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France: présidentielle 2002

Le combat de deux hommes

Le 22 avril, la France s’est réveillée, abasourdie, groggy, au lendemain du séisme électoral du premier tour de la présidentielle, qui a englouti le candidat socialiste, Lionel Jospin (16,18%), laissant face à face pour le second tour, Jacques Chirac et Jean-Marie Le Pen, les deux ennemis politiques de toujours. Un scénario que personne n’avait envisagé.
Contre toute attente, le 21 avril a vu se dessiner un scénario inédit et inattendu. Au terme d'un premier tour aux allures de cataclysme politique, Jacques Chirac (19,88%) affronte Jean-Marie Le Pen (16,86%) au second tour, le 5 mai. C'est la première fois qu'une formation d'extrême droite se trouve représentée au second tour d’un scrutin présidentiel. C'est aussi le plus fort taux d'abstention (28,40%) que l'on ait connu jusqu’ici pour cette élection. C'est également la seconde fois que la gauche est éliminée, la première étant intervenue en 1969 avec le duel Georges Pompidou-Alain Poher. C'est encore le fait sans précédent d'un Premier ministre-candidat qui annonce dès les résultats du premier tour son retrait de la vie politique.

Un scénario d'autant plus surprenant qu'il n'avait pas été annoncé par les instituts de sondages qui donnaient tous comme évident l'affrontement Chirac-Jospin au second tour où leurs scores étaient prévus pour être très serrés. A ce moment là, seul Jean-Marie Le Pen jubile. Il va vivre l’un de ses rêves. A 73 ans, le dirigeant du Front national (FN) se retrouve au lendemain du premier tour sur un pied d’égalité avec le président sortant et, au soir de sa vie politique, va enfin affronter directement Jacques Chirac, son ennemi juré. Certes, l’objectif martelé sans relâche de battre le président-candidat semblait voué à l’échec, mais au terme d’une carrière politique de plus de 45 ans et de la quinzaine de jours qui séparait les deux tours de scrutin, Jean-Marie Le Pen s’est offert une bonne dose de revanche : un affrontement comme il les aime mais sans point d’orgue, car le traditionnel débat télévisé entre les deux adversaires n’a pas eu lieu ; Jacques Chirac l’ayant refusé.

Le sursaut démocratique et républicain

Pendant toute la campagne électorale, Jacques Chirac, qui a refusé la main tendue, qui a qualifié en 1998 le FN de «raciste et xénophobe», a été l’adversaire à abattre. Faute de pouvoir s’allier avec le chef de la droite, il convenait pour Jean-Marie Le Pen d’attaquer Jacques Chirac pour démolir son assise et lui prendre des voix. Sa stratégie de second tour, le leader de l’extrême droite l’a dessinée, le 21 avril, au soir. «Candidat du peuple contre le candidat du système», selon les termes de ses lieutenants, il sera le candidat des «petits, des sans-grade, des exclus», c’est-à-dire les ouvriers, les agriculteurs…etc «acculés à la ruine», les «victimes de l’insécurité». Par la suite, il multipliera sa présence dans les médias qu’il semble préférer aux meetings : il n’en a tenu qu’un à Marseille, le 2 mai.

Depuis le 21 avril, le défi a été sérieux pour Jacques Chirac, quasiment assuré d’un score plus qu’honorable au second tour, mais qui a dû, pendant quinze jours, incarner les valeurs républicaines contre l’extrême droite sans démobiliser ses partisans, tout en séduisant les électeurs de gauche. Au soir du premier tour, le président sortant a pris acte des résultats avec retenue, appelant les Français à se rassembler pour un «sursaut démocratique», afin de «défendre les droits de l’Homme», «garantir la cohésion de la Nation», «affirmer l’unité de la République», «restaurer l’autorité de l’Etat». Durant toute la campagne de l’entre-deux tours, Jacques Chirac est resté prudent et ne s’est pas hasardé à des pronostics sur son futur score. Il n’a eu de cesse d’appeler les Français à se rassembler «pour défendre l’idéal républicain» contre «les vieux démons de la tentation extrémiste». Sans jamais prononcer le nom de son adversaire politique de toujours, Jacques Chirac a dénoncé, dans tous ses meetings, les idées du Front national.




par Clarisse  Vernhes

Article publié le 03/05/2002