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Madagascar

Un Dakar II pour sortir de la crise?

Pour essayer de résoudre la crise malgache, le président sénégalais ré-invite à Dakar les deux protagonistes, Marc Ravalomanana et Didier Ratsiraka. Ce nouveau tête-à-tête est théoriquement prévu les 13 et 14 mai prochains. Mais la tenue de cette rencontre est loin d’être acquise.
De notre correspondant à Madagascar

Le président sénégalais Abdoulaye Wade n’avait peut être pas réalisé qu’en proposant une rencontre les 13 et 14 mai prochains, il se heurterait à un problème de date pour ses invités malgaches. Le 13 mai est en effet une date importante dans l’histoire politique de la Grande Ile. Elle correspond au soulèvement populaire de 1972. Le 13 mai de cette année 1972, les forces de l’ordre tiraient sur la foule des manifestants dans le centre-ville de la capitale, faisant au moins plusieurs dizaines de morts. Chaque année, des cérémonies de commémoration sont organisées, et cette année encore plus, puisque c’est le 30ème anniversaire. Or, Marc Ravalomanana a prévu, depuis longtemps, d’assister à ces cérémonies. Et visiblement, dans son entourage, on imagine mal que le nouveau président de la République puisse se trouver ailleurs qu’à Antananarivo ce jour-là.

Ensuite, au-delà de la date, se pose une question purement protocolaire, mais ô combien symbolique : à quel titre sont invités les deux protagonistes ? Didier Ratsiraka se considère toujours comme l’unique chef de l’Etat. A ses yeux, l’investiture de son rival au poste de président de la République s’apparente à un «coup d’Etat». Marc Ravalomanana a officiellement prêté serment lundi dernier, devenant ainsi «légitimement et légalement» président, comme le soulignent ses nombreux partisans. D’ailleurs, il a prévenu clairement qu’il n’ira pas à Dakar s’il n’est pas invité en tant que président. Les organisateurs de cette rencontre vont donc devoir faire preuve de diplomatie dans la rédaction formelle des invitations.

A condition que les barrages soient levés

Enfin, la tenue de ce «Dakar II», comme on l’appelle ici, est suspendue à la question des barrages érigés depuis plus de deux mois en province. Marc Ravalomanana pose comme condition impérative, pour aller au Sénégal, la levée de ces barrages qui asphyxient la capitale. Cela figurait déjà dans l’accord signé le 18 avril dernier par les deux protagonistes. Mais cette clause n’a pas été respectée par le camp Ratsiraka, et ce, malgré les pressions exercées par la communauté internationale. «Les pressions internationales sont bien insuffisantes,» déplore cette habitante de la capitale. Et comme beaucoup de Tananariviens, elle accuse à la fois Didier Ratsiraka de ne pas tenir l’engagement pris à Dakar, et les pays étrangers de «ménager l’Amiral».

Pour les partisans de Didier Ratsiraka, le maintien de ces barrages, à Brickaville, à Toliara ou à Mahajanga, constituent quasiment leur seul moyen de pression sur le camp Ravalomanana. Même si cela ruine l’économie du pays. Même si cela a de lourdes conséquences humanitaires sur les populations. «Ces barrages, c’est du terrorisme», s’indigne un employé malgache d’une organisation non-gouvernementale basée dans la capitale. Mais pour ce conseiller de Didier Ratsiraka, cité par l’AFP, «si on lève les barrages sans garanties, nous n'avons plus qu'à faire nos valises.» Marc Ravalomanana a donc posé ses exigences. D’après un de ses proches, «il a fait suffisamment de concessions jusqu’à présent». Et un autre, Norbert Ratsirahonana, d’ajouter : «Je me demande à quoi pourrait servir une telle rencontre (à Dakar), à moins de négocier une sortie honorable de Didier Ratsiraka.» «Dakar II» aura-t-il lieu? Didier Ratsiraka fera-t-il les gestes préalables, exigés par son rival? Marc Ravalomanana, s’il accepte d’y aller, parviendra-t-il à convaincre ses partisans les plus radicaux pour qui «ces nouvelles négociations ne servent à rien»? Autant de questions aujourd’hui toujours en suspens.



par Olivier  Péguy

Article publié le 11/05/2002