Serbie
L’indépendance de la Serbie avant celle du Monténégro ?
Plusieurs formations nationalistes serbes viennent de lancer une campagne pour l’indépendance de la Serbie, qui inquiète les autres composantes de la nouvelle majorité. L’écho réel remporté par cette initiative pourrait remettre en cause la nouvelle «Union de Serbie et du Monténégro», censée remplacer la Yougoslavie. En tout cas, elle fait les délices des indépendantistes monténégrins.
De notre correspondant à Belgrade
Depuis le début du printemps, les murs de Belgrade sont couverts de grandes affiches proclamant «pour une Serbie indépendante». La campagne a été lancée par le Parti démocrate-chrétien serbe (SDHS) du ministre de la Justice Vladan Batic. Depuis quelques jours, la campagne a pris un nouvel élan, avec la collecte de signatures pour l’organisation d’un référendum d’autodétermination. Le 8 mai, le Vladan Batic a annoncé que «plus de 100 000 signatures avaient déjà été collectées». D’après la loi, ce nombre suffit pour que le Parlement soit obligé d’examiner la requête d’un référendum. Et le ministre de la Justice, d’annoncer, menaçant : «si le Parlement rejette une pétition signée par 300 000 personnes, il faudra qu’il explique pourquoi il ne veut pas que le peuple puisse décider de l’avenir de la Serbie».
Cette initiative a suscité une bourrasque dans les rangs de la DOS, la nouvelle majorité serbe dont le Parti démocrate-chrétien est l’un des membres fondateurs. Le Premier ministre, Zoran Djindjic, a estimé que «l’initiative était anticonstitutionnelle», tandis que plusieurs ténors du gouvernement estimaient qu’un référendum remettrait en cause les engagements internationaux de la Serbie, et notamment l’accord de mars dernier créant une Union de Serbie et du Monténégro, en remplacement de la Fédération yougoslave. Cet accord a été obtenu à l’arraché par les médiateurs européens, et les milieux gouvernementaux de Belgrade font savoir que Vladan Batic pourrait être «prochainement» convoqué par Javier Solana, le responsable de la politique étrangère européenne.
La réaction des proches de Zoran Djindjic est d’autant plus violente que le thème est sensible. Sans soutenir l’initiative de Vladan Batic, certains poids lourds du courant réformiste de la DOS n’ont jamais caché que la nouvelle Union risquait d’être une cote mal taillée, et qu’il serait plus simple d’engager les politiques de réforme dans une Serbie indépendante. L’opinion publique, elle, est surtout lasse des éternels débats sur la nature de l’État. Le poids démesuré des Monténégrins dans les institutions communes est aussi un facteur permanent d’énervement en Serbie. Beaucoup de Belgradois sont partagés entre l’attachement traditionnel à l’État fédéral, et l’idée qu’il vaudrait mieux «se débarrasser une bonne fois pour toutes des Monténégrins». Les arguments économiques, en effet, ne plaident guère en faveur de l’État commun. Le débouché maritime que représente le Monténégro est largement illusoire, tant les installations sont insuffisantes, et les voies de communication mauvaise, tandis que la transformation de la Yougoslavie en Union de Serbie et du Monténégro ne va guère alléger une administration incohérente et pléthorique.
Des conséquences régionales étonnantes
Vladan Batic met en avant un argument de poids : jamais la Serbie n’a été consultée sur son adhésion à la Yougoslavie, tandis qu’un référendum avait été organisé au Monténégro en 1992. «La Serbie a gagné la Première Guerre mondiale, et créé un État commun des Slaves du sud, sous la houlette des rois de Serbie. Depuis 1945, jamais le peuple serbe n’a été consulté», explique un militant du SDHS, en récoltant des signatures pour le référendum dans une rue centrale de Belgrade. Vladan Batic est un monarchiste déclaré et convaincu, et la campagne pour l’indépendance de la Serbie touche au premier chef une frange nationaliste de l’opinion, qui reste persuadée que «la Yougoslavie est la plus grande catastrophe historique qu’ait connue le peuple serbe», selon la formule que le romancier Dobrica Cosic prête à l’un de ses personnages. Alors que Zoran Djindjic a dénoncé vivement la campagne initiée par Vladan Batic, le président fédéral Vojislav Kostunica est resté en retrait dans la polémique. Il est vrai qu’il partage beaucoup des convictions de son ami Batic, étant comme lui nationaliste, monarchiste, profondément attaché à l’Église orthodoxe serbe et intellectuellement opposé à la Yougoslavie.
En faisant un peu de politique-fiction, une éventuelle indépendance de la Serbie aurait des conséquences régionales étonnantes. Le leader des autonomistes de Voïvodine, Dragan Veselinov, a fermement condamné l’initiative de Vladan Batic, en rappelant que la province autonome voulait rester au sein de la Serbie, mais à la condition que «la Serbie soit la route qui mène à l’intégration européenne». En même temps, Dragan Veselinov a rappelé quelles devaient être les tâches urgentes du Parlement de Voïvodine : l’adoption d’un drapeau et d’un hymne… Surtout, si la Serbie proclamait son indépendance, le Monténégro se retrouverait ipso facto héritier de l’État yougoslave, c’est-à-dire que sa souveraineté s’étendrait également au Kosovo… Plus sérieusement, le président monténégrin Milo Djukanovic n’a pas manqué de saluer l’initiative de Vladan Batic, et beaucoup de Monténégrins indépendantistes sont convaincus que l’indépendance de leur pays ne pourra jamais se décider qu’à Belgrade.
