Tunisie
Vers une dictature constitutionnelle
Les 3,6 millions d'électeurs tunisiens sont convoqués le dimanche 26 mai pour approuver, par référendum, des modifications constitutionnelles ouvrant la voie à une «présidence à vie».
C’est la quatorzième révision constitutionnelle depuis l’adoption de la Loi fondamentale, en 1959. C’est l’une des plus importantes par l’ampleur des réformes engagées et leur signification. Près de la moitié des articles est concernée. Quinze ans après avoir destitué Habib Bourguiba, le chef de l’Etat voudrait que cette réforme signe l’avènement d’une «IIe République» visant à conforter «l’ensemble des valeurs du système républicain», dont «les droits de l’homme et la solidarité». Pour cela il propose la mise en place d’un dispositif dont les principaux éléments convergent incontestablement vers une centralisation et une pérennisation des pouvoirs entre ses mains. L’abrogation de l’article 39, limitant les mandats présidentiels à trois, en est l’illustration. Cela signifie que Zine El Abidine Ben Ali, 65 ans, peut représenter sa candidature pour un nouveau quinquennat en 2004 puis en 2009. Et qu’il est donc raisonnable de penser, qu’ayant l’intention de le faire, il sera le président sortant en 2014. A toutes fins utiles l’éligibilité est portée de 70 à 75 ans. Autant dire qu’à l’issue du référendum, compte tenu d’une situation politique caractérisée par le délabrement de l’état de droit et la dérive autoritaire du régime, il se prépare une carrière de «président à vie».
Ce n’est pas le seul point qui pousse l’opposition tunisienne à appeler au boycott du scrutin. Dans son article 41, le texte stipule que le président bénéficie de l’immunité judiciaire pendant et après l’exercice de son mandat. Une auto-amnistie anticipée, en quelque sorte. Sur le plan intérieur, la nouvelle Constitution accorde au président l’essentiel des prérogatives du parlement, et notamment le pouvoir de légiférer et de ratifier (ou pas) les conventions internationales. Cette méfiance à l’égard du travail des députés s’explique mal dans la mesure où le parlement est massivement dominé par les élus du parti du président, le Rassemblement constitutionnel démocratique qui dispose de 148 des 182 sièges, les autres étant occupés par 5 formations, sur les 6 reconnues et autorisées en vertu de leur capacité à ne pas troubler les règles du jeu politique en vigueur. Cette affaiblissement du rôle législatif est complété par la création d’un Sénat. Mais cette «Chambre des conseillers», par sa composition, n’est pas à l’abri des critiques, non plus. Le président nommera le tiers de ses représentants, les organisations professionnelles, réputées contrôlées par le pouvoir, se taillant la part belle du reste.
Le souci de «faire démocratique»
A moins que toutes ces mesures ne traduisent la solitude du pouvoir et la nécessité pour le «palais de Carthage» de se protéger, encore plus. Au risque de sombrer dans une sorte de syndrome de la «citadelle assiégée». C’est également le signe qu’il ne prépare pas sa succession, faute de dauphin, et encore moins l’alternance. Pourtant le régime semblait déjà solidement verrouillé. De toute évidence celui qui fut le premier policier du défunt régime d’Habib Bourguiba y a mis tout son talent. Un appareil efficace, une répression impitoyable, une presse aux ordres et une communauté internationale complaisante au regard de son silence remarquable. La réputation d’un Ben Ali champion de l’anti-islamisme radical semble toujours fonctionner comme un bouclier pour ce président apparemment tant menacé, mais dopé par la grâce de «l’effet 11 septembre».
La participation sera massive. On vote en Tunisie, certainement par souci de citoyenneté, mais surtout parce que la carte d’électeur est indispensable pour l’accomplissement de toutes démarches civiles, comme l’accès au services sociaux, l’obtention d’un logement, d’un passeport, etc. La seule inconnue est le pourcentage des «oui». Lors des derniers scrutins, les scores n’étaient pas dignes d’une authentique démocratie, faute de crédibilité. En 1989, Zine El Abidine Ben Ali, seul candidat, avait été élu avec 99,27% des voix. En 1994, encore seul, il avait été réélu avec 99,91% des suffrages. Enfin, en 1999, contre deux adversaires cette fois, il avait été reconduit avec 99,44% des voix. Il se dit à Tunis qu’il se contenterait cette fois d’un résultat moins grotesque, soucieux désormais de «faire démocratique».
Ce n’est pas le seul point qui pousse l’opposition tunisienne à appeler au boycott du scrutin. Dans son article 41, le texte stipule que le président bénéficie de l’immunité judiciaire pendant et après l’exercice de son mandat. Une auto-amnistie anticipée, en quelque sorte. Sur le plan intérieur, la nouvelle Constitution accorde au président l’essentiel des prérogatives du parlement, et notamment le pouvoir de légiférer et de ratifier (ou pas) les conventions internationales. Cette méfiance à l’égard du travail des députés s’explique mal dans la mesure où le parlement est massivement dominé par les élus du parti du président, le Rassemblement constitutionnel démocratique qui dispose de 148 des 182 sièges, les autres étant occupés par 5 formations, sur les 6 reconnues et autorisées en vertu de leur capacité à ne pas troubler les règles du jeu politique en vigueur. Cette affaiblissement du rôle législatif est complété par la création d’un Sénat. Mais cette «Chambre des conseillers», par sa composition, n’est pas à l’abri des critiques, non plus. Le président nommera le tiers de ses représentants, les organisations professionnelles, réputées contrôlées par le pouvoir, se taillant la part belle du reste.
Le souci de «faire démocratique»
A moins que toutes ces mesures ne traduisent la solitude du pouvoir et la nécessité pour le «palais de Carthage» de se protéger, encore plus. Au risque de sombrer dans une sorte de syndrome de la «citadelle assiégée». C’est également le signe qu’il ne prépare pas sa succession, faute de dauphin, et encore moins l’alternance. Pourtant le régime semblait déjà solidement verrouillé. De toute évidence celui qui fut le premier policier du défunt régime d’Habib Bourguiba y a mis tout son talent. Un appareil efficace, une répression impitoyable, une presse aux ordres et une communauté internationale complaisante au regard de son silence remarquable. La réputation d’un Ben Ali champion de l’anti-islamisme radical semble toujours fonctionner comme un bouclier pour ce président apparemment tant menacé, mais dopé par la grâce de «l’effet 11 septembre».
La participation sera massive. On vote en Tunisie, certainement par souci de citoyenneté, mais surtout parce que la carte d’électeur est indispensable pour l’accomplissement de toutes démarches civiles, comme l’accès au services sociaux, l’obtention d’un logement, d’un passeport, etc. La seule inconnue est le pourcentage des «oui». Lors des derniers scrutins, les scores n’étaient pas dignes d’une authentique démocratie, faute de crédibilité. En 1989, Zine El Abidine Ben Ali, seul candidat, avait été élu avec 99,27% des voix. En 1994, encore seul, il avait été réélu avec 99,91% des suffrages. Enfin, en 1999, contre deux adversaires cette fois, il avait été reconduit avec 99,44% des voix. Il se dit à Tunis qu’il se contenterait cette fois d’un résultat moins grotesque, soucieux désormais de «faire démocratique».
par Georges Abou
Article publié le 25/05/2002