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Pakistan

Musharraf plébiscité sur fond de fraude

Participation faible, scrutin marqué par de graves irrégularités, l’issue du referendum organisé par le chef de l'Etat pakistanais ne fait aucun doute: Pervez Musharraf recueillera une forte majorité. Les partis d’opposition avaient appelé au boycott du scrutin.
De notre correspondant régional à New-Dehli

Chemise jaune et large sourire, le président pakistanais Pervez Musharraf affichait mardi un moral de vainqueur après avoir déposé son bulletin dans l’urne à l’occasion du référendum dont l’issue est son maintien au pouvoir pour les cinq prochaines années. «Ceux qui me critiquent n’ont pas le soutien du peuple. Je suis sûr de l’emporter», a déclaré Pervez Musharraf, ironisant ainsi sur l’appel au boycott lancé par les partis d’opposition. Ces derniers refusaient de se faire les complices d’un processus visant uniquement à donner un vernis démocratique au maintien à la tête de l’Etat d’un homme arrivé au pouvoir après un coup d’Etat (le 12 octobre 1999) et qui s’est autoproclamé président en juin dernier.

Aussi important soit-il, l’enjeu de la consultation ne semble pas avoir mobilisé les foules. Si dans les grandes villes du Pakistan, les électeurs ont dû faire la queue assez longtemps avant de pouvoir voter, il n’en a pas été de même dans les bourgades et villages où vit la majorité de la population. Dans les régions frontalières de l’Afghanistan, les bureaux de vote sont aussi restés déserts. Au total la participation ne devrait pas dépasser 25%.

Un étudiant reconnaît avoir voté huit fois

Comme le craignait l’opposition, le scrutin a, semble-t-il, été marqué par de graves irrégularités : fonctionnaires obligés de voter en faveur de Pervez Musharraf, urnes bourrées à l’avance, votes multiples et sans contrôle… Ainsi un étudiant d’Islamabad a reconnu avoir voté huit fois sans être inquiété. L’absence de listes électorales rendait certes la fraude facile. Reste que ceux qui se sont exprimés ont probablement approuvé le maintien au pouvoir pour cinq ans encore de Pervez Musharraf. Les autres ont boycotté le scrutin. Beaucoup aussi, jugeant le jeu couru d’avance, n’ont pas jugé utile de se déplacer.

Le général-président n’est donc pas prêt d’abandonner les rênes du Pakistan. Au lendemain du coup d’Etat, il avait pourtant assuré n’avoir aucun goût pour le pouvoir, mais être juste motivé par le désir de remettre sur les rails un pays miné par la corruption, les violences inter-communautaires et menacé de faillite. Aujourd’hui pourtant il adopte la même stratégie que le général Zia Ul-Haq, dictateur de sinistre mémoire, qui lui aussi arrivée au pouvoir par un coup d’Etat, avait cherché la légitimité populaire par un référendum.

La date de la consultation ne doit rien au hasard. Les réformes économiques libérales initiées par Pervez Musharraf –sous les conseils pressants des institutions financières internationales- semblent porter leurs fruits. Au moment où la tension est très vive entre l’Inde et le Pakistan, Pervez Musharraf –ancien «patron» d’unités de combat, au verbe ferme mais partisan du dialogue- rassure. Il bénéficie de la confiance de la population et on voit mal qui pourrait le remplacer dans l’immédiat. De même, en organisant maintenant un référendum, le leader pakistanais prend de vitesse les partis fondamentalistes encore sous le choc de la chute des Talibans, et qui –même s’ils sont peu représentatifs- ont habituellement une forte capacité de mobilisation.

Enfin le choix pro-américain de Pervez Musharraf lors du récent conflit afghan lui vaut le soutien de Washington qui voit en lui un facteur de stabilité dans la région. Même si Pervez Musharraf n’a qu’un intérêt limité pour la démocratie. En octobre prochain, la junte militaire au pouvoir à Islamabad devra céder la place à un gouvernement civil conformément à l’ordre de la Cour suprême d’Islamabad. Mais Pervez Musharraf conservera son poste de président, et l’armée restera donc toute puissante en coulisse. Une situation certes fréquente dans la courte histoire du Pakistan.



par Jean  Piel

Article publié le 01/05/2002