Depuis le début du printemps, les murs de Belgrade sont couverts de grandes affiches proclamant «pour une Serbie indépendante». La campagne a été lancée par le Parti démocrate-chrétien serbe (SDHS) du ministre de la Justice Vladan Batic. Depuis quelques jours, la campagne a pris un nouvel élan, avec la collecte de signatures pour l’organisation d’un référendum d’autodétermination. Le 8 mai, le Vladan Batic a annoncé que «plus de 100 000 signatures avaient déjà été collectées». D’après la loi, ce nombre suffit pour que le Parlement soit obligé d’examiner la requête d’un référendum. Et le ministre de la Justice, d’annoncer, menaçant : «si le Parlement rejette une pétition signée par 300 000 personnes, il faudra qu’il explique pourquoi il ne veut pas que le peuple puisse décider de l’avenir de la Serbie».
Cette initiative a suscité une bourrasque dans les rangs de la DOS, la nouvelle majorité serbe dont le Parti démocrate-chrétien est l’un des membres fondateurs. Le Premier ministre, Zoran Djindjic, a estimé que «l’initiative était anticonstitutionnelle», tandis que plusieurs ténors du gouvernement estimaient qu’un référendum remettrait en cause les engagements internationaux de la Serbie, et notamment l’accord de mars dernier créant une Union de Serbie et du Monténégro, en remplacement de la Fédération yougoslave. Cet accord a été obtenu à l’arraché par les médiateurs européens, et les milieux gouvernementaux de Belgrade font savoir que Vladan Batic pourrait être «prochainement» convoqué par Javier Solana, le responsable de la politique étrangère européenne.
La réaction des proches de Zoran Djindjic est d’autant plus violente que le thème est sensible. Sans soutenir l’initiative de Vladan Batic, certains poids lourds du courant réformiste de la DOS n’ont jamais caché que la nouvelle Union risquait d’être une cote mal taillée, et qu’il serait plus simple d’engager les politiques de réforme dans une Serbie indépendante. L’opinion publique, elle, est surtout lasse des éternels débats sur la nature de l’État. Le poids démesuré des Monténégrins dans les institutions communes est aussi un facteur permanent d’énervement en Serbie. Beaucoup de Belgradois sont partagés entre l’attachement traditionnel à l’État fédéral, et l’idée qu’il vaudrait mieux «se débarrasser une bonne fois pour toutes des Monténégrins». Les arguments économiques, en effet, ne plaident guère en faveur de l’État commun. Le débouché maritime que représente le Monténégro est largement illusoire, tant les installations sont insuffisantes, et les voies de communication mauvaise, tandis que la transformation de la Yougoslavie en Union de Serbie et du Monténégro ne va guère alléger une administration incohérente et pléthorique.
Des conséquences régionales étonnantes
Vladan Batic met en avant un argument de poids : jamais la Serbie n’a été consultée sur son adhésion à la Yougoslavie, tandis qu’un référendum avait été organisé au Monténégro en 1992. «La Serbie a gagné la Première Guerre mondiale, et créé un État commun des Slaves du sud, sous la houlette des rois de Serbie. Depuis 1945, jamais le peuple serbe n’a été consulté», explique un militant du SDHS, en récoltant des signatures pour le référendum dans une rue centrale de Belgrade. Vladan Batic est un monarchiste déclaré et convaincu, et la campagne pour l’indépendance de la Serbie touche au premier chef une frange nationaliste de l’opinion, qui reste persuadée que «la Yougoslavie est la plus grande catastrophe historique qu’ait connue le peuple serbe», selon la formule que le romancier Dobrica Cosic prête à l’un de ses personnages. Alors que Zoran Djindjic a dénoncé vivement la campagne initiée par Vladan Batic, le président fédéral Vojislav Kostunica est resté en retrait dans la polémique. Il est vrai qu’il partage beaucoup des convictions de son ami Batic, étant comme lui nationaliste, monarchiste, profondément attaché à l’Église orthodoxe serbe et intellectuellement opposé à la Yougoslavie.
En faisant un peu de politique-fiction, une éventuelle indépendance de la Serbie aurait des conséquences régionales étonnantes. Le leader des autonomistes de Voïvodine, Dragan Veselinov, a fermement condamné l’initiative de Vladan Batic, en rappelant que la province autonome voulait rester au sein de la Serbie, mais à la condition que «la Serbie soit la route qui mène à l’intégration européenne». En même temps, Dragan Veselinov a rappelé quelles devaient être les tâches urgentes du Parlement de Voïvodine : l’adoption d’un drapeau et d’un hymne… Surtout, si la Serbie proclamait son indépendance, le Monténégro se retrouverait ipso facto héritier de l’État yougoslave, c’est-à-dire que sa souveraineté s’étendrait également au Kosovo… Plus sérieusement, le président monténégrin Milo Djukanovic n’a pas manqué de saluer l’initiative de Vladan Batic, et beaucoup de Monténégrins indépendantistes sont convaincus que l’indépendance de leur pays ne pourra jamais se décider qu’à Belgrade.
par Jean-Arnault Dérens
Article publié le 08/05/2002