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Rwanda

L’ancien président rwandais reste en prison

La Cour d’appel de Kigali a rejeté la demande de remise en liberté de Pasteur Bizimungu et de son ancien ministre, Charles Ntakiruntika. Les deux hommes sont poursuivis pour «atteintes à la sûreté de l’Etat».
Pour l’ancien chef de l’Etat, tout s’est précipité fin avril, avec son arrestation et celle de son ancien ministre. Les deux hommes ont été écroués le 23 avril à la prison centrale de Kigali pour avoir porté atteinte à la sûreté de l’Etat. On leur reproche en fait de ne pas avoir renoncé à la création d’un parti politique, le Parti démocratique pour le renouveau (PDR), en dépit de l’interdiction faite aux Rwandais de s’engager dans la vie publique de leur pays durant la période de transition qui devrait s’achever l’année prochaine avec la tenue d’élections législatives. L’épisode qui vient d’avoir lieu à Kigali est le dernier d’une longue série qui a marqué une lente, mais inexorable, détérioration des relations entre Pasteur Bizimungu et le Front patriotique rwandais (FPR), au pouvoir depuis le génocide de 1994 et au cours duquel plusieurs centaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants, Tutsis et démocrates, périrent lors d’un massacre de masse planifié par les responsables de l’ancien régime. A l’époque Pasteur Bizimungu était l’un des dirigeants du FPR dont il avait rejoint les forces combattantes basées en Ouganda en 1990. A ce titre il participe en 1993 à la conclusion des accords d’Arusha, prévoyant un gouvernement de transition et, en attendant des élections, un partage du pouvoir entre l’ancien régime, dirigé par la famille du président Juvenal Habyarimana, et le FPR. L’histoire, simplificatrice, retiendra des premiers qu’ils étaient les «Hutus» et des seconds qu’ils étaient les «Tutsis». La suite est bien connue: les accords d’Arusha ne furent jamais appliqués. Juvenal Habyarimana disparut tragiquement lors d’un attentat contre l’avion présidentiel, en avril 1994, et le lendemain, le génocide fut déclenché.

Un Hutu à la tête de l’Etat

Or, démenti vivant de la logique ethniciste, Pasteur Bizimungu est lui-même un «Hutu». Et à l’issue de la guerre civile et de la conquête de la capitale par les soldats de l’Armée patriotique rwandaise, au nom d’une réconciliation nationale qui se voulait nécessairement au-delà des clivages ethniques, il devient le premier président du gouvernement d’union nationale rwandais. Mais il est flanqué d’un vice-président, Paul Kagamé également ministre de la Défense et véritable «homme fort» du pays, avec qui les relations ne vont cesser de se dégrader jusqu’à sa démission, en avril 2000. Enfin dégagé de son devoir de réserve, Pasteur Bizimungu ne renonce pas à la politique et joue les contradictions d’un régime de plus en plus isolé en raison de son incapacité à se réformer et s’acheminer vers une forme plus démocratique.

La décision de la cour d’appel de Kigali risque de semer un peu plus le trouble quant à la nature et les intentions réelles des dirigeants rwandais. De nombreuses associations de défense de la démocratie en appellent à la raison. Pasteur Bizimungu et Charles Ntakiruntika garderont encore le pyjama rose qui habille les détenus rwandais. Jusqu’à leur pourvoi en cassation.



par Georges  Abou

Article publié le 22/05/2002