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Défense

Russie-Otan: Acte II

Après un premier échec, la Russie fait une nouvelle entrée au sein de l’organisation militaire occidentale avec la création d’un Conseil «19 + 1» aujourd’hui à Rome.
Il existait déjà une coopération formelle entre l’Otan et la Russie. Un Conseil permanent conjoint avait été créé en 1997 afin de donner à Moscou le sentiment de n’être pas laissée sur le bord de la route à l’heure où nombre de ses anciens satellites rejoignait le camp occidental. En réalité, personne n’était dupe sur la capacité de ce Conseil à infléchir les décisions de l’organisation militaire. Son mode de fonctionnement même révélait une défiance chronique à l’égard de l’ancien ennemi. Chacune de ses conférences était «préparée», en amont, par une réunion de coordination réunissant les dix-neuf états-membres, à l’exclusion donc de la Russie. Les souvenirs de la Guerre froide et de l’ex-Empire Soviétique étaient décidément trop proches pour un partenariat dénué de préjugés et de soupçons. Les Russes en prirent la mesure à l’occasion de la dernière guerre balkanique, celle du Kosovo en 1999. Malgré l’hostilité de Moscou, préoccupée par le sort de son allié historique serbe, l’Otan fut le maître d’œuvre du conflit. Et la Russie suspendit pour un an sa participation aux travaux du Conseil permanent conjoint Otan-Russie. A l’époque, les relations internationales fonctionnaient encore, à cet égard, sur le principe du «19 contre 1». Ce mardi, à Rome, il se dit que la logique qui prévaut désormais est celle du «19 + 1».

Pourtant, il n’est toujours pas question pour l’organisation militaire de renoncer à son autonomie de décision: la Russie n’obtient pas de droit de veto sur les décisions de l’Otan. Mais elle siège à parité avec les autres membres lors des réunions de ce nouveau Conseil Otan-Russie, entre le Portugal et l’Espagne, selon l’ordre alphabétique anglais, en usage au sein de l’organisation. Dans un certain nombre de domaines déjà définis les décisions seront communes. Ce sera le cas pour la lutte contre le terrorisme, la gestion des crises, la non-prolifération des armes de destruction massive, le contrôle des armements, la défense contre les missiles tactiques, le sauvetage en mer, les plans civils d’urgence et la coopération militaire. La liste n’est pas fermée. D’autres thèmes pourront s’y ajouter si cette nouvelle collaboration donne les résultats escomptés. Les réunions seront mensuelles pour les ambassadeurs et bi-annuelles au niveau des ministres de la défense et des affaires étrangères.

Une odeur de pétrole

Quelles sont les garanties d’un bon fonctionnement de cette nouvelle configuration ? Il n’y en a pas car si la fin de la Guerre froide est bien officiellement proclamée, les points de désaccords ne manquent pas. Les colères de Moscou face à l’hostilité occidentale à l’égard des dirigeants serbes n’ont plus la même virulence, mais Vladimir Poutine ne cédera rien sur le partenariat économique, et notamment nucléaire, qu’il entend bien poursuivre avec l’Iran (qui compte parmi les trois pays constitutifs de «l’axe du mal», avec la Corée du Nord et l’Irak, selon Washington). L’intérêt américain pour la région pétrolière du Caucase, sphère d’influence historique du Kremlin, est forcément suspect aux yeux des Russes, en particulier depuis l’arrivée de conseillers militaires américains en Georgie. La perspective de l’entrée au sein de l’Otan d’anciennes démocratie populaires, voire d’ex-républiques socialistes soviétiques, n’a pas non plus les faveurs de Moscou.

Mais il semble cette fois que la Russie a pris la mesure de son statut d’ex-grande puissance et préfère désormais plutôt tabler sur les gains d’une telle opération que de se draper dans une dignité bafouée. Ce n’est pas seulement un nouvel allié militaire que les Occidentaux vont accueillir ce 28 mai à Rome, mais également un partenaire économique qui pèse d’un poids considérable sur le marché des matières premières ainsi qu’en termes de perspectives commerciales. Le président américain a quitté Moscou le 25 mai après avoir conclu avec son homologue russe une série d’accords qui scelle une «nouvelle relation stratégique» entre leurs deux pays. Sur le dossier sécuritaire, outre un traité de désarmement nucléaire qui réduit drastiquement le nombre de vecteurs atomiques à la disposition de leurs armées respectives, cette nouvelle alliance prévoit que Moscou et Washington s’engagent dans un partenariat privilégié dans la lutte contre le terrorisme et dans la recherche de la paix au Proche-Orient et dans les conflits régionaux, notamment caucasien. Mais c’est le volet économique, directement lié au dossier précédent, qui semble le plus prometteur. La pacification attendue du Sud Caucase ouvre la voie à une coopération pétrolière de toute première importance entre les deux nouveaux amis, dont l’Américain attend qu’il réduise sa facture pétrolière à l’égard d’une Opep tenue pour imprévisible, tandis que le Russe convoite un développement de ses infrastructures. Et espère un coup de pouce décisif pour son adhésion prochaine à l’Organisation mondiale du commerce.



par Georges  Abou

Article publié le 28/05/2002