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Madagascar

Risque de crise humanitaire

A Madagascar, la crise politique est loin d’être résolue. Les barrages érigés en province continuent de paralyser le pays. L’économie malgache est en train de sombrer. Et cette situation commence à avoir de sérieuses conséquences humanitaires.
De notre correspondant à Madagascar

L’histoire est tristement ordinaire, aujourd’hui à Madagascar. Imaginez une famille, avec 4 enfants en bas âge. Le père travaillait dans une entreprise textile en zone franche. A cause de la crise politique, l’entreprise a fermé ses portes. L’homme a été licencié. Il ne roulait pas sur l’or, loin de là. Juste 300 000 francs malgaches par mois (environ 45 euros). Mais du jour au lendemain: plus de salaires, plus de couverture médicale, pas d’indemnités. Aujourd’hui, il a trouvé un petit boulot, informel. Il est réparateur de vélos. Sa femme gagne un peu d’argent en faisant des lessives.

Depuis le début de la crise, il a fallu se serrer la ceinture. Les rations alimentaires ont diminué. A cause des barrages, les prix de certains produits de première nécessité ont augmenté. Certaines organisations non gouvernementales s’alarment déjà d’un possible risque de malnutrition, dans les couches de population les plus défavorisées, notamment chez les enfants. La famille évoquée dans cette histoire n’était pas considérée comme «vulnérable», selon la terminologie employée dans les études statistiques. Elle l’est devenue, comme des milliers d’autres, à Madagascar.

Dans ces conditions, malheur à celui qui tombe malade. «Les gens n’ont plus les moyens de venir, explique le Dr Marc Forrler, chef du service des urgences à l’hôpital de Soavinandriana. Ils n’ont plus les moyens de payer les frais médicaux. Donc ils sont très réticents à l’idée de venir à l’hôpital. Et quand ils arrivent, ils sont dans des états vraiment catastrophiques: des états terminaux, pré-mortem. D’où une surmortalité constatée dans le service de urgences.» De plus, dans cet hôpital de la capitale, comme dans tous les dispensaires et les officines du pays, se pose de manière plus ou moins récurrente, le problème de l’approvisionnement en médicaments. En raison des barrages érigés en province, certains containers se trouvent bloqués dans le port de Toamasina (côte Est de Madagascar). Ponctuellement, des aides extérieures (sous forme de dons) arrivent à Madagascar, par voie aérienne.

Principale menace: la pénurie totale de carburant

Mais ce que les experts craignent le plus aujourd’hui, c’est la pénurie totale de carburant. D’abord, cela voudrait dire: plus de moyens de transport pour distribuer dans tout le pays, les produits agricoles, le riz notamment. Et surtout, cela entraînerait l’arrêt de la production d’électricité (une partie de l’électricité est produite grâce à ces centrales thermiques). Une des conséquences tragiques serait alors l’impossibilité d’utiliser les pompes qui distribuent l’eau courante. Ajoutez à cela, le fait que les camions-poubelles circulent de moins en moins, en raison de la pénurie d’essence… «Il pourrait y avoir un risque de choléra, explique le représentant d’une agence des Nations unies. Aujourd’hui, la situation générale sur le plan sanitaire n’est pas catastrophique, mais elle est critique.» Un avis confirmé par le docteur Robert Villeneuve. Il préside l’association Girard et Robic, qui travaille dans le domaine de la santé: «les effets pervers commencent déjà à être perçus. D’ici un mois, ils seront nettement aggravés. Et je pense que, quand tout sera revenu à la normale (au niveau politique, NDLR), cette situation mettra plus d’une année à se résorber».

Dans l’immédiat, les représentants des bailleurs de fonds et des ONG sont en train de mettre en place un plan de contingence. A demi-mot, on évoque aussi la possibilité d’ouvrir un couloir humanitaire, notamment pour approvisionner la capitale en carburant. Au cas où…



par Olivier  Péguy

Article publié le 17/05/2002