPR, vient d’arriver parmi nous». La foule applaudit à tout rompre. A l’applaudimètre, c’est David Douillet, le champion du monde de judo, Alain Juppé, ancien Premier ministre et Nicolas Sarkozy, député-maire de Neuilly-sur-Seine qui remportent les faveurs du public. Les arrivées des personnalités se succèdent : Edouard Balladur, Roselyne Bachelot, Philippe Séguin, Bernard Pons, Françoise de Panafieu, Jean-Louis Debré, Jacques Toubon, Guy Drut. Se sont également déplacés trois candidats du premier tour : Alain Madelin, Corinne Lepage et Christine Boutin. Le monde du spectacle et du sport est aussi représenté : Line Renaud, Rika Zaraï, Philippe Lavil, Yves Duteil, Jean-Luc Lahaye, Henri Leconte, Cédric Pioline.

L’extrémisme «dégrade et salit»

Il est 20h30. Deux écrans géants retransmettent l’interview de Jacques Chirac sur TF1. La foule est attentive. Patrick Poivre d’Arvor lance au président-candidat : «Il n’y avait personne de droite, le 1er mai, dans la rue». Sifflements de la foule. Sébastien, 27 ans, et Pascal, 23 ans, tous deux jeunes cadres, s’insurgent : «Mais si, nous avons été manifesté contre Le Pen pour faire barrage au leader du Front national». Danielle, 66 ans, retraitée, qui n’a pas pu y aller, affirme : «J’y serais bien allée pour montrer que tout le monde était contre le FN et contre la haine». 21h10, le président-candidat arrive en compagnie de son épouse, Bernadette. Accolades, embrassades, le bain de foule commence, il durera près d’un quart d’heure. Salutations et bises sont aussi distribuées au ténors et barons du carré VIP. Arrivé devant Nicolas Sarkozy, pressenti comme futur Premier ministre, en cas de victoire de Jacques Chirac, la foule guette. L’accolade sera-t-elle plus appuyée ? Non. Le président sortant ne s’attarde pas. Le discours d’un peu plus d’une heure de Jacques Chirac peut maintenant commencer.

Vêtu d’un costume sombre, d’une chemise bleu pale et d’une cravate à motifs rouges, Jacques Chirac s’est fait le procureur sans merci de l’extrémisme qui «dégrade et salit», et le chantre d’une France «généreuse et dynamique». Sans jamais prononcer le nom de Jean-Marie Le Pen, il a classé son adversaire parmi «ces dirigeants qui assument sans fard et parfois avec arrogance, un passé de honte, de lâcheté, de compromission et de trahison». En hommage aux défilés organisés, le 1er mai, et auxquels son camp n’avait pas appelé à participer, Jacques Chirac a lancé : «cet élan démocratique ne restera pas sans lendemain. Ils nous oblige tous. Et il oblige d’abord les responsables politiques à être à la hauteur des exigences d’un grand peuple». Ensuite, il a plaidé avec ardeur pour l’Europe. Afin de prouver cette «volonté déterminée d’action», il a égrené les premières mesures qui seront prises dès le lendemain de son élection : rétablissement de la sécurité en France avec la nomination d’un ministre chargé de la Sécurité publique, baisse de 5% des impôts dès septembre prochain… etc. Au terme de son discours, scandé par de nombreux applaudissements, les quelque 20 000 personnes entonnent la Marseillaise. Pour son huitième et dernier meeting, Jacques Chirac a réussi son pari en remplissant pratiquement le plus grand hall du Parc des expositions : 84 mètres de large et 300 mètres de long. Reste maintenant au chef de l’Etat à attendre le résultat sorti des urnes, le 5 mai.



par Clarisse  Vernhes

Article publié le 03/05/2002