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Congo démocratique

Mutinerie au sein du RCD à Kisangani

La mutinerie, du 14 mai menée par des soldats du RCD (Rassemblement congolais pour la démocratie), mouvement rebelle, relance le débat récurrent sur la présence des Rwandais dans l’est du Congo. En toile de fond, elle apparaît comme une des conséquences de l’échec du dialogue inter congolais.
La mutinerie éclate, le 14 mai au sein de la 7ème brigade du RCD qui contrôle la ville de Kisangani. Très tôt le matin des soldats occupent la radio (RTNC) diffusant des messages d’appel à l’insurrection contre «l’occupant rwandais». Les mutins annoncent également qu’ils occupent l’aéroport et attendent des renforts de Kinshasa. Cet appel au soulèvement contre les Rwandais s’est soldé par la mort d’une dizaine de Tutsis congolais appelés «Rwandais». Mais en fin de matinée, les soldats restés fidèles à la présidence du mouvement basée à Goma, reprennent la situation en main, après quelques combats à Mangobo, une commune de Kisangani. Il y aurait une vingtaine de morts selon, Moïse Nyarugabo, le président intérimaire du RCD, immédiatement détaché de Goma pour superviser les opérations à Kisangani.

Les autorités de Kinshasa ont présenté la mutinerie au sein des détachements militaires du RCD, à Kisangani comme une exaspération des «Congolais» face à l’occupation «rwandaise». En effet, le RCD est un mouvement rebelle soutenu par le Rwanda dans le conflit congolais. Le ministre congolais des Affaires étrangères, Léonard She Okitundu s’est longuement entretenu avec la presse à Kinshasa pour expliquer, dans le détail souvent, le sens à donner aux événements qui secouent cette partie du pays. Le ministre souscrit aussi à cette thèse de l’occupation rwandaise en déclarant que «les atrocités commises à Kisangani par L’APR (Armée patriotique rwandaise) sont les mêmes que celles qui endeuillent quotidiennement les familles congolaises à Bukavu, Uvira, Kindu et dans le Sankuru». Mais pour Moïse Nyarugabo, président intérimaire du RCD à Kisangani, les déclarations du ministre des Affaires étrangères du gouvernement Kabila, font partie d’une «propagande dangereuse qui entretient un amalgame suicidaire».

L’exploitation politique de la mutinerie

Selon les dirigeants du RCD, le pouvoir de Kinshasa qui a réalisé un accord avec l’autre mouvement rebelle MLC, cherche aujourd’hui à assurer sa pérennité à la tête de l’Etat. A l’issue du dialogue inter-congolais de Sun City en Afrique du sud, un plan du pouvoir de Kinshasa accordait un poste de Premier ministre au MLC, et ce tandem réservait au RCD la présidence de l’Assemblée nationale pour la période transitoire qui devrait jeter les bases la nouvelle république réunifiée. Cette proposition n’ayant pas emporté les faveurs du RCD, le pouvoir de Kinshasa «agite à nouveau les vieux démons pour chercher à discréditer notre mouvement» déclare Moïse Nyarugabo. Le fait de désigner des Congolais comme des étrangers rwandais ramène tout le monde au début du conflit et «ce n’est pas une bonne chose» déclare le commandant Hugo Ilondo du RCD. «Le commandant Laurent Kunda, chef de la 7ème brigade militaire de Kisangani, le président intérimaire, Moïse Nyarugabo, et beaucoup d’autres sont des Tutsis du Congo, mais ici on les appelle ‘Rwandais’. Il n’y a pas de Rwandais dans nos rangs contrairement à ce qu’affirme le pouvoir de Kinshasa» précise-t-il.

Le RCD dément également les informations rapportées par le pouvoir de Kinshasa selon lesquelles des officiers «congolais» du RCD auraient été arrêtés et exécutés par l’Armée patriotique rwandaise. Le ministre Léonard She Okitundu a par ailleurs déclaré, «notre population se sent abandonnée, terrorisée, et sacrifiée» en appelant à un élargissement des compétences de la mission des Nations unies en RDC (MONUC) à la protection des populations. Il faisait également allusion à la présence actuellement en Afrique du sud d’Adolphe Onusumba, président du RCD et de Kinkiey Mulumba, chef du département information du RCD, absents donc de Kisangani lors de la mutinerie. Kinkiey Mulumba tout en condamnant cette mutinerie l’explique par le manque de perspective dans lequel vivent les gens et les soldats. Cette situation héritée de Sun City qui a accouché d’un règlement partiel ne calme pas les esprits précise-t-il avant de déclarer que le RCD «restera vigilant et travaillera à une solution politique pour la réunification du Congo et sa reconstruction par tous ses fils sans exclusion».



par Didier  Samson

Article publié le 17/05/2002