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Pakistan

Pourquoi la France ?

A Paris, les responsables s’interrogent pour savoir si c’est la France, en tant que telle, qui était visée.
La démonstration n’est pas faite qu’à travers l’attentat de Karachi, c’est la France, en tant que telle, pour ce qu’elle représente sur les plans politique, diplomatique, militaire et économique, qui a été visée. Mais à l’évidence, compte tenu du choix de la cible et de sa qualité dans le contexte régional, l’hypothèse ne peut être simplement écartée.

Même si les nations du Vieux continent ont des relations internationales une approche moins unilatéraliste et manichéenne que les Etats-Unis, la solidarité entre les deux bords de l’Atlantique s’est manifestée sans réserve au lendemain de l’attaque du 11 septembre contre l’Amérique. La France, déjà forte d’une identité marquée par la sympathie à l’égard de l’Alliance du nord du feu commandant Massoud, a pris sa part dans la compassion et les manifestations de solidarité. Elle a offert une aide concrète, tant logistique au niveau de l’enquête que matériel sur le plan militaire. Elle s’est inscrite concrètement dans la logique américaine de la «croisade contre le terrorisme» en fournissant au corps expéditionnaire international des soldats et des armes. Et même si, dans un premier temps, la précipitation a révélé quelques faiblesses dans la coordination des forces et l’attribution des missions, aucun doute n’est permis: cette présence, bien que plus discrète et peut être moins déterminante que celle des Britanniques sur le terrain, n’en fut pas moins loyale et dévouée. C’est un premier point: à quelques nuances près, elle est résolument l’alliée des Etats-Unis.

L’influence de la France

D’autre part elle n’eut pas à se faire violence pour soutenir Islamabad, comme le demandaient les Etats-Unis auprès de leurs alliés. D’une certaine manière on peut dire qu’elle a anticipé le mouvement visant à conforter la stabilité du Pakistan, dans l’intérêt bien compris de chacun et bien qu’Islamabad soit considérée comme infréquentable par nombre de pays. Le Pakistan est en effet, de longue date, un partenaire privilégié de la France. Les relations bilatérales entre les deux pays reposent notamment sur une coopération militaire remontant aux années 60. Pour soutenir l’effort de guerre militaire pakistanais contre l’Inde, la France a vendu des avions de type Mirage III et V, toujours en service aux côtés des F16 américains, et lui a fourni des sous-marins, dont les victimes de l’attentat de mercredi participaient au montage de la dernière génération, les Agosta, transfert de technologie à l’appui.

Au lendemain de l’attaque anti-américaine du 11 septembre 2001 Paris est donc apparue comme l’une des pièces diplomatiques maîtresses de la crise. De fait la France n’a pas ménagé ses efforts pour légitimer devant les instances internationales un régime à la réputation ternie par sa corruption incontrôlable et sa contribution substantielle au développement de l’islamisme radical dans le monde et en particulier en Afghanistan. Certes ce n’est pas Paris qui a débloqué à elle toute seule les six milliards de dollars d’aide perçus par le Pakistan dans les trois mois qui ont suivi les attentats du 11 septembre. Mais la France a usé de son influence tant auprès du Fonds monétaire international ou du Club de Paris, sous présidence française, que de l’Union européenne pour préserver la stabilité du Pakistan, devenu incontournable sur l’échiquier régional.

Toutes ces raisons feraient de la France une bonne cible pour les radicaux de tous poils qui veulent faire payer cher aux alliés de l’Amérique leur engagement auprès d’elle. Mais en même temps, si la cible est incontestablement française et ce sont bien des intérêts français qui ont été visés, l’objectif atteint en un seul attentat (des étrangers, occidentaux, coopérants militaires, alliés de l’Amérique engagés dans une croisade contre l’islamisme radical) regroupe pratiquement toutes les hypothèses possibles sur l’identité de ses auteurs. D’autant que la piste indienne n’est toujours pas formellement écartée. L’Agosta n’est pas un sous-marin nucléaire d’attaque, mais il dispose d’un arsenal et d’une technologie suffisamment sophistiquée pour en faire une véritable menace pour New Delhi.



par Georges  Abou

Article publié le 10/05/2002