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Mali

L’ancien dictateur Moussa Traoré gracié

Condamné en 1993 à la peine de mort pour «crime de sang», puis à la prison à vie, l’ancien dictateur Moussa Traoré a été gracié mercredi par le président sortant Alpha Oumar Konaré, au terme de son deuxième mandat. A l’instar d’un Gnassimbé Eyadéma au Togo, l’ancien général-président, qui a passé les onze dernières années à la prison de Markala dans le nord du pays, fait partie de ces militaires qui ont renversé ces gouvernements dirigés par les pères de l’indépendance africaine.
Moussa Traoré apparaît pour la première fois sur la scène politique malienne le 16 novembre 1968. Il est alors simple lieutenant et à l’instar de tant de jeunes autres militaires africains, il vient de renverser Modibo Keita, le père de l’indépendance du Mali, une des figures du socialisme africain qui mourra en prison neuf ans plus tard. Deux ans plus tôt Sangoulé Lamizana avait, dans la Haute-Volta voisine, renversé un autre chef historique Maurice Yaméogo et Kwame Nkrumah, un des très charismatiques leaders de la Tricontinentale subissait le même sort au Ghana.

Dès son arrivée à la tête de l’Etat, le nouvel homme fort du pays abroge la Constitution, interdit les partis politiques et confie le pouvoir au Comité militaire pour la libération nationale (CMLN) qu’il dirige d’une main de fer. Malgré ses nombreuses promesses de faire revenir des civils à la tête de l’Etat, Moussa Traoré durcit sa politique en instaurant un régime de parti unique. En 1976, l’Union démocratique du peuple malien (UDPM) devient la seule formation politique autorisée. Mais la crise économique qui frappe le pays au début des années 80, aggravée par une terrible sécheresse, pousse le régime à quelques concessions. Après des années d’économie étatisée, le Mali ouvre son marché aux investissements privés et libéralise le marché du grain. Les monopoles d’Etat sont abolis et la pression fiscale atténuée.

Mais le général-président refuse d’accompagner cette ouverture économique par des réformes politiques en profondeurs. Aux multiples grèves qui secouent le pays, il répond par une répression féroce. Au début des années 90, la contestation s’accentue et les accusations de malversations et de détournements de biens publics se multiplient. En mars 1991, l’ordre est donné à l’armée de tirer sur des milliers d’écoliers et de lycéens descendus dans les rues de Bamako pour réclamer des bourses d’études, des salles de classe et des élections libres. Le bilan est terrible avec plus d’une centaine de morts. Un groupe de militaires dirigé par le lieutenant-colonel Amadou Toumani Touré se retourne alors contre le général-président qui est arrêté et emprisonné.

Deux procès et deux condamnations à mort

Destitué en 1991, Moussa Traoré croupit en prison deux ans avant d’être présenté, avec une trentaine de ses collaborateurs, à la justice de son pays pour un procès qualifié de «Nuremberg malien». L’ancienne équipe au pouvoir est accusée de «crimes de sang» perpétrés contre environ deux cents personnes entre janvier et mars 1991. La justice malienne choisit ainsi de ne pas faire le procès des vingt-trois années de pouvoir sans partage du général président. Après trois semaines de débats houleux la cour d’assises du Mali condamne Moussa Traoré ainsi que trois de ses proches à la peine capitale. Une sentence qui sera commuée en prison à vie par le président Alpha Oumar Konaré, hostile à la peine de mort.

En 1999, l’ancien dictateur est de nouveau entendu par la justice de son pays sous l’inculpation de «crime économique». Il est accusé, avec sa femme Mariam et son frère, de détournements de biens publics pour un montant de quatre millions de dollars. Le jugement est encore une fois sans appel avec une condamnation à la peine capitale également commué en peine de prison à perpétuité.

Après onze ans d’incarcération, Moussa Traoré est aujourd’hui, à 66 ans, un homme libre. L’homme qui l’avait destitué, Amadou Toumani Touré –élu président il y a quelques semaines- s’était engagé à le gracier au cours de sa campagne électorale. Il a été devancé par le président sortant Alpha Oumar Konaré, sans doute soucieux, dans un dernier geste symbolique, de sceller la «réconciliation nationale».



par Mounia  Daoudi

Article publié le 30/05/2